Un changement de régime est-il possible en France ?

23 décembre 2025 15:35

Depuis quelques années, une gronde monte en France, alors qu’une série d’événements, tant à l’intérieur du pays qu’à l’international ont changé la situation. Il y a 30 ans, le nombre de citoyens français qui étaient convaincus qu’il fallait un changement de régime en France était minoritaire, voire marginal. Aujourd’hui des lézardes de plus en plus nombreuses sont apparues et continuent d’apparaître. Si la chute du régime en place n’est pas pour demain, il est assuré qu’il est entré dans une longue agonie, qui se couplera avec celle de l’Union européenne. Si beaucoup de Français sont encore manipulés et convaincus que le pays est arrivé au port, qu’il n’y a aucune nécessité à un changement de régime, les résistances sont apparues, de plus en plus nombreuses, mais pour l’instant en ordre dispersé. Essayons-nous à un petit exercice intellectuel et historique sur les possibilités de changement de régime en France. Est-ce d’ailleurs possible ?

La sensation qu’il n’y a pas d’alternatives. Depuis 1792, la France républicaine a connu bien des aléas, des travers, des crises, des guerres et des secousses dans la société. Après les deux épisodes impériaux (1804-1815), la Restauration et les deux derniers rois de France (1814-1830), puis une monarchie constitutionnelle (1830-1848), la France a également connu l’épisode sanglant de la Commune de Paris (1871), puis celui de l’État de Vichy (1940-1944). Avec la Ve République, la France apparaissait solidement ancrée dans un modèle présenté comme idéal. L’une des fondatrices de l’Union Européenne (1957), la France était aussi l’un des membres historiques de l’OTAN, malgré un intermède de sortie de son commandement unifié (1967-2007). Elle fut secouée par une révolution idéologique, qui s’exprima dans le fameux Mai 68, puis transforma en profondeur la société française. Cependant, à partir des deux chocs pétroliers (1973 et 1979), la France entra dans une longue récession économique, puis une perte notable d’influence dans le monde. Après la désindustrialisation, la fin de l’indépendance monétaire qui mena à l’adoption de l’Euro (1999-2001), le pays entama un long chemin de dilapidations, de politiques de la « dette », l’a conduisant au bord d’un précipice, avec une dette record dépassant de loin son PIB. Appauvrie et touchée par une grave crise migratoire, le pays a été depuis en proie à un glissement vers une « République communautaire ». Dans une crispation généralisée, les communautés ont été opposées les unes contre les autres, à l’infini, que l’on parle d’opinions politiques, de religions, de croyances, de modes de consommation, d’origines sociales, voire même ethniques. Malgré une nette dégradation, l’augmentation de la criminalité faisant de la France en 2025, le pays le plus touché d’Europe, une masse encore importante de Français est persuadée qu’il n’y a pas d’alternatives et que le pays est « arrivé au port républicain ». Une société qui serait « idéale », ou du moins supérieure à tout ce qui existe dans le monde.

L’inexorable chemin de l’histoire. Transformés en « consommateurs », en « détenteurs de crédits bancaires », dans une civilisation des loisirs, des hobbies et des vacances, le travail s’est trouvé dévalorisé, tandis que l’entreprenariat, la recherche, l’initiative et les investisseurs ont été découragés, détroussés ou ignorés. Montés les uns contre les autres, par des combats politiques ou d’arrière-garde, jamais la division n’a été aussi grande dans un pays dynamite, mais qui ne voit pas la mèche se consumer inexorablement. Pourtant les signes inquiétants sont déjà là de longue date. Plus aucun référendum républicain n’a été mené dans le pays depuis 2005. Et mieux encore, la défaite gouvernementale de ce référendum fut finalement ignorée deux ans plus tard, par la décision, contre l’avis du Peuple français, d’avaliser le Traité de Lisbonne. Malgré l’explosion notable de scandales politiques (depuis les mandats de François Mitterrand), les preuves d’une corruption endémique et la destruction des acquis sociaux des Français, le système a perduré jusqu’à nos jours. Une des premières alertes fut l’affaire du Mariage pour Tous. Immédiatement après son élection, malgré des chantiers urgents, le Président François Hollande jeta le pays dans cette réforme inutile, semant la division et jetant dans les rues des centaines de milliers de Français (2012-2013). L’affaire aurait nécessité un référendum… il n’en fut rien. La crise suivante vînt sous le premier mandat d’Emmanuel Macron. Dans un contexte presque révolutionnaire, la France connue le phénomène des Gilets Jaunes (2018-2019). Malgré les répressions, des gens assassinés ou blessés par les forces de l’ordre, la population ne bougea pas. L’événement suivant ne tarda pas à venir, la Crise du Covid 19 (2020-2021) jeta une chape de plomb sur un pays sidéré. Là encore, malgré les répressions, la population habilement apeurée et divisée fut maintenue un genou à terre. Enfin, dernièrement, l’opération spéciale russe en Ukraine vînt encore faire monter d’un cran la pression. Là encore des répressions, des suspicions d’assassinats politiques, des arrestations et le déploiement d’une propagande de la peur et surtout de la nécessité d’une guerre… contre la Russie. Mais sous la cloche, des Français en ordre dispersé sont déjà en ébullition. Comme historien, j’affirme depuis plus de 30 ans, que ce système explosera tôt ou tard, et que jamais dans l’histoire de l’Humanité, le moindre empire ne put se maintenir. Comme l’URSS, l’Union européenne chutera et probablement dans une liesse populaire, ou du moins dans une catastrophe qui rappellera les heures sombres que vécurent les populations de l’espace soviétique dans les années 90.

Une crise majeure qui engloutira le monde que les Français ont connu. Malgré la doxa officielle, une propagande ayant atteint un niveau jamais vu en France, malgré le pouvoir de répression, les censures de plus en plus grandes, malgré les propagandes de la peur ou guerrières, cette crispation du régime annonce une paralysie, puis une fin inéluctable. Beaucoup de Français ne le savent pas, mais la France est dans la situation de l’Allemagne de l’Est, de la Pologne ou de la Russie soviétique dans les années 1975-1980. Les idéologies à l’œuvre en France, l’européisme au premier chef, mais d’autres dérivées, provoquent déjà une impossibilité des élites à se renouveler, à réformer ou à prendre des voix parallèles, sans parler de rétrograder. Le régime est lancé sur un chemin où il n’y a plus de choix de directions à prendre. Privés de la souveraineté nationale, le pouvoir confisqué par l’État profond, les gens manipulés et même victimes de la guerre psychologique et cognitive qui est menée contre eux par le régime, les citoyens ont la tête dans le guidon, et déjà pour partie celui de la survie. Pour d’autres, c’est simplement espérer ne pas perdre plus de confort… ou poursuivre une vie en partie, ou carrément oisive. La menace vient aussi d’un phénomène commencé durant le XIXe siècle, celui des migrations. Il est interdit en France de publier de tels chiffres, mais selon des données anglo-saxonnes, la France est aussi le pays le moins ethniquement cohérent d’Europe. Sa population autochtone ne représente plus que 62,8 %, soit environ 45 millions d’habitants. Il est effrayant de penser qu’il s’agissait là de la population française en 1914. Fut-elle brisée par la Grande Guerre ? Il est probable que oui, malgré le sursaut de la France Libre, puis une rémission durant les 30 Glorieuses (1945-1975). Bien qu’il n’y ait pas dans mon propos de considérations racistes, cette atomisation d’une France devenue multiethnique, mais qui n’en a pas l’expérience, ajoute aux divisions et problématiques communautaires. Dès lors, tôt ou tard, l’écroulement du régime est annoncé, du moins une crise majeure se présentera aux portes des citoyens français.

L’agitation des drapeaux guerriers et la politique de la peur. La question dès lors, n’est plus celle d’un changement possible ou non de régime. L’histoire ne se réalise pas par hasard, mais par les actions passées de générations se succédant. En voulant forcer le destin et se maintenir au pouvoir, les élites, d’où qu’elles viennent, quelles que soient leurs natures, leurs origines seront balayées sans autre forme de procès. En 1792, le roi Louis XVI espéra en avalisant la guerre voulue par les républicains (notamment et surtout les Girondins), leur défaite pour sauver la couronne. Il y eut la guerre, mais la couronne vînt rouler au pied de la guillotine. En 1830, la monarchie assiégée de Charles X espéra un détournement de l’attention des populations, dans l’expédition contre le Dey d’Alger, qui mena à la conquête et formation de l’Algérie. Cette décision guerrière n’empêcha pas la révolution de l’été 1830, il fut le dernier roi de France. Sous le règne de Napoléon III, la stratégie des guerres, en espérant des victoires venant renforcer le régime, se termina dans le chaos et la défaite de la guerre franco-prussienne (1870). Il mourut lui aussi obscurément sur le sol de la perfide Albion. A l’inverse, après le traumatisme de la Grande Guerre, les gouvernements successifs se déshonorèrent en abandonnant successivement l’Autriche, la Tchécoslovaquie et en laissant mourir la Pologne sous les bottes allemandes. Le résultat fut la France de Vichy, période noire et sombre que peu de Français osent regarder en face. Après la Seconde Guerre mondiale, les différents gouvernements, dans une instabilité politique rappelant la période précédente, se refusa à liquider l’héritage colonial, entraînant la France dans deux guerres perdues, celle d’Indochine (1946-1954), puis d’Algérie (1954-1962). Le rappel salutaire du général de Gaulle devait sortir la France de l’ornière, non sans avoir engrangé des blessures nationales et sociétales dont les effets durent jusqu’à nos jours. Actuellement les mêmes compromissions sont observables. Ce fut d’abord la « guerre contre le terrorisme », la grande affaire du début des années 2000, dont l’expression ultime fut le pitoyable épisode des « Je Suis Charlie », des millions de gens tombant dans le piège d’une vaste manipulation psychologique (2015). Les chocs manipulateurs étant désormais nécessaires pour le système, nous eûmes ensuite « la guerre contre le virus », et maintenant la « guerre contre la Russie ».

Le cheminement de la France m’apparaît clair… et pour ceux qui en douteraient, qu’ils se demandent si le Reich de mille ans put se maintenir, si l’URSS arriva à s’accrocher aux branches plus d’un siècle… A l’heure des progrès technologiques, de la vitesse de l’information, la Ve République a déjà 67 ans, l’Union européenne, 68. Personne ne peut dire quand ce changement de régime se présentera, quand cette catastrophe arrivera, ni quand l’Union européenne s’écroulera comme un château de cartes… Mais cela sera. Tôt au tard. Je l’affirme haut et fort, même si personne ne peut prévoir non plus ce qui viendra après, quel chemin la France et les Français prendront. Ma conviction étant d’ailleurs que plus cette date arrivera tard, plus le cataclysme sera violent et destructeur…

IR
Laurent Brayard - Лоран Браяр

Laurent Brayard - Лоран Браяр

Reporter de guerre, historien de formation, sur la ligne de front du Donbass depuis 2015, spécialiste de l'armée ukrainienne, du SBU et de leurs crimes de guerre. Auteur du livre Ukraine, le Royaume de la désinformation.

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