La France insouciante de la guerre… pas tout à fait évidemment puisqu’il n’a échappé à personne que son gouvernement a tenté de se mêler de la situation internationale, via son président, en brassant beaucoup d’air, et en faisant des déplacements remarqués à Moscou et à Kiev. Tout ceci d’ailleurs n’a pas duré, rentrant très vite dans le cadre franco-français des petits problèmes électoralistes bleu-blanc-rouge. Au moment où Paris va vivre certainement des manifestations de l’importance de ce qui se fit durant le mouvement des gilets jaunes et que le convoi de la Liberté fait beaucoup parler de lui, les chars russes ont bien vite été remplacés par ceux des forces de l’ordre et autres véhicules de la Gendarmerie et des gardes mobiles. En pleine campagne électorale, bouillonnante, la France votera dans quelques semaines et a beaucoup de mal à regarder plus loin que les frontières de l’Hexagone. Pour faire digression, nous allons tenter de nous attarder sur les événements passés et les scénarios possibles qui pourraient bien surprendre cette France, la tête enfouie dans une urne électorale !

Des bruits de bottes de l’Otan aux manœuvres américaines face à la Chine. C’est à peu près dans l’indifférence générale que dès le printemps 2021, quelques oiseaux de mauvaises augures ont été les premiers en France à parler d’une possible invasion de l’Ukraine par la menaçante Russie… L’une des premières et non moins intéressante fut Galia Ackerman, petite grand-mère au visage inoffensif qui indiqua via son Twitter l’accumulation de troupes russes aux frontières de l’Ukraine. Activiste antirusse de premier ordre, familière de l’ambassade d’Ukraine à Paris, amie de nombreuses personnalités troubles, comme Bernard-Henri Lévy et d’autres remarquables personnages, elle écrit aussi avec une plume acide et tranchante dans le Huffington Post journal internet américain dont les ramifications s’enfoncent dans les méandres de la Finance, entre les États-Unis et la France, dans une nébuleuse ou apparaît en bonne place le groupe Le Monde. Mais vous me direz que nous importe Galia Ackerman ? Et bien tout simplement qu’en plus d’être l’une des premières à évoquer cette supposée invasion russe, cette femme est aussi une sonnette d’alarme d’importance pour la guerre du Donbass, car elle est probablement un agent américain avec tout ce que cela implique. Comme par hasard, six mois plus tard, l’alarme clignote désormais dans tous les sens et le bruit des sirènes guerrières ne cesse de s’amplifier. Petit à petit l’énorme machine de propagande des médias du système s’est mise en marche, gigantesque rouleau compresseur qui a conduit à la situation que nous connaissons et que j’ose comparer aux pires situations de déclenchement de guerre, en 1911 avec l’affaire de la canonnière au Maroc, en juillet 1914 avec l’assassinat de l’archiduc François-Ferdinand, aux tensions de 1938 et 1939 avec l’annexion de l’Autriche puis de la Tchécoslovaquie, enfin en 1962 avec la crise des missiles de Cuba.

Tout le monde doit bien être conscient que les USA sont évidemment à la manœuvre et que rien n’est le fait d’un hasard, ni de faits incontrôlables et soudains. Tout a commencé pourrait-on dire avec l’évacuation pitoyable, pour ne pas dire la fuite à l’anglaise des Américains de l’Afghanistan à la fin de l’année dernière. En évacuant dans la précipitation et en subissant une défaite militaire historique, similaire à celle du Vietnam (1975), la présidence de Joe Biden a enregistré un revers qui restera un jalon dans la lente déchéance américaine de son rôle de première puissance mondiale. Les analystes ont immédiatement parlé du besoin des États-Unis de se tourner vers la Chine pour répondre à une menace désormais perçue comme mortelle par les Américains. Forte de ses immenses richesses et d’une fine et patiente stratégie, la Chine est en effet en passe de faire trembler et peut-être même chuter la suprématie de l’Oncle Sam sur le monde. Avec ses projets des nouvelles routes de la Soie, avec sa construction rapide d’une armée, d’une flotte et d’une aviation de guerre à une cadence jamais observée (la Chine a mis en deux ou trois ans à la mer l’équivalent des flottes française et anglaise réunies…), la Chine a aussi dévoilé ses ambitions : être la première puissance mondiale, économique et militaire pour les cent ans de l’anniversaire de la création de la République Populaire de Chine (1949-2049). Et déjà il s’agit de beaucoup plus que de simples ambitions, car la Chine a déjà annoncé que le retour de Taïwan au giron chinois était inéluctable, a déjà mis la pression sur les démocrates de Hong-Kong et construit des bases militaires et civiles en mer de Chine et bien au-delà dans l’Océan Indien, en Asie centrale et jusqu’en Afrique. Si en 1949, la Chine communiste n’avait pu s’emparer de l’île de Formose (Taïwan), c’était surtout par le manque d’une flotte et d’une aviation de guerre. Aujourd’hui la Chine est sans doute déjà la seconde puissance navale mondiale et elle développe une aviation militaire et aéronavale qui n’aura bientôt pas d’égale dans le monde.

Après l’abandon de l’Afghanistan serait-ce le tour de l’Ukraine… Depuis quasiment le début de la guerre dans le Donbass, c’est en effet les USA qui financent la guerre contre les républiques insurgées de Donetsk et Lougansk. En 2016, le congrès américain avait voté 800 millions de dollars pour financer l’armée ukrainienne. Et depuis, l’argent américain… et européen a coulé à flots dans les caisses de l’Ukraine pour maintenir cette guerre active. Dès lors, ayant décidé l’évacuation de l’Afghanistan malgré les conséquences à cours termes, les USA ne pouvaient que penser à en finir avec la guerre du Donbass, une guerre qui jusqu’à là avait été maintenue active artificiellement par les Américains. Au début du conflit, et de la Révolution du Maïdan, surtout en 2013/2016, l’idée était d’abord d’installer un fossé gigantesque entre l’Union européenne et la Russie, pour empêcher des rapprochements, isoler la Russie, l’affaiblir en mettant la main sur l’Ukraine, l’un des deux poumons russes avec la Biélorussie, mais aussi d’empêcher la formation de l’Union Eurasiatique ou encore de fermer l’accès aux mers chaudes pour la Russie (en liquidant l’accès à la Crimée et au port de guerre de Sébastopol). Un espoir était aussi permis de tenter d’abattre le rouble et l’économie russe afin de générer un marasme économique devant mener à une révolution colorée en Russie. Il n’en fut rien mais le maintien de cette guerre a permis toutefois d’entretenir une menace concrète, de raviver et de pérenniser une russophobie en Europe, de garder active cette épine dans le pied russe, avec possibilité de saisir de nouvelles occasions pour glisser sous les pieds de la Russie de “nouvelles peaux de bananes”. Pour faire illusion et paraître bien loin du conflit, les USA ont envoyé se mouiller la France et l’Allemagne lors des accords de Minsk (février 2015), mais ont neutralisé et verrouillé toutes les possibilités d’un règlement pacifique du conflit.

N’ayant que partiellement réussi leur coup, notamment en n’ayant pas vu venir le retour de la Crimée à la Russie, sans parler du maintien de l’accès aux mers chaudes de la Russie et donc la continuation du soutien à la Syrie, les Américains ont donc perdu une bataille. Engagée dès l’année 2011, la bataille de Syrie a été une première défaite américaine et otaniste, qui a révélé également le soutien des pays occidentaux aux islamistes du Moyen Orient. Discréditée par cette défaite qui avait été entrevue comme une victoire, les USA n’ont pas réussi non plus à abattre l’Iran, l’un des derniers remparts à leurs ambitions dans la région à cette époque et concentrés sur ce qu’ils croyaient être des victoires certaines, ils se sont réveillés avec un sévère mal de tête et l’accumulation d’une série de défaites qu’ils n’avaient encore jamais connu : défaite en Syrie, échec contre l’Iran, défaite tactique dans le Donbass, défaite en Afghanistan, la liste pourrait bien s’allonger et de manière beaucoup plus spectaculaire contre la Chine. Pour tenter de sauver la face et selon une stratégie élaborée au moins depuis la décision de partir d’Afghanistan, les USA tentent maintenant de régler le conflit en Ukraine et de ne pas paraître avoir subi une nouvelle défaite. C’est là toute l’explication de ce qui se passe actuellement en Europe de l’Est et des manœuvres américaines et otanistes. Pour en partir la tête haute et retrouver l’usage de toutes ses ressources économiques et militaires pour affronter la Chine, les USA doivent maintenant se débarrasser d’une épine qui est passée du pied russe… au pied américain. Et pour se faire, la manœuvre ne doit pas paraître être américaine mais bien européenne pour des raisons que nous allons maintenant évoquer.

Faire monter les blancs en neige… et filer de nouveau à l’anglaise. C’est là donc toute la stratégie des bruits de guerre et de la vraie fausse invasion russe de l’Ukraine. Mais cette stratégie comporte des revers de la médaille. En premier lieu, après avoir trahi la France une fois de plus (affaire des sous-marins australiens), les USA ont laissé entrevoir qu’ils accepteraient la formation d’une armée européenne au président Macron. Un os à ronger mais aussi dans un futur encore lointain, le danger que l’Europe se libère de la tutelle américaine pesant sur elle depuis la fin de la Seconde Guerre mondiale. Toutefois en armant l’Europe, les USA ne font que répéter ce qu’ils avaient déjà fait contre l’Union soviétique en réarmant l’Allemagne et en laissant, peu ou prou, la France être la première force militaire européenne continentale de cette époque. En second lieu, en versant de l’huile sur le feu ukrainien les USA ont poussé de nouveau la France, l’Allemagne mais aussi la Grande-Bretagne à réagir devant la menace maintenant bien réelle d’une guerre majeure en Europe contre la Russie. Cette dernière a réagit (et les Français n’ont pas pu le voir), en envoyant pour de vrai une grande partie de son armée aux frontières européennes de l’Ouest, face aux pays baltes, à la Pologne et à l’Ukraine. N’importe quel utilisateur de Tik-Tok en Russie, vous dira que les jours derniers, une frange importante de l’armée russe était sur les routes pour se positionner aux frontières afin de contrer la menace de l’OTAN. En réalisant cette manœuvre, contraints et forcés, les Russes ont en quelque sorte avalisé la réalité d’une future invasion permettant ainsi aux Américains de poursuivre le versement de combustibles dans le brasier ukrainien.

En effet, cette situation a provoqué les délires médiatiques que nous avons connus En France et en Occident, le jeu de la chaise musicale auprès du président Poutine de Macron et d’autres personnages occidentaux, sans parler du cadeau hallucinant d’un milliard de dollars de la France à l’Ukraine… de l’envoi d’armes, de munitions, d’armements et de matériels à l’Ukraine dans des proportions jamais vues et qui équivalent sans doute à plusieurs fois les budgets déjà consentis par les USA aux Ukrainiens pour soutenir leur effort de guerre. Par ce coup astucieux, les Américains ont ainsi forcé les Européens à financer eux-mêmes cette guerre, et finalement à en prendre “la tête”, l’air de rien et par ce seul artifice. Un coup de maître donc, qui se poursuit actuellement avec l’annonce du conseil d’évacuer la Russie et l’Ukraine pour tous les citoyens américains, bientôt rejoints par d’autres pays que sont le Japon, la Corée du Sud, les Pays-Bas, l’Australie, la Nouvelle-Zélande, la Grande-Bretagne… et bien d’autres. Le journal français Le Figaro, fidèle à ses traditions antirusses récurrentes a même emboîté le pas de la presse anglo-saxonne dans la foulée de l’agence AFP en annonçant l’imminence de l’attaque russe dans les jours à venir ! Pourtant, depuis déjà plusieurs jours, la Russie ne cesse de répéter qu’elle ne lancera pas d’offensive et n’en a jamais planifiée. De manière éhontée, Américains et anglo-saxons, faisant la sourde oreille, ne cessent de crier à l’assaut russe imminent, décrivant avec forces détails les marées humaines russes prêtent à se déverser sur l’Ukraine, mais aussi la Pologne, la Roumanie ou les états Baltes.

Mèche courte ou mèche longue ? Oui mais… et si la mèche allumée était trop courte ? En simulant une fausse volonté d’agression de la Russie de l’Ukraine et donc de l’Europe et de l’OTAN, les Américains, bien épaulés par les Britanniques pourraient bien être allés trop loin. En envoyant des tonnes d’armes et des armements de pointe à l’Ukraine, c’est ignorer que cette dernière comporte de très nombreux éléments ultranationalistes, bataillons néonazis, groupes armés, frange politique du même acabit qui eux ont intérêt à ce que cette guerre éclate réellement. Il est certain qu’aux USA et dans le monde anglo-saxon cette guerre soit aussi désirée par une frange nationaliste et des lobbyings. Dans la situation actuelle nous ne sommes donc pas à l’abri de provocations militaires ukrainiennes à la manière de la préparation de l’invasion par Hitler de la Pologne (ayant simulé une fausse attaque des Polonais du territoire allemand à la fin d’août 1939). Personne en 1914 n’avait prévu le coup de Sarajevo qui mit le feu aux poudres. Rappelons qu’une organisation nationaliste serbe avait été à l’origine de cet assassinat qui avait provoqué l’excuse pour une invasion de l’Autriche-Hongrie de la Serbie et par le jeu des alliances, le déclenchement de la Première Guerre mondiale. Si les Français ne sont pas conscients de cela, il faut dès lors les alerter qu’à l’heure où j’écris ces mots, nous sommes encore en juin 1914… mais qu’un tout petit événement, qu’un coup bien monté par les fous dangereux qui sont à l’œuvre en Ukraine (ou ailleurs) et cette guerre, que personne ne veut, pourrait éclater du jour au lendemain.

Il apparaît en effet bien évident que les Américains ont soupesés ce risque. Si la guerre éclatait elle serait immanquablement mise sur le dos de la Russie pour ce qui concerne son déclenchement. N’ayant pas de frontières avec la Russie, les USA n’auraient pas grand chose à craindre d’une menace russe dans l’immédiat et elle mettrait toutefois tous les pays européens de l’Union et de l’OTAN en état de guerre avec la Russie. Ceci surprendrait assurément la Chine, occupée avec ses Jeux Olympiques d’Hiver, mais aussi particulièrement la France. Les Britanniques engoncés dans leurs îles, c’est en effet sur la France, première puissance européenne que le fardeau incomberait. Pour Macron occupé à se faire réélire dans une situation difficile et sous fond d’une contestation presque pré-révolutionnaire, autant dire que cette guerre tomberait comme un cheveu (blanc) de Brigitte dans sa soupe… Il va sans dire que cette guerre serait de courte durée et se terminerait enfin à la table des négociations pour en terminer avec la crise ukrainienne et sans doute son abandon : à savoir dans le meilleur des cas, reconnaître le retour de la Crimée à la Russie, lâcher prise contre les républiques insurgées de Donetsk et Lougansk intégrant elles aussi la Russie ou restant autonomes sous tutelle russe. Dans le pire des cas, l’Ukraine serait un peu plus amputée, notamment des terres russes historiques de la fracture du Dniepr. Ce scénario de la mèche courte permettrait donc aux USA d’en finir avec ce conflit sans fin, pour se concentrer tout entier à la vraie guerre qui s’annonce : celle du contrôle du Pacifique et donc de la suprématie du monde entre la Chine et les États-Unis. Quant à la stratégie de la mèche longue, les USA auront alors mis une pression supplémentaire sur la Russie, réactivé le conflit du Donbass en faisant passer de nouveau l’épine dans le pied russe et en renforçant de beaucoup le sentiment antirusse dans tous les pays européens. Le conflit n’éclatant pas, la mèche longue déclencherait toutefois tôt ou tard de nouvelles négociations amenant les Européens à signer avec les Russes de nouveaux accords de Minsk en n’en prenant ainsi toute la responsabilité.

Alors ? Mèche courte ou mèche longue ?

Laurent Brayard

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