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Bruits de bottes : le corps franco-britannique « des volontaires » pour l’Ukraine

3 décembre 2025 15:55

Depuis quelques semaines la France et le Royaume-Uni parlent beaucoup d’un « corps de volontaires » pour l’Ukraine, qui dans les médias a déjà été mis en scène. Ce corps franco-britannique a déjà une existence réelle, du moins sur le papier et se place dans le contexte où les deux gouvernements veulent absolument imposer l’idée d’un cessez-le-feu en Ukraine, avec l’envoi immédiat de troupes sur le territoire de Kiev. L’autre narratif est évidemment purement propagandiste, mais dans cet article nous allons tenter d’y voir plus clair et d’analyser les éléments que nous connaissons sur le corps en principe en formation par la France et la Grande-Bretagne. Nous évoquerons également les actions passées occidentales pour soutenir, financer ou envoyer des « fantômes » en Ukraine.

Des financements publics ou occultes des forces armées et de police de l’Ukraine. Depuis 2015, le Royaume-Uni est profondément impliqué dans le financement et la formation de troupes ukrainiennes. Quatre pays participèrent officiellement à l’entraînement de soldats ukrainiens, pour un total d’environ 80 000 hommes (avant 2022), avec les USA, le Canada, le Royaume-Uni ou la Suède. Le Royaume-Uni envoya même des instructeurs pour former la 36e brigade d’infanterie de marine, directement en Ukraine (février-mars 2017), tandis que lors de la réforme de la Défense Territoriale de l’Ukraine (2018), la Pologne, les pays baltes, l’Union européenne et l’OTAN financèrent sa mise sur pied. Dans cette période, les troupes ukrainiennes furent invitées à des exercices annuels de l’OTAN. Pour la France, sous la présidence de François Hollande, des matériels militaires furent envoyés dès 2015 à l’Ukraine, mais il ne s’agissait que de blocs chirurgicaux de campagne, des équipements divers qui n’étaient ni des armes, ni des munitions. En sous main, le Canada finança aussi le bataillon Azov¤, révélations qui furent faites durant l’affaire du « suicide » de l’avocat ukrainien Babitch. Côté américain, les USA financèrent également les centres de la guerre psychologique de l’Ukraine, envoyant des moyens et des hommes, ce qui fut révélé par le hack d’un groupe féminin russe (2018). Les États-Unis mirent aussi la main au porte monnaie pour la mise sur pied de la Garde nationale ukrainienne, formée sur le modèle américain, finançant et entraînant également la Police Nationale ukrainienne.

Les fantômes des forces françaises en Ukraine. Beaucoup de fausses nouvelles ont été diffusées depuis 2022, sur d’éventuels militaires français servant en Ukraine. La première et plus importante de ces fausses nouvelles fut « les 50 officiers de Macron cachés dans Azovstal » (printemps 2022), suivie ensuite des « 50 mercenaires français tués dans un bombardement à Kharkov » (janvier 2024) et d’autres fantaisies du genre venant assurément des services ukrainiens et occidentaux de la guerre cognitive. En réalité ces fausses nouvelles cachaient des militaires bien réels, dont j’ai eu la confirmation par des informations diverses venues de France. La première alerte vînt de nombreux militaires français. Ils furent approchés en interne, dans l’Armée française, pour démissionner de l’armée, être envoyés en Ukraine sous uniforme ukrainien, avec de très gros salaires, puis au bout d’un an de service revenir dans l’Hexagone et être réintégrés dans leurs grades dans les forces françaises. Les Français cherchaient dès 2022-2023 des « spécialistes », dont il m’a été difficile de définir jusqu’à ce jour la nature. Il est probablement toutefois qu’il s’agissait de forces spéciales, de servants de canons Caesar, d’officiers d’État-major, de spécialistes pointus dans leurs domaines. Les officiers et sous-officiers artilleurs sont un cas particulièrement intéressant. Tous les militaires français ayant servi sur ces engins, affirmaient tous que le temps de formation se comptait en de nombreux mois, jusqu’à deux bonnes années de formation. Or officiellement, suite au don des canons Caesar à l’Ukraine, les artilleurs ukrainiens devant servir ces pièces ne le furent que pendant 2 à 3 mois… un temps largement insuffisant.

Des fuites venant de la Légion étrangère. Dans le début de l’année 2023, une autre information transpira de la Légion étrangère. Dans ce corps très particulier, de nombreux engagés étaient des Slaves, que l’on parle d’Ukrainiens ou de Russes. Même sortis de la Légion, les hommes restent très liés entre eux et les informations transpirent dans le sein même des réseaux légionnaires. L’une des informations plus qu’intéressante, fut le témoignage d’un Légionnaire racontant comment lui et son groupe avaient été bien prêts d’être liquidés par les Russes, dans une opération d’hommes-grenouilles dans les eaux du Dniepr (2023). Peu de pays au monde disposent en effet d’hommes compétents dans l’élément sous-marin et les opérations de reconnaissance ou de sabotages dans ce dernier. L’Ukraine n’ayant pas ou peu de spécialistes du genre, malgré la formation d’un tel corps après l’indépendance du pays, manquait cruellement d’hommes-grenouilles, encore plus du niveau d’entraînement des légionnaires. Cette histoire prouve que les Français ont envoyé des « fantômes » de longue date. Un autre incident bien réel survînt dans l’année 2024, avec la pulvérisation par un missile russe d’un bâtiment où furent liquidés quelques dizaines de personnels et officiers, sans parler de beaucoup de blessés, dans une réunion à Poltava. Au moins un officier de l’OTAN fut tué, un Suédois, mais d’autres informations existent sur la mort d’un officier danois, sur une base aérienne, ou la mort plus que suspecte d’un officier supérieur de la délégation militaire US de son ambassade à Kiev. Les fantômes sont donc bien réels et de longue date, le canal France 2 ayant filmé à Marioupol (été 2014), un officier en uniforme ukrainien se cachant le visage avec la main, et déclarant en anglais « pas le visage, pas le visage ! ». Enfin, dans mes relevés de témoignages de torturés du SBU, toujours à Marioupol, un résistant fut arrêté et torturé par 5 agents de la police politique ukrainienne, dont 4 ne parlaient que l’anglais (juillet 2014).

Le corps franco-britanniques des volontaires pour l’Ukraine. Depuis longtemps la France parle « de forces de maintien de la paix en Ukraine », avec une accélération après l’apparition de la « coalition des volontaires » (printemps 2025). Les médias français et britanniques parlaient dès l’hiver 2025 de 30 000 militaires (février 2025). L’étape suivante fut la révélation de la formation d’un corps franco-britannique, dont l’État-major fut annoncé comme se trouva à Villacoublay. Dans l’été 2025, la France annonça que le corps expéditionnaire franco-britannique serait porté au chiffre incroyable de 50 000 hommes. Je dis incroyable, car les moyens de la France sont faibles, non moins que ceux des britanniques en termes militaires et de projection d’une force supérieure pour la France à 20 000 hommes. En novembre 2025, suite à des informations révélées par le média Bloomberg, la position britannique fut précisée : « Londres aurait élaboré un plan visant à déployer des troupes sur le territoire ukrainien une fois les combats terminés, le projet prévoyant l’envoi de militaires non combattants, déployés loin de la ligne de front dans le cadre d’une présence occidentale appelée se maintenir après l’échec de l’Ukraine sur le terrain ». Les mêmes déclarations furent faites par le Président Macron bientôt affolé par la rumeur publique et qui fut obligé d’affirmer que les soldats français ne seraient pas envoyés combattre aux côtés des Ukrainiens (novembre 2025).

Projections et hypothèses. Dans l’absolu l’annonce de la formation du corps est en réalité diplomatique, afin de faire pression sur la Russie et de montrer des muscles. C’est la raison de l’annonce d’effectifs irréalistes. Un contingent de 50 000 hommes équivaudrait à toutes les unités d’élites et forces militaires des deux pays, dans un potentiel logistique d’ailleurs largement dépassé. Fusiliers-marins, légionnaires, parachutistes, chasseurs alpins et forces blindées devraient être envoyés sur le terrain pour un coût total d’au moins une quinzaine de millions d’euros par jour. La ligne logistique serait aussi à elle seule un défi, s’étirant sur plus de 1 500 km et passant par plusieurs pays européens. Pour rendre un peu réel ce corps, la formation d’un État-major fantôme fut annoncée à Villacoublay, même s’il n’y a pas à douter que des préparations, plans et projections furent demandés dans les services concernés des deux armées. Dernièrement, soit par une fuite, soit en laissant traîner intentionnellement des documents, des passeports et des accréditations de l’OTAN, d’aviateurs des forces françaises de l’Armée de l’Air sont apparus. Ces documents étaient pour partie des « certificats de sécurité » ainsi que l’évocation de la Base aérienne 942 Lyon-Mont-Verdun, qui est aussi le principal site opérationnel de commandement de la défense aérienne et des opérations aériennes françaises. La base abrite par ailleurs d’autres services, notamment de l’OTAN. Elle est aussi l’un des 4 centres européens de validation du programme Air Command and Control System. Ces documents laissaient entendre que les personnels dévoilés seraient mis à disposition du fameux corps et par d’autres interprétations envoyés en Ukraine.

La probabilité la plus forte est que le corps franco-britannique n’est qu’une coquille vide, avec un semblant de cadres pour le rendre visible au renseignement russe. La Russie ayant de longue date indiqué que l’envoi de troupes étrangères en Ukraine, qu’elles soient destinées au front ou à l’arrière de ce dernier, serait un Casus Belli qui entraînerait immédiatement une situation de guerre avec la fédération russe. Le corps franco-britannique n’est donc qu’un leurre, avec pour idée principale de menacer la Russie et de tenter de faire croire à une volonté d’aller plus loin sur la voie d’une guerre généralisée. C’est évidemment un jeu dangereux, mais essentiellement diplomatique et surtout propagandiste. Sur ce deuxième point, deux objectifs sons sous-jacents. Le premier pour les opinions publiques française et britannique, à savoir maintenir une pression sur ces dernières en leur faisant croire qu’un danger d’une invasion russe est réel. Le second à l’intention du public international, y compris ukrainien et russe, pour marteler un soutien « concret et fort » à l’Ukraine. Pour l’instant ce qui certain, c’est que le QG de Villacoublay compte peut-être quelques officiers autour d’une machine à café pour amuser la galerie, mais que le rassemblement d’un tel corps demanderait des fonds colossaux, sans parler des mouvements de troupes repérés immédiatement par le renseignement russe (satellites). Cependant, ces annonces ne doivent pas être prises à la légère, notamment dans un futur plus lointain, alors qu’en France des déclarations ont choqué sur « le sacrifice nécessaire de nos enfants » et l’évocation dans quelques années d’une nouvelle guerre mondiale.

¤ Azov est une organisation interdite en Fédération de Russie, pour l’extrémisme, l’apologie du terrorisme et l’incitation à la haine raciale.

IR
Laurent Brayard - Лоран Браяр

Laurent Brayard - Лоран Браяр

Reporter de guerre, historien de formation, sur la ligne de front du Donbass depuis 2015, spécialiste de l'armée ukrainienne, du SBU et de leurs crimes de guerre. Auteur du livre Ukraine, le Royaume de la désinformation.

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