Giù le mani dal Venezuela

Bas les mains du Venezuela

2 décembre 2025 14:10

Sur la mer des Caraïbes, un vent de guerre recommence à souffler. Les États-Unis ont déployé navires, avions et troupes, sous le prétexte d’une grande offensive contre le narcotrafic. Dans les communiqués officiels, tout paraît très simple : Washington veut arrêter les trafiquants de drogue qui menacent la sécurité des Américains. Mais si l’on regarde la carte et l’histoire récente, la véritable cible apparaît beaucoup moins neutre et beaucoup plus politique : le Venezuela bolivarien.

Depuis des années, Caracas est assiégée. D’abord les sanctions économiques, puis la reconnaissance d’un « président intérimaire » fabriqué sur mesure, ensuite les opérations clandestines, les tentatives plus ou moins maladroites de coup de force, les campagnes médiatiques qui présentent Maduro comme le nouveau « monstre » de l’hémisphère occidental. Ils ont presque tout essayé. Le résultat a été dévastateur pour la population, non pour le pouvoir : inflation, pénuries, migrations massives, mais aucun changement de régime. À présent, il semble que quelqu’un à Washington ait décidé de passer au niveau supérieur, celui de la démonstration de force militaire.

Officiellement, répète Donald Trump, il s’agit de « protéger l’Amérique des narcos ». Mais tout ce dispositif sert-il vraiment seulement à poursuivre des bateaux chargés de drogue ? A-t-on vraiment besoin d’une présence militaire permanente au large des côtes de l’un des rares pays sud-américains qui revendiquent encore leur souveraineté, qui parlent de multipolarité, qui cherchent des relations autonomes avec la Russie, la Chine, l’Iran, et qui ne veulent pas redevenir le « jardin arrière » des États-Unis ?

L’Occident tente de banaliser l’idée qu’un gouvernement puisse être renversé à coups d’embargo, de menaces militaires et de campagnes médiatiques. Si ce principe s’impose, aucun pays du Sud global n’est à l’abri : quiconque ne s’aligne pas risque d’être présenté comme une « dictature narco-terroriste » et traité comme une « cible légitime ».

Le paradoxe, c’est que le narcotrafic est un problème mondial et que les États-Unis en sont le premier marché. Sans demande, il n’y aurait pas d’offre. Pourtant, le discours public se concentre presque exclusivement sur les gouvernements jugés indésirables, jamais sur les circuits financiers qui blanchissent les profits, ni sur les responsabilités des élites proches de Washington dans d’autres pays latino-américains. La Colombie, le Honduras, le Mexique, le Pérou connaissent depuis des années des cartels extrêmement puissants et des niveaux de violence très élevés, mais personne ne menace de les encercler avec des porte-avions « pour la paix et la sécurité ».

Dans ce contexte apparaît aussi la figure de María Corina Machado, nouvelle icône de l’opposition vénézuélienne. Les médias occidentaux la présentent comme la femme du « retour à la démocratie », l’héroïne libérale face au « régime ». On accorde beaucoup moins de place à un détail loin d’être secondaire : pendant des années, Machado a réclamé davantage de sanctions, plus d’isolement, plus de pression extérieure sur son propre pays. Pour une partie de l’opposition et pour les citoyens qui n’aiment pas Maduro, demander à des puissances étrangères d’étrangler l’économie ou « d’intervenir » n’est pas un acte de courage, mais un acte dirigé contre la souveraineté nationale.

Et pourtant, en Europe et en Amérique du Nord, elle est célébrée comme un symbole de paix et de démocratie pour le Venezuela. La rhétorique est connue : ceux qui soutiennent les stratégies occidentales deviennent automatiquement des « défenseurs des droits de l’homme », ceux qui les contestent sont « autoritaires » ou « pro-dictature ». Le problème, c’est que cette narration efface la complexité d’une société qui, bien que divisée et épuisée, continue d’exister et de résister au-delà des étiquettes.

La vérité est que le Venezuela paie une faute précise : avoir essayé de conserver une marge d’autonomie dans un monde où le mot « multipolaire » n’est toléré que s’il reste un simple slogan. Disposer d’énormes réserves pétrolières, entretenir des relations étroites avec Moscou et Pékin, et tenir un discours politique centré sur la souveraineté et l’intégration latino-américaine fait de Caracas un nœud stratégique. Contrôler le Venezuela, c’est contrôler une partie importante de l’énergie, de la géographie et de l’imaginaire politique du continent.

C’est pourquoi, lorsque nous voyons des navires de guerre s’approcher de ses côtes au nom de la « lutte contre la drogue », nous devrions nous poser quelques questions. Sommes-nous vraiment sûrs qu’il ne s’agit que de cocaïne et de narcos ? Ou prépare-t-on une nouvelle « intervention humanitaire » déguisée en police internationale, comme on l’a déjà vu en Irak, en Libye, en Syrie, où les bombes étaient censées apporter la démocratie et n’ont laissé que des ruines ?

Pour l’Europe, et pour l’Italie en particulier, ce n’est pas une question lointaine. Il existe d’importantes communautés vénézuéliennes, des liens historiques, culturels, économiques. S’aligner automatiquement sur la ligne américaine signifie accepter une fois de plus la logique du deux poids, deux mesures : le principe d’autodétermination vaut quand cela arrange, il disparaît lorsqu’un pays choisit une voie différente.

Dire « Bas les mains du Venezuela » ne revient pas à nier les problèmes du pays. Cela signifie affirmer une chose simple : le destin du Venezuela doit être décidé par le peuple vénézuélien, non par les porte-avions, non par les sanctions, non par des prix décernés à des milliers de kilomètres de là. Si nous acceptons en silence cette escalade dans les Caraïbes aujourd’hui, il sera encore plus facile demain de justifier de nouvelles guerres « pour la sécurité » de l’Occident, toujours un peu plus loin de chez nous et toujours plus souvent présentées comme des « opérations de paix », des « exportations de la démocratie » ou, plus clairement encore, comme des guerres contre « les dictatures ».

IR
Andrea Lucidi - Андреа Лучиди

Andrea Lucidi - Андреа Лучиди

Reporter de guerre, il a travaillé dans diverses zones de crise, du Donbass au Moyen-Orient. Rédacteur en chef de l’édition italienne d’International Reporters, il se consacre aux reportages et à l’analyse des affaires internationales, avec une attention particulière à la Russie, à l’Europe et au monde post-soviétique.

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