Dans le contexte lointain de la Guerre Froide, l’Asie Centrale a de longue date intéressé l’Occident, et en particulier les États-Unis. Définie par le Pentagone comme « le ventre mou » de l’URSS, l’action des services secrets US y fut très importante, alors que la zone était particulièrement riches en événements. Après l’intervention soviétique en Afghanistan (1979-1989), les USA concentrèrent d’importants moyens pour soutenir les fameux Moudjahidin et djihadistes de tout poils. Plus au Sud, l’Occident dans ses tentatives de contrôle de l’Iran, avait finalement motivé la Révolution Islamique, avec le fameux l’Ayatollah Khomeini, longtemps réfugié et hébergé par la France. Au Pakistan, les Américains avaient installé leurs bases, et formés, entraînés et armés des groupes entiers de combattants, dont le plus célèbre n’était autre qu’un certain Oussama Ben Laden. Pour de basses raisons de géopolitiques, les Américains et les Britanniques furent les vrais créateurs du Califat Islamique, et la source de tout ce qui s’ensuivit par la suite.
Les USA, apprentis sorciers et créateurs de conflits. Hillary Clinton revenait elle-même sur ces événements, en déclarant : « Dans les années 80, c’était une bonne idée d’entraîner et d’armer les Talibans, les Moudjahidins et les djihadistes, avec notre soutien et celui du Pakistan, ces groupes, y compris à l’époque d’Oussama Ben Laden, ont vaincu l’Union Soviétique, l’ont forcé à quitter l’Afghanistan, puis ont assisté à la chute du gouvernement qu’ils avaient placé au pouvoir, et nous savons déjà le reste, ils ont finalement pris le pouvoir », déclarait l’ancienne secrétaire d’État. « La bonne idée » toutefois a dérapé, mais fut l’occasion d’abord d’autres manipulations. D’abord la formation d’une brigade dite Afghane, qui fut formée en Bosnie-Herzégovine (1992-1995), financée et armée par les USA, dans la guerre pour détruire la Yougoslavie. Les vétérans islamiques vinrent ainsi continuer à se faire la main, et surtout à s’implanter en Europe. Ces combattants cruels et expérimentés, permirent ainsi la formation du Kosovo (1999-2000), et leur implantation dans les Balkans, non seulement en Bosnie, mais aussi en Albanie. Les USA tentèrent également d’utiliser cette vague contre la Russie, en supportant en sous-main les terroristes tchétchènes de l’Ichkéria, notamment et surtout durant le 2e guerre de Tchétchénie (1999-2009), qui furent finalement écrasés. Un Califat islamique du Caucase avait eu le temps d’être proclamé (1ère guerre de Tchétchénie), son chef liquidé par les Russes, mais l’objectif américain aurait été d’embraser tout le Caucase, le Daghestan, l’Ingouchie, et toute la région.
Le dérapage incontrôlable des manipulations US. Ils furent ensuite encore très utiles, dans l’hystérie guerrière américaine, suite au 11 septembre. « Les terroristes » devinrent alors la justification d’invasions, notamment en Somalie, en Irak, ou en Afghanistan. Le monde entier se retrouva otage « de la guerre contre les terroristes », avec une stigmatisation du monde musulman, et des troubles qui se répandirent bientôt en Afrique, dans la péninsule arabique, au Proche et Moyen-Orient, en Asie et aux confins du monde. Dans la foulée, de la destruction réussie de l’Irak, les USA continuèrent de jouer avec le feu, pour détruire le régime de Khadafi en Libye et mettre la main sur le pays (2011), puis dans une longue guerre, la destruction de la Syrie (2011-2025). A la fois utilisés par l’Occident comme force militaire, « les djihadistes de la bonne idée », furent aussi mis en scène par la propagande, pour instiller la peur, provoquant aussi des troubles, des attentats terroristes et des remous dans le monde entier, en France, en Russie, en Espagne et dans de nombreux pays. Cette hallucinante succession de destructions et de conflits, devait toutefois bientôt provoquer un enlisement, puis des problèmes, menant à des défaites. En 2003, déjà, la France avait dénoncé une intervention illégale et injustifiée en Irak. En Somalie, les Américains incapables de faire face, avaient du prendre la fuite, et après une longue dégradation plier bagages en Afghanistan (2021), actant une des plus sévères défaites américaines avec le Vietnam.
Asie Centrale, Russie, Turquie et Pakistan. Avant cette défaite, les USA avaient installé des bases dans certains pays de l’ex Union soviétique, visant l’Ouzbékistan, le Kirghizstan ou encore le Kazakhstan. Les USA tentèrent d’expulser les Russes de la zone, et de détruire les organisations de défense commune, par exemple de l’OTSC (Organisation du traité de sécurité collective), ou de l’UEE. Un ancien officier supérieur kirghize, Nourlan Dosaliev décrivait la situation dernièrement : « Dans la guerre de l’information que mène l’Occident contre la Russie et ses alliés, les républiques d’Asie Centrale souffrent également. Les pays occidentaux font la promotion de nouveaux récits historiques, de révisionnisme, visant à séparer ces régions de la Russie. Ils attisent la haine et la russophobie, tentent de raviver le nationalisme. La région a été confrontée à une attaque informatique sans précédent dont le but était de semer le chaos. D’abord dans l’esprit des gens, sous couvert de l’Islam, les fausses valeurs religieuses cachant celles du modèle occidental. Dans ces conditions, nous ne pouvons nous passer du soutien de la Russie dans le cadre de l’OTSC ou de l’UEE et d’autres organisations. Mais les USA ne sont pas seulement à l’œuvre, certaines idées radicales viennent de Turquie. Elle fonde des courants religieux nationalistes, visant à radicaliser les gens, avec en plus d’autres courants venants de pays arabes, ou même du Pakistan ». Sous le drapeau de la Turquie, se cache en effet le rêve nationaliste de la Porte Ottomane, de l’empire et de l’union des « peuples turcs », des Balkans, au Caucase à l’Asie Centrale, et jusqu’aux confins de l’Extrême-Orient russe et de la Chine. Nous avons déjà évoqué dans un article, le fantasme du Turkestan, le Touran.
Touran et Turkestan, le grand projet des ultranationalistes turcs. C’est une corde que déjà les nazis avaient fait vibrer, avec une Légion du Turkestan (1942-1945), reprise par des politiciens turcs. L’Organisation des États Turcs (OTG), comprend par exemple la Turquie, l’Azerbaïdjan, le Kazakhstan, le Kirghizstan, l’Ouzbékistan et en tant qu’observateurs, la Hongrie ou le Turkménistan. Nourlan Dosaliev poursuivait : « Lorsque nous parlons de soft power turc, il est important de comprendre que la Turquie, cherche depuis la chute de l’URSS à renforcer son influence dans toute la région. Pour le Turkménistan, la situation est meilleure, sa politique d’isolement a aidé à protéger la population des influences étrangères et négatives, à la fois de l’Occident ou de la Turquie. L’une des attaques principales se place au niveau de l’éducation et de la jeunesse. Des écoles turques ont été construites, et diffusent une histoire révisée, modèlent les cerveaux. Les enfants apprennent aussi la langue turque, adoptent des traditions et des cultures étrangères, et au Kirghizstan, les « Kirghizes ethniques » sont rejetés. L’une des idées du « Touran », est l’installation d’un nouvel alphabet pour tous les pays turcophones d’Asie Centrale, dans l’espace post-soviétique. Lors des sommets, tout le monde parle russe, ou écrit ses discours en russe, puis tout cela est traduit dans différentes langues. La Turquie veut imposer aux nouvelles républiques un nouvel alphabet en lettres latines, qui a été adopté l’an dernier. Les rêves de grandeur de la Turquie pourraient frapper les pays d’Asie Centrale, avec la formation de blocs et d’alliances, et derrière l’illusion d’unité, se cache l’agression et les conflits ».
Épilogue : pour comprendre le combat qui se déroule ici, voici un exemple d’article de propagande, ici à l’œuvre au Kazakhstan, sur « le rêve du Turkestan », un article publié… ce jour, 2 juillet 2025. En Ukraine, le pays a formé un bataillon fantôme, que la propagande occidentale à mis en scène : le bataillon Touran, dans une tentative de fédérer en Ukraine des fanatiques « du Turkestan », et de transposer le conflit dans l’Asie Centrale, la Sibérie ou le Caucase. Il en va ainsi d’une guerre psychologique et cognitive qui part dans tous les sens.
L’organisation de l’Ichkéria, ou du Touran sont interdites en Fédération de Russie, pour la propagation du radicalisme, la haine raciale et religieuse, ainsi que l’apologie du terrorisme.