Chroniqueurs

La crise de l’Occident – Les causes de l’hubris

La crise de l’Occident – Les causes de l’hubris

C’est un truisme de parler aujourd’hui de l’hubris occidental. Cette fureur hors de contrôle, cette certitude irrationnelle de bien faire et de pourtant tout détruire. Cette analyse essaie de le problématiser et d’exposer la difficulté à laquelle nous nous heurtons.

« La victoire sur soi-même est de toutes les victoires la première et la plus glorieuse, alors que la défaite où l’on succombe à ses propres armes est ce qu’il y a de plus honteux et de plus lâche. » – Platon

Personne espérons-le n’aura un sourire moqueur devant une citation vieille de 2 500 ans. Pourrait-on mieux décrire notre monde actuel ?

L’Occident après avoir introduit l’ensemble de l’humanité dans la modernité semble être sur la voie du déclin. La faute aux barbares pressés aux portes de Rome ? Même pas. Par une suite d’erreur commise au sein de nos propres pays.

On parle de déclin de la civilisation, de nouvel obscurantisme de fin des temps et que sais-je. La vérité est plus complexe.

« Nous sommes au XXIᵉ siècle ! » m’avait une fois dit une amie comme si cet argument clôturait tout. Elle venait de réinventer Fukuyama et sa fin de l’histoire. Évidement, des auteurs de son talent sont toujours remarquables, mais nombres d’universitaires ou de hauts fonctionnaires écrivent des livres chaque année. Ce sont de notoriété publique des individus doués avec les mots et les réseaux suffisants pour être édités. Personne ne s’émeut de leurs ouvrages.

Si Fukuyama a connu le succès il faut donc rechercher les causes dans ce que nous nommerons « l’air du temps » avant de le caractériser davantage. Ces deux exemples montrent une vision du monde partagée à tous les niveaux de la société et, là est probablement le plus complexe.

Il est ensuite difficile, mais nécessaire de tracer des perspectives historiques avant enfin de nous poser la question de comment sortir de l’impasse.

L’air du temps. Les historiens du futur riront certainement de notre époque avec le même mépris comparable à celui accordé aujourd’hui aux gens de l’an mille et leurs peurs millénaristes.

Imaginez, les croisés, certes un peu plus tardif, pensaient par la prise de Jérusalem déclencher la fin des temps. Sommes-nous si loin de l’hystérie sur le réchauffement climatique ? Sachons nous regarder dans la glace, nous aussi nous partageons cette illusion de toute puissance humaine.

Autrefois, le rationnel était de voir l’homme par ses actions réaliser le désir d’un dieu attentif à sa créature. Il y avait au moins une relation émotionnelle, une exaltation, peut-être pas très rationnelle, mais capable de déposer l’homme sur un piédestal.

Depuis, des siècles de développement rationnel et de pensées scientifique sont passés par là. Dieu est mort dans l’esprit de beaucoup. Marx et le Reich l’ont remplacé, avec un succès tout relatif. Nous devons donc substantiver d’une manière différente notre volonté d’être unique et tous puissants. Heureusement, des centaines d’années de pensée scientifique ont accouché de la technologie. Nous manipulons des énergies si puissantes que Dieu n’est finalement plus nécessaire.

A quoi bon prendre Jérusalem à grand peine pour déclencher la fin des temps, si c’est pour découvrir que finalement notre idole nous a posé un lapin ? Désormais, nous avons la solution, fiable, sure efficace, avec résultat garanti : l’apocalypse nucléaire.

Certes, niveau vie après la mort ou promesse de paradis, c’est un peu limité, mais l’homme est au moins sûr de son destin, en tout cas du point de vue négatif. Toutefois, la mort a un petit coté irrévocable un peu dérangeant et faute de nous lancer quelques milliers d’ogives sur la tête pour climatiser la terre au profit des rares survivants autorisés à jouir des plaines irradiées sans fin de notre planète, John Connor sans les Terminators est un spectacle assez peu glorieux et nous cherchons une alternative positive pour notre égo.

Une sans trop de conséquences. Et, bonne nouvelle, nous en avons trouvé plein. Listons les un instant pour nous en amuser.

  • Le changement climatique, pardon, avant c’était le réchauffement, encore avant l’age glaciaire, faute de l’avoir eu, face à ce thermomètre qui refuse de confirmer notre toute puissance et aux glaces qui persistent à exister on a changé le nom. Qu’importe la réalité, si nous confirmons le mythe.
  • La théorie du genre. Grâce à sa volonté prométhéenne et un peu de chirurgie l’homme peut choisir sa nature. D’autres sujets moins matures, mais de même nature encombrent les ondes, intelligence artificielle, immortalité…. L’hubris dans toute sa splendeur, où l’homme se rêve libéré de la tyrannie de sa nature biologique.
  • Bien sur réécrire l’histoire, la plus vieille toute puissance de l’homme, est-il encore nécessaire d’en parler, colonialisme, esclavage…. Là, aussi nous savons réinventer et bien sur à la place de nos ancêtres, nous aurions été plus sage sans commettre les mêmes erreurs.
  • Le racisme ou la peste brune. Dans l’ignorance des fondamentaux derrières ces drames se dissimulent notre volonté de perfection. L’homme nouveau n’est plus raciste, la nouvelle société n’aura plus de bouc émissaire. Doit-on rappeler les non vaccinés du Covid ou le sort fait aux Russes car Russes ?

Comme vous le constatez, l’homme sait trouver des idées pour se hisser à l’égal de Dieu ou des dieux mais qu’importe le vin pourvu que l’on ai l’ivresse. Avec le XXIᵉ siècle nous avons crée un peuple en partie libéré de la tyrannie de la misère. Le milliard doré occidental comme on nous appelle dans le reste du monde. Chez ces gens libérés de la contrainte matérielle l’ennuie perce. Comme les décadentistes du XIXᵉ siècle la recherche de la pourriture fait office de substitut à une recherche de transcendance.

Douguine comme René Guenon se retrouvent sur ce point : Libéré de la dureté du monde par une modernité née d’une pure abondance matérielle, l’homme moderne peine à s’inventer. Il a la possibilité de jouir du repos, du loisir et se perd dans le divertissement. Le jugement est sévère, certes, mais est-il pour autant faux ? La liberté, enfin acquise l’abondance dont jouit une partie de notre monde et dont, si nous savons évoluer intelligemment, l’ensemble du monde jouira, pose la question de : Pourquoi l’homme ? Pour quelle existence ?

Il est réputé d’extrême droite de s’interroger sur de tels sujet au lieu de prendre la modernité comme une libération et de jouir de la liberté des corps. Le reproche est assez juste, l’extrême droite a, par conservatisme social souvent, osé poser cette question comme un moyen de refuser de partager l’abondance. Mais, faut-il condamner l’interrogation où la réponse proposée ?

Par exemple, je caricature un peu Douguine ou René Guenon, leur solution : se mettre à genoux et prier est assez rébarbative. Les religions ont été construites pour supporter un monde de misère. Dans l’environnement actuel, elles sont, permettez-moi de le penser obsolète.

Alors, nous devons nous inventer une nouvelle spiritualité. Nazisme, communisme furent de telles tentatives d’inventer un mythe nouveaux où l’homme pouvait rencontrer un idéal auquel se sacrifier. Des individus y ont trouvé une cause, une raison de vivre ou de mourir. Hélas, ces religions politiques ont laissé une trace sanglante assez incompatible avec l’idée d’émancipation de l’homme que la modernité était censée apporter.

Alors, désolé, mais le défi est là, devant nous. Savoir nous réinventer, nous trouver des raisons de vivre. Seules deux transcendances semblent résister : L’immortalité par les enfants et celle par les œuvres.

Est-ce suffisant, non certainement pas. Là encore le défi est devant nous, définir une existence épanouissante. L’humain est le seul animal qui sache rester auprès des siens pour leur permettre de guérir. Nous sommes aussi une tribu où l’éducation des petits est mutualisée. Autant de bases glorieuses, partageuses sur lesquelles construire. L’humanité fut réduite à une poignée d’individus il y a 900 000 ans. Nous sommes donc, au sens propres, tous frères.

Si nous le voulons bien, alors, au lieu de vouloir être des dieux et refuser aux autres le droit d’exister, nous pourrons au contraire voire dans l’existence épanouissante de tous les être humains une formidable chance pour chacun d’entre nous. L’abondance, une fois acquise définitivement, vers le XXIIIe siècle fera peut-être disparaître chez nous la peur de manquer. Bien sur, il demeurera nos instincts, cette programmation génétique, mais si la richesse demeure suffisamment longtemps, peut-être cette angoisse se modérera-t-elle. L’épigénétique et l’éducation nous permettent en tout cas de l’espérer.

Nous vivons, une époque formidable, certes, pleine de peur, d’angoisses, mais aussi de promesses, riche de la possibilité d’un monde nouveau. La modernité ne rend pas tout possible, mais elle ouvre des options inconnues des civilisations antérieures.

Voilà le défit, l’objectif si nous savons le prendre avec humilité, respecter l’homme dans ses fondements et construire une société plus libre.

Jules Seyes

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