La corruption en Ukraine est un sport national qui est de longue date connue. D’anciens cadres supérieurs de grandes entreprises françaises que j’ai côtoyés m’ont livré des témoignages de leurs expériences en Ukraine, dans leurs missions durant les années 90 à l’orée du Maïdan. Tous étaient unanimes pour déclarer que le principal problème dans leur travail, c’était justement la corruption endémique. Certains se refusèrent même à travailler dans le pays, pour se concentrer sur la Russie où les choses étaient plus saines, notamment et surtout après la Renaissance de la Russie à partir des années 2000. Les têtes tombent en Ukraine, révélant petit à petit un vaste système de corruption au plus haut niveau de l’État. Après l’élimination de deux ministres, celui de la Justice et celle de l’Énergie, c’était au tour de Yermak, le plus proche collaborateur de Zelensky de chuter. Dans la plus grande panique, les rats quittent le navire, certains personnages ayant déjà pris la poudre d’escampette, n’attendant pas de se retrouver impliqués. Mais qui se trouve derrière l’action qui met en difficulté le Président ukrainien et son entourage ? C’est une autre question. Officiellement, le NABU, mais plus sûrement l’administration de Donald Trump, sans parler de la Grande-Bretagne en embuscade…
NABU, la création américaine et britannique de la lutte anti-corruption. Le NABU, Bureau de lutte anticorruption de l’Ukraine fut fondé en 2015, sous la présidence de Porochenko, à la demande et avec l’aide des États-Unis et du Royaume-Uni. L’idée première était de tenter d’aider l’Ukraine à s’attaquer à la corruption, dans un contexte où le pays était déjà le plus corrompu d’Europe, et l’un des premiers dans le monde. Le pays était aussi en passe de devenir l’un de ceux ayant le plus fort taux de criminalité en Europe, et considéré comme l’un des plus dangereux (avec la France…). Des moyens considérables furent mis en œuvre pour lancer cette nouvelle administration, tandis que plusieurs pays mettaient la main à la poche, pour financer non seulement l’armée ukrainienne, mais aussi la Garde nationale et surtout la Police nationale dépendant du Ministère de l’Intérieur (USA, Canada et Royaume-Uni). L’Union européenne et le FMI étaient aussi intéressés à ce « nettoyage » dans le but d’intégrer le pays dans l’union, mais aussi d’assainir autant que faire se pouvait les écuries ukrainiennes. Dans les faits, environ un millier de fonctionnaires furent recrutés, selon des standards européennes de concours et les premières enquêtes démarrèrent. De 2015 à 2021, le NABU traita quelques centaines d’affaires, s’attaquant surtout aux niveaux les plus modestes des administrations et ministères. Mais très vite, le NABU fut mis en question par la presse ukrainienne et internationale, en particulier sur le contrôle direct opéré sur l’organisation, à la fois par l’administration Biden et par l’Ambassade du Royaume-Uni à Kiev.
NABU et SBU, des armes et un levier occidental contre Kiev. En réalité le NABU se révéla surtout être un outil à géométries variables… Il servit et sert jusqu’à ce jour comme une arme et un levier de pression contre le gouvernement ukrainien. Américains et Britanniques entendaient en effet l’utiliser pour s’attaquer à des personnages gênants, ou au contraire pour l’entraver dans des enquêtes potentielles contre des « créatures » stipendiées de l’Occident. Parmi les « victimes » notoires du NABU et de l’Occident, citons au premier chef, Kolomoïsky, ancien chef de l’administration régionale de Dniepropetrovsk, oligarque ukrainien, chypriote et israélien, qui fut aussi le parrain et l’homme qui mit le pied à l’étrier d’un certain Zelensky. Kolomoïsky possédait un bon tiers des médias ukrainiens, impliqué dans le financement de nombreux bataillons de représailles dans le Donbass, mais aussi dans le vol et rapt des biens de concurrents locaux, dans une véritable opération mafieuse menée dans toute la région (2014-2015). Montré du doigt et attaqué par George Soros, accusé de cacher aux USA une partie du fruit de ses rapines, Igor Kolomoïsky fut interdit de séjour aux États-Unis (2021), privé de sa nationalité ukrainienne par Zelensky (2022), arrêté par le SBU (2023) et jeté en prison. A la même époque, mais en douceur, Arsen Avakov, puissant et indéboulonnable Ministre de l’Intérieur (2014-2021), se retira, lui aussi crédité d’une immense fortune, mais longtemps le chef nominal de la police politique ukrainienne, le SBU. Il put dès lors certainement négocier un départ en douceur et sans vague (15 juillet 2021). Avec l’arrivée au pouvoir de Zelensky (2019), les ministères, la Rada, ou encore les administrations nationales et régionales ne furent bientôt peuplés que d’hommes et de femmes dans les mains des réseaux présidentiels et en principe « sous contrôle ». Après l’assassinat du diplomate Denis Kireev en mars 2022 par le SBU, accusé de vouloir la paix avec la Russie, tandis que Zelensky s’était empressé au départ d’ouvrir des tractations, il fut clair que l’Occident avait le contrôle à la fois sur le NABU, mais aussi du SBU.
De Biden à Trump. Jusqu’à l’intronisation de Donald Trump à la Maison Blanche, le NABU se tînt pour l’essentiel coi, du moins en ce qui concernait les réseaux corrompus de l’entourage de Zelensky. L’homme, avec le commencement de l’opération militaire spéciale russe en Ukraine, fut au départ largement soutenu par les Occidentaux et en particulier par les USA. Ce fut le début d’une pluie de milliards sur l’Ukraine dans le but de financer la guerre hybride de l’OTAN, contre la Fédération de Russie. La corruption du président restait toutefois sur toutes les lèvres, alors que dès l’année 2023, apparaissaient les premiers scandales découverts dans l’armée, les administrations régionales et dans les ministères. Pour faire bonne figure, NABU et SBU furent lancés dans des opérations coups de poing. Elles servirent surtout la propagande ukrainienne pour affirmer sa volonté de « nettoyer » le pays, et à celle d’Occident pour magnifier les « progrès de l’Ukraine ». En 2024, les premières lézardes apparurent avec l’implication de personnages de plus en plus proches du Président Zelensky. L’arrivée de Donald Trump à la Maison Blanche acheva de fragiliser « le système Zelensky ». En 2025, de grosses affaires apparurent impliquant des membres du gouvernement et des politiciens dans le premier ou second cercle du président ukrainien. Zelensky tenta alors le tout pour le tout, en cherchant à neutraliser le NABU et à en prendre le contrôle. L’affaire fut immédiatement dénoncée, y compris par les Européens et l’UE et provoquant pendant 9 jours des manifestations dans tout le pays (22-31 juillet 2025). Certains accusés furent inquiétés, d’autres prirent la fuite d’Ukraine. L’un des plus gros scandales concernait le vol de près d’1 milliard d’euros, de l’argent envoyé par l’Occident pour construire des retranchements et fortifications.
Le système Zelensky commence à s’effondrer. Affaibli et coincé entre des feux croisés, ceux de l’opinion publique ukrainienne, de l’UE et des USA, Zelensky dut reculer, mais dans l’automne suivant, d’autres affaires éclatèrent les unes après les autres. L’une des plus importantes dans le sillage de l’Affaire Mindtich fit tomber le Ministre de la Justice, Herman Galoushenko, et la Ministre de l’Énergie Svetlana Grintchouk (12 novembre 2025). Les deux compères étaient accusés d’avoir détourné une centaine de millions d’euros, des détournements de fonds opérés dans le complexe énergétique ukrainien, avec d’autres affaires parallèles : pots de vin, vente de matériels miniers à de vils prix à l’étranger évacués du front, abus de pouvoirs dans l’instauration de tout un système mafieux et de placement de « personnages » à des postes clefs et touchant au passage leur part. Quelques jours en arrière, c’était le tour du bras droit du Président Zelensky, Andreï Yermak d’être attaqué par le NABU, avec une démission immédiate et un scandale prenant des dimensions internationales. La nouvelle était en effet explosive alors que depuis 2022, des milliards d’euros ont été déversés sur l’Ukraine, pour financer la guerre, pour permettre à l’Ukraine de faire tourner le pays et dans divers projets d’infrastructures énergétiques ou industrielles. Cinq jours après la démission des deux ministres, le nom de Yermak était déjà sur toutes les bouches et le 28 novembre dernier, le NABU a procédé à des perquisitions, provoquant sa démission : « pour préserver l’unité nationale ».
Les hypothèses probables. La première hypothèse est que Donald Trump, qui en toute logique a succédé dans le contrôle du NABU, à Biden, use du NABU pour faire sauter l’obstacle Zelensky. Dans cette hypothèse, remarquons que dès le 22 novembre, Zelensky refusait le plan de paix Trump, avant de faire une petite marche arrière le 27 novembre, en affirmant être prêt à négocier, mais selon ses propres réclamations et celles de l’Union européenne. Dès le lendemain, Zelensky ayant fait échouer le plan Trump, un nouveau coup était porté par le NABU, cette fois-ci contre Yermak, bras droit du président. C’est de mon avis l’hypothèse la plus plausible, alors que Donald Trump voudrait engranger ce succès (après le plan de paix en Palestine), pour se présenter comme le « héros de la paix dans le monde », obtenir un résultat spectaculaire le mettant en position de force et lui accordant aussi une aura dans l’opinion publique américaine, non négligeable dans les futures batailles électorales. La seconde hypothèse est que les Américains ne seraient pas les seuls à vouloir la fin de Zelensky. Sous couvert de déclarations rassurantes de chefs d’État européen, le Royaume-Uni, déjà acteur du NABU dans le passé, pourrait aussi tirer les ficelles dans une convergence d’intérêts avec Washington. Non membre de l’UE, la Grande Bretagne mène en effet une politique agressive de « chef de file » en Europe, en marge de l’Union européenne, selon sa stratégie séculaire de contrôle du continent européen. Second et plus grand soutien de l’Ukraine, avec en embuscade le Canada, le Royaume-Uni serait l’un des pays parmi les plus éclaboussés par la chute de Zelensky et l’explosion de scandales à répétition révélant le vol de milliards d’euros. Dans ce scénario, la Perfide Albion chercherait de son côté la fin de Zelensky, pour placer dans son siège un « homme de paille » des Britanniques, qui ne serait pas celui de l’Union européenne ou de Washington. L’avantage de cette manœuvre serait la main-mise sur le pays, l’éviction des autres leaders européens et une position de force vis-à-vis de Trump, pour empêcher l’Ukraine de capituler, mais aussi de cacher le plus possible « la misère » de l’énorme machine à corruption de Kiev. Notons que l’Union européenne est celle qui a le plus à perdre dans l’histoire, car elle est désormais quasiment seule dans le financement de la guerre, montrant par les déclarations de plusieurs de ses chefs, qu’elle est décidée non seulement à le poursuivre, mais parlant déjà de confrontation générale avec la Russie. Par rapport à la première hypothèse, on ne peut négliger aussi la possibilité que Trump aurait souhaité faire exploser le scandale, pour neutraliser les dirigeants européens et dans un futur encore lointain, révéler leurs implications dans ce vaste système de corruption, qui de mon avis ne peut pas que concerner l’Ukraine…






