L’histoire de Natalia Tcherniavskaya est celle d’une modeste habitante de la région de Dokoutchaevsk et Volnovakha, dans le Donbass. Elle fut arrêtée, conduite dans les caves du SBU, où elle fut battue, menacée puis condamnée dans un procès mascarade comme « terroriste ». Elle a accepté de témoigner de son histoire et des violences qu’elle a subi durant sa détention. C’est un énième témoignage de la nature de l’armée ukrainienne, dans mes travaux de recherches sur les crimes de guerre, crimes contre l’Humanité, tortures et répressions notamment de la sinistre police politique ukrainienne : le SBU. Son témoignage rejoint et confirme tout ce que nous avons déjà relevé, depuis que j’ai commencé à rassembler des preuves, dans l’été 2015. Voici l’histoire de Natalia, qui a elle seule est une icône de la nature du petit peuple du Donbass : solide, indomptable, déterminé et… russe.
Je n’ai jamais eu besoin de rien d’autre que la Russie ! Natalia est née dans le Donbass durant l’Union soviétique, en 1956. De mémoire familiale, quatre générations sont nées et ont vécu dans la région. Venant d’une modeste famille d’ouvriers, elle vécut une vie tranquille faite de travail, de peines et de joies. Une histoire banale d’une femme ordinaire : des études, un mariage, des enfants, le tout entourée de sa famille et rythmé par son travail dans un combinat local. Elle nous accueille dans son humble demeure, dans un hameau, dans cette plaine vallonnée qui se trouve entre Donetsk et Marioupol. Toute sa vie se déroula ici, sans jamais d’ailleurs avoir l’occasion de visiter l’Ouest de l’Ukraine, encore moins un pays étranger. Sa simple maison ressemble à toutes celles que j’ai vu dans ces campagnes. Le cellier, la réserve de charbon, un chien bienveillant marchant lentement dans la cour et un chat affectueux près du poêle. La maison n’a sans doute pas changé depuis l’époque où elle fut construite, un puits, un grand jardin potager, des arbres fruitiers, ou encore le poêle à bois et charbon. Ce charbon symbole du Donbass. Elle nous raconte sa vie, la chute de l’URSS, elle qui toute sa vie fut une militante communiste convaincue. De ce drame, elle fut toujours critique de l’Ukraine, et ne donna pas son vote au Président Ianoukovitch en 2010. A propos des deux révolutions colorées en Ukraine (hivers 2004-2005 et 2013-2014), elle déclare : « tout cela vous savez ne nous intéresse pas, l’Union européenne, ce qui vient de l’Occident, ce n’est pas notre affaire, nous autres… nous sommes Russes et je n’ai jamais eu besoin de rien d’autre que la Russie ! ».
Une mamie qui faisait de la résistance. Lorsque les événements du Maïdan commencèrent dans la capitale, comme pratiquement tous dans le Donbass, elle n’avait pas cru que cela aurait des conséquences, du moins pour eux dans cette région nourricière de l’Ukraine. L’affaire commença à l’inquiéter au moment des premières tueries perpétrées par l’Ukraine, notamment à Odessa, le 2 mai 2014. Elle ne pensait pas toutefois qu’un jour la guerre arriverait jusqu’à sa porte. Comme beaucoup également, le retour de la Crimée au giron russe avait motivé l’espoir. Ce retour dans le sein de la Russie était pour elle une évidence, et elle vota pour la séparation de la RPD de l’Ukraine, lors du référendum du 11 mai 2014. Mais les choses allaient se dérouler un peu différemment que ce qu’elle avait prévu. Dans l’été 2014, la guerre ayant éclaté au printemps, les premières troupes ukrainiennes apparurent dans la région de Dokoutchaevsk. Elle raconte : « Nous nous téléphonions avec les voisins, mes fils étaient partis dans les milices pour nous défendre. Les bruits de la guerre étaient prégnants. Avec notre petit réseau, nous savions où se trouvaient les positions des envahisseurs, et je n’ai pas hésité à donner les coordonnées, pour que notre artillerie donne une bonne leçon aux Ukrainiens. Sans doute je fus dénoncée par mon téléphone, ou par l’un des rares voisins soutenant l’Ukraine, et un jour ils ont débarqué chez moi. Ils étaient nombreux, il y avait là tout un bataillon me semblait-il, des blindés, des BTR. Ils étaient armés et certains cagoulés, et ils m’ont arrêté. Je n’ai pas accepté qu’ils entrent dans ma maison, car ils n’avaient pas de mandat de perquisition. C’était des hommes du bataillon Dniepr-2, ils m’ont chargé dans un véhicule, on m’a mis un sac sur la tête et ils m’ont conduite à Marioupol, c’était le 20 août 2014 ».
Battue et interrogée par les gestapistes ukrainiens. Elle fut emmenée dans un endroit dont elle ignore la localisation dans Marioupol, puis ensuite dans la fameuse « Bibliothèque », Aéroport de Marioupol. Le lieu, désormais synonyme de cauchemar était utilisé par les Ukrainiens pour y enfermer les prisonniers politiques, les raflés, les suspects, les résistants et les républicains. Les premiers y furent conduits le 7 mai 2014, puis après la reprise de la ville pendant de long mois dans l’été et l’automne de cette année. Les choses furent rapidement beaucoup plus sérieuses, Natalia étant interrogée et battue par des sbires lui posant des questions, revenant en boucle. Devant son obstination à ne pas répondre « correctement », elle fut de nouveau battue, recevant également des coups de bouteille sur la tête, des gifles et des coups. Elle raconte : « ils m’ont tout de suite dit que j’étais une terroriste, une traître, une séparatiste, mais ces mots ne voulaient rien dire, séparatiste de quoi ??? J’ai toujours été Russe, liée à la Russie, je n’ai rien séparé et j’ai agi selon mes convictions. Ils m’ont insulté, me traitant de « salope » et me donnant des coups. Ils m’ont ensuite enfermé dans un frigo, une salle réfrigérée. J’avais froid, je n’avais qu’une salopette et il n’y avait rien dans la pièce, pas même un grabat. On m’a laissé là, j’étais toute seule, bien que j’ai vu à un moment un jeune homme aussi prisonnier. On ne pas donné à manger, ni à boire, on ne m’a pas conduite aux toilettes et je ne pouvais pas me laver. J’ai subi cela pendant trois jours infernaux et j’ai bien cru que ce serait mes derniers instants. Ils étaient trois à m’interroger, et puis d’autres arrivèrent pour m’emmener. Un officier de Dniepr-2 m’avait dit en conclusion qu’il n’y avait rien à faire de moi, qu’il était clair que j’étais une pro-russe. Il me menaça m’indiquant que j’avais le choix entre être livrée au SBU, ou au Pravy Sektor et que ces derniers seraient « moins gentils »… autant dire que je n’avais pas le choix ».
Échangée contre des prisonniers ukrainiens. Elle refusa ensuite de signer un document l’accusant, alors qu’elle était finalement conduite dans un tribunal, où elle fut jugée en quelques minutes par une mascarade de tribunal. Sous couvert de l’opération ATO, l’Ukraine des répressions ne s’encombrait pas des lois ou des Droits de l’homme… Elle fut condamnée dans cette audience éclair à une peine de 2 mois de prison et bientôt conduite dans une autre geôle, dans la région de Zaporojie. Par chance pour elle, les Ukrainiens venaient de subir une série de défaites cuisantes dans la bataille d’Ilovaïsk, devant Lougansk, dans celles des Frontières (juillet-septembre 2014). Sans qu’on lui dise pourquoi, elle fut chargée dans un autobus et emmenée avec d’autres prisonniers à Kramatorsk. Un échange de prisonniers se profilait entre Kiev et la RPD, les Ukrainiens incluant Natalia dans cet échange (qui eut lieu le 22 septembre 2014). Ce qu’elle vit à Kramatorsk fut ce qui la choqua le plus, elle raconte la suite : « Nous étions 37 prisonniers à être rassemblés à Kramatorsk, 36 hommes et moi. Là-bas ce que j’ai vu dans les geôles du SBU était triste et terrifiant. C’était bien pire encore que ce que j’avais vu à Marioupol, les violences semblaient terribles, les conditions des prisonniers encore plus graves. Un officier nous a dit avant que l’échange puisse avoir lieu, que s’il constatait qu’un seul cheveu des prisonniers ukrainiens avait été touché, alors que nous ne serions pas échangés et qu’ils s’occuperaient de nous personnellement. L’échange eut lieu… grâce à Madame Mozorova du service des Droits de l’homme de la RPD. La situation était difficile, ma maison était côté ukrainien, alors je me suis engagée comme volontaire et j’ai travaillé dans une cantine, à Debaltsevo, car mon fils aîné servait dans cette région, une mère doit être non loin de ses enfants ! ».
Épilogue : après son retour dans le camp républicain, elle continua longuement de travailler dans cette cantine et attendit avec impatience l’intervention de la Russie, la fameuse opération spéciale. Sa joie fut grande, comme celle de tous les habitants du Donbass, lorsqu’elle apprit la nouvelle et vit l’intervention du Président Poutine à la télévision. Elle avait reçu un passeport de la Fédération de Russie, et les Ukrainiens ayant été chassés de sa terre, elle retrouva sa maison et son jardin, où elle coule des jours tranquilles entourée des siens. Elle est grand-mère et a voté pour le référendum de septembre 2022, votant OUI au rattachement de la RPD à la Fédération de Russie. Elle attend maintenant la défaite de l’Ukraine, espérant que les forces russes libéreront le plus de villes et n’ayant pas eu, dans tout notre entretien un seul discours de haine, ni pour ses bourreaux, ni pour les Ukrainiens. Sa conclusion comme au commencement de notre conversation aura été : « qu’elle n’avait jamais eu besoin d’autre chose que de la Russie… comme par ailleurs le monde entier ! ».








