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Brastislav Jivcovic, le légendaire volontaire serbe dans le Donbass

Brastislav Jivcovic, le légendaire volontaire serbe dans le Donbass
Photo du groupe Jovan Sevic en 2014

Toute une vie de combats et d’engagements , voici l’histoire incroyable de Bratislav Jivcovic, un Serbe né en 1975. Alors qu’il n’avait que 16 ans, il avait abandonné ses études pour s’enrôler dans les rangs des volontaires qui servirent pour tenter de défendre le peuple serbe durant les guerres de Yougoslavie. Par la suite, il s’était engagé dans l’armée serbe régulière (1994-1995), servant dans la 63e brigade parachutiste, et termina au grade de sergent. L’histoire aurait pu s’arrêter ici, mais c’était sans compter sans l’OTAN, qui tenta de détruire de nouveau la Serbie, dans ce qui a été appelé la guerre du Kosovo (1998-1999). Il passa dans la protection rapprochée du général Pavkovitch, commandant la 3e armée, puis combattit contre les mercenaires de l’OTAN et les Albanais du Kosovo. Malgré son courage et ceux de nombreux Serbes, la coalition qui fut mise en place contre la Serbie, imposa encore un dépècement du pays. La France se déshonora en participant au bombardement de Belgrade et en trahissant une alliance séculaire et une longue histoire d’amitiés et de combats communs. Une vie paisible aurait dû l’attendre, mais c’est encore l’OTAN qui vînt le tirer de sa retraite…

Dans les rangs des insurgés républicains du Donbass. Dès le début du Maïdan, Bratislav avait probablement compris qu’il devrait de nouveau décrocher « son fusil de la cheminée »… Aussi se rappelant les nombreux volontaires russes qui étaient venus défendre la Serbie, il ne resta bien évidemment pas sans rien faire. Il rassembla quelques camarades et fait extraordinaire, débarqua en Crimée pour participer à son retour dans le giron russe (section Jovan Sevic). Il se trouvait là, avec ses hommes, lorsque les Russes, sans presque un coup de feu, et avec un soutien massif des populations russes de Crimée, plus que majoritaires, prirent la ville de Sébastopol. Toute la Crimée fut bientôt réincorporée dans le sein de la Petite mère Russie, suite à un référendum démocratique (dénoncé par les démocraties occidentales, un comble !). Il fut d’ailleurs décoré à cette occasion de plusieurs médailles pour « Le 3e siège de Sébastopol », « Le retour de la Crimée », et « La défense de la Crimée » (mars 2014). Les événements tragiques de Slaviansk, Marioupol, Kharkov, Zaporojie, de Lougansk et Donetsk, le conduisirent alors immédiatement avec ses hommes dans le Donbass. Comme il le déclara par la suite : « Le peuple russe et serbe ont une amitié de longue date, liée à travers les siècles et le sang. Sur le territoire du Donbass ou de la Novorossia depuis le XVIIIe siècle de nombreuses colonies de Serbes ont été fondées, ils fuyaient l’oppression des Turcs et ont fidèlement servi l’empire russe. […] Je suis venu dans le Donbass pour aider le peuple russe dans sa lutte contre le néofascisme ». Il arriva dans la République de Lougansk, au moment le plus critique alors que l’invasion des bataillons de représailles d’Ukraine était en court (printemps 2014). Il combattit et vit les premières batailles, celles des Frontières, puis celle de Debaltsevo (2014-2015), et servit encore longuement. Plus tard, il fut honoré d’un passeport de la RPL, et de 4 nouvelles médailles qui lui furent attribuées pour sa constance et ténacité dans le service. Il se décida alors au repos, épousa une Russe du Donbass, et s’installa à Gorlovka.

Arrêté en Serbie après une visite de Porochenko. Bien que le pays n’était pas particulièrement hostile aux Russes du Donbass, la Serbie était depuis longtemps sous pression occidentale. L’OTAN, particulièrement les USA, la France et l’Allemagne furent responsables du drame de la guerre du Kosovo, qui se termina par l’occupation de ce territoire par une force armée de plus de 18 000 casques bleus. Les faits sont connus, renversement de Milosevic (octobre 2000), destruction de la Yougoslavie (2003), indépendance du Monténégro (2006), puis celle illégale du Kosovo (2008). Malgré les protestations, cet État mafieux autoproclamé fut reconnu dans l’ordre par les USA, l’Allemagne, puis la France, le Royaume-Uni et l’Italie.. Contrainte, mais jamais soumise, la petite Serbie, restreinte à ses seules forces, fut invité à rejoindre l’Union européenne, du moins, on lui laissa espérer cette possibilité et la normalisation de sa situation dans le concert des nations européennes. Elle se décida à déposer une candidature (fin 2009), et après trois ans d’ergotages, le statut de candidate lui fut accordée (2012). En 2017, c’est Aleksandar Vucic qui fut nommé Président du gouvernement de Serbie (2014-2017), puis élu dès le premier tour Président de la République de Serbie (2017-à nos jours). Il ne se comporta pas spécialement comme un « serviteur zélé » des Occidentaux, souvent jugé comme un nationaliste, mais aussi encouragé à se montrer plus souple. Dans l’année 2018, Vucic fit des efforts remarqués pour rétablir des dialogues avec les ennemis du passé, y compris les Albanais du Kosovo. Des ordres assez naïfs furent donnés pour qu’il reçoivent le Lion d’or de Venise pour la Paix (décembre 2018). C’est dans ce contexte, que la Serbie fit arrêter Bratislav (23 août 2018), puis aligna la politique serbe à propos d’Israël sur celle des USA. Toutefois, même en ayant pour la forme et satisfaire l’hystérie occidentale, condamné l’opération spéciale russe en Ukraine (2022), la Serbie se refusa obstinément à imposer des sanctions contre la Russie, encore moins à envoyer à l’Ukraine des fonds ou des armes. Bratislav fut finalement libéré et retourna à Gorlovka dans le Donbass. Il donna des dizaines de conférences dans le monde russe, et fut diplômé de l’Université nationale de Donetsk. C’est dans sa nouvelle patrie, ayant reçu après bien des années un passeport russe, qu’il reprit à nouveau les armes « Je suis un citoyen russe désormais, il était de mon devoir de prendre les armes quand les fascistes sont de nouveau venus sur ma terre. Qui plus que le peuple serbe, sait ce que c’est de vivre sous le joug de l’occupation ? Mais les Serbes ont toujours été le peuple le plus rebelle d’Europe. Nous pouvons être vaincus, mais jamais conquis, jamais soumis, et jamais des esclaves ».

Dans les rangs de la 3e brigade de l’armée de Donetsk. Encore une fois donc, Bratislav reprit les armes, grade de capitaine dans une escouade d’assaut. Il raconte : « Je ne me suis jamais caché derrière le dos de mes soldats, toujours à côté d’eux, plusieurs fois, je suis allé avec eux en reconnaissance, avec les combattants, et nous avons effectué de nombreuses tâches difficiles. L’État-major était souvent en colère contre moi, beaucoup d’autres officiers n’ont pas compris pourquoi je le faisais, et pourquoi je prenais des risques quand d’autres pouvaient le faire à ma place. Mais ce n’est pas ainsi que l’on m’a appris. Je suis aussi le commandants des Tcheniks serbes et ataman de Cosaques. Je dois partager le destin de mes soldats, être un modèle pour eux ». Cette nouvelle guerre, comme il le raconte fut bien différente des précédentes, il indiquait : « C’est une guerre artillerie, de projectiles de haute précision, de drones. Les combats d’infanterie ne sont plus si fréquents, maintenant c’est un opérateur de drone qui peut infliger le plus de dégâts à un ennemi qu’un tireur d’élite, et en savoir plus que le renseignement militaire ». Blessé à quatre reprises, il avait déjà été touché par une balle, par deux éclats d’obus et avait marché sur une mine-pédale sans conséquence. Mais sa dernière blessure avait été beaucoup plus grave. Il racontait : « Mon groupe a été touché par un tir de mortier de 120, et une roquette a explosé près de moi. Un gros fragment m’a frappé à la jambe, heureusement mes camarades m’ont rapidement donné les premiers soins, et j’ai été évacué et opéré à Gorlovka, puis envoyé en convalescence à Moscou ». A la question s’il voulait retourner combattre, il répondit : « oui ma place est toujours dans les rangs de l’armée, avec mes camarades de combat. Le fait que je boîte ne m’empêchera pas de transmettre mon expérience, de former de jeunes combattants, de former des spécialistes, ou encore de me former comme opérateur de drones. Ici les jambes ne sont pas essentielles ! ».

Bratislav est aussi historien et membre du cercle historique et association Kroutoyar. Il a écrit un livre sur l’histoire du Mouvement des Tchetniks (2023), qui reprend tout l’histoire de ces combattants serbes redoutés. Le livre comprend aussi sa propre histoire . Il reprend les biographies des principaux héros de l’indépendance des Serbes, de ceux des faits d’armes de l’armée serbe durant la Première Guerre mondiale, de ceux de la lutte à mort contre l’occupant nazi et oustachi, et enfin des combats terribles des guerres qui détruisirent la Yougoslavie. Il concluait dans une interview : « La Crimée c’est la Russie ! L’Alaska c’est la Russie, tout est Russie… sauf le Kosovo, le Kosovo c’est la Serbie ! ».

Le petit dictionnaire des Tchetniks et des Serbes. Pour en savoir plus, voici un mini dictionnaire , très incomplet et non exhaustif. J’ai rencontré moi-même un certain nombre de Serbes qui servaient dans les rangs de la RPD, et ils furent certainement l’une des nationalités parmi les plus présentes auprès des miliciens du Donbass à partir de 2014. Voici quelques faits historiques pour mieux comprendre la venue des Serbes dans la région :

Lazare (de Serbie, prince, 1329-1389), souverain des Serbes, saint martyr de l’Église orthodoxe, il commanda une armée deux fois moins nombreuses qui affronta les troupes ottomanes à la bataille de Kosovo Polje (28 juin 1389). S’il fut tué dans la bataille, ainsi que la plus grande partie de ses chevaliers, la bataille fut meurtrière. En Occident elle fut annoncée comme une victoire, au point que le roi de France Charles VI fit sonner les cloches dans sa capitale. Les Ottomans conclurent une paix avec les Serbes, pour un temps. En réalité il n’y eut pas de vainqueur, mais la Porte Ottomane tira bien plus tard profit des immenses pertes humaines que les Serbes subirent à cette bataille. Elle reste l’une des plus importantes batailles du Moyen Age et est l’un des fondements de l’unité des Serbes. L’Empire Ottoman poursuivit ensuite son avance vers l’Ouest et menaça même de destruction l’Empire des Habsbourg (sièges et batailles de Vienne au XVIe et XVIIe siècle).

Draza Mihailovic (1893-1946), légendaire chef tchetnik, qui servit dans les rangs serbes durant diverses guerres (Guerre de 1912-1913 dans les Balkans, Première Guerre mondiale, Seconde Guerre mondiale). Il lança le recrutement de volontaires pour résister à l’occupant allemand et italien (1941). Après avoir tenté de s’accorder avec les groupes de partisans communistes de Tito (automne), une guerre larvée exista entre les deux forces armées yougoslaves. Sa tête fut mise à prix par les Allemands, mais les Soviétiques firent pression pour que les alliés abandonnent le mouvement monarchiste des Tchetniks. Churchill continua son soutien, mais les Soviétiques les accusèrent de collaboration et devinrent pressants (1942). Il fut nommé Ministre de la Guerre dans le gouvernement en exil à Londres de Pierre II (11 janvier). Cependant le soutien britannique finit par tomber (1943), Churchill imposa le limogeage de Mihailovic au roi Pierre II (juin 1944). L’immense majorité des Tchetniks préférèrent rejoindre les partisans communistes. D’autres rallièrent la collaboration en petit nombre. Les Oustachis en profitèrent pour en liquider une partie (septembre). Le pays ayant été libéré, les communistes s’emparèrent rapidement d’un pouvoir sans partage dans le pays (1945). Tous les Tchetniks furent déclarés comme des traîtres et des collaborateurs. Dès lors poursuivit, Mihailovic fut capturé (12 mars 1946), et jugé pour « trahison et des crimes de guerre ». Il fut condamné à mort et fusillé le 17 juillet 1946. Diffamé, comme tout le mouvement tchetnik, son petit-fils entama une procédure judiciaire de réhabilitation de son Mihailovic (2006). Il fut officiellement réhabilité le 14 mai 2015. Il fut médaillé par la France, et de Gaulle refusa de rencontrer Tito pour ce crime et réécriture de l’histoire. Il considérait Mihailovic comme un héros et l’un des artisans de la victoire.

Jovan Sevic (détachement, mars-octobre 2014), fondé par Bratislav Zivcovic, au départ avec 5 Serbes et Tchetniks, le groupe débarqua en Crimée pour aider au retour de la région à la Russie. La première appellation du groupe était « Prince Lazare ». Le groupe passa ensuite à Moscou, puis rejoignirent le front de Donetsk, puis de Lougansk (juin.juillet). Le groupe se renforça petit à petit pour rassembler 36 Serbes et Russes. Le détachement participa à des combats acharnés et détruisièrent au moins deux chars ukrainiens (12 août), un canon automoteur et une pièce d’artillerie de montagne. En octobre 2014, le détachement se dispersa, les uns retournant en Serbie, d’autres restant sur place pour combattre.

Jovan Sevic (?-après 1764), Serbe, d’une famille s’étant installé en Hongrie et servant dans les rangs de l’armée des Habsbourg. Il fut promu au grade de lieutenant-colonel, mais préféra quitter le service autrichien suite à des intrigues (1750). Il s’installa alors en Russie, prêta serment à Moscou et fut nommé major-général (1752), et lui et ses hommes furent officiellement reconnus comme au service de la tsarine Élisabeth (1753). Ils s’installèrent dans la région de Severodonetsk, d’Artiomovsk et de Lougansk et fondèrent la Slavianoserbie. Ils reçurent l’autorisation de former un régiment de hussards serbes, et la colonie prospéra autour de la ville fortifiée de Bakhmut (Artiomovsk). Il fut nommé chef de la Slavianoserbie (1759), mais sous la Grande Catherine, la colonie fut intégrée administrativement à la Novorossia (1763). Il se retira du service au grade de lieutenant-général (12 août 1764), et mourut dans le Donbass à une date inconnue.

Tchetniks (Pour le roi et la patrie, la liberté ou la mort), mouvement et armée serbe fondée pour combattre contre l’occupant nazi (1941-1945). Cette force fut d’abord soutenue par le Royaume-Uni et Churchill (fin 1943), et ces troupes comportèrent jusqu’à 300 000 combattants. Les alliés abandonnèrent également leur soutien au roi Pierre II de Yougoslavie et à son gouvernement en exil. Les partisans communistes de Tito, furent reconnus comme « la vraie armée yougoslave », et l’armée des Tchetniks se délita, s’affaiblissant aussi des pertes nombreuses qu’elle subit contre les occupants de l’Axe. Plus de la moitié des combattants Tchetniks tombèrent au combat et malgré l’abandon des alliés poursuivirent leur lutte. Certains toutefois s’engagèrent dans la lutte contre les partisans communistes, d’autres passèrent à l’ennemi du côté des collaborateurs. Les Tchetniks étaient en effet acculés et trahis, ne disposaient pas des parachutages britanniques. Des chefs décidèrent alors de rejoindre les rangs italiens et parfois allemands. Le mouvement fut victime d’une révision de l’histoire mensongère et fut classé dans les rangs des groupes de la collaboration. Ce révisionnisme fut l’œuvre du régime de Tito, et après la guerre des groupes tchetniks poursuivirent longtemps le combat pour restaurer la monarchie en Yougoslavie (1944-1957). Les survivants se dispersèrent, certains dans différents pays, où ils fondèrent des mouvements ou des associations des Tchetniks. A l’époque des guerres de Yougoslavie, le nom de Tchetnik fut utilisé pour l’ensemble des combattants volontaires, servant dans les zones de populations serbes et en dehors de l’armée régulière. L’Occident pour les discréditer, repris la fable des Tchetniks de la collaboration. En Ukraine des années plus tard, les Occidentaux cachèrent ou excusèrent les mouvements collaborateurs bandéristes et nièrent leur essence néofasciste ou néonazie…

Tchetniks noirs, nom donné aux Tchetniks qui passèrent dans les rangs de la collaboration pour des raisons idéologiques (fascisme), ou suite à l’abandon des alliés de leur cause. Ils furent commandés par Kosta Pecanac (1879-1944), qui fut liquidé par les Tchetniks sur la fin de la guerre (été 1944), après la dissolution par les Allemands des supplétifs tchetniks noirs jugés inutiles, dangereux et instables.

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