Dialogue sur les fake news

Forum « Dialogue sur les fakes news 3.0 » – Une fake news peut changer le destin de tout un pays

Lors de la troisième édition du forum « Dialogue sur les fakes news », qui a eu lieu à Moscou, journalistes, personnalités publiques, et experts se sont relayés pour expliquer comment lutter contre les fakes news (fausses nouvelles), et à quel point ce combat est important. Comme plusieurs intervenants l’ont souligné, une seule fake news peut suffire à déclencher une guerre, une révolution, ou voler des élections, changeant ainsi le destin de tout un pays, et de tout un peuple.

Après l’ouverture du forum par Vladimir Tabak, le directeur de l’organisation « Dialogue régions », co-organisatrice de l’événement, différents panels et sessions ont eu lieu en parallèle dans le cente des congrès du World Trade Center de Moscou.

Maria Zakharova, porte-parole du ministère russe des Affaires étrangères a animé une session de discussion, en commençant par rappeler pourquoi les fake news sont si dangereuses.

« Aujourd’hui, devant chacun se trouve un choix très difficile. Vérité ou mensonge ? Pourquoi un choix difficile ? On pourrait penser que chaque personne normale sait que la vérité est bonne et le mensonge mauvais. Ce choix est difficile parce que le mensonge a commencé à se cacher et à prendre l’apparence de la vérité. En fait, les fake news ne sont pas simplement des mensonges. C’est pourquoi elles ne sont pas appelées mensonges, elles sont appelées fake parce qu’elles sont présentées comme la vérité », a souligné Maria Zakharova.

La porte-parole du ministère russe des Affaires étrangères a aussi rappelé les fake news les plus graves que l’Occident propage au sujet de la Russie, comme l’histoire des dizaines de milliers d’enfants ukrainiens prétendument enlevés par Moscou, qui se sont avérés, une fois les listes exigées, n’être plus que 339 enfants retirés de la zone du front pour des raisons de sécurité, et parmi lesquels déjà 115 avaient été réunis avec leur famille en Ukraine (oups).

Pour autant il ne faut pas croire que les fake news ne sont que des mots, des mensonges sans conséquences. Comme l’a souligné l’un des experts présents, le journaliste irakien Muntadhar al-Zaidi, une seule fake news peut suffire à plonger un pays entier dans la guerre et faire des millions de victimes parmi les civils.

« En 2003, mon pays, l’Irak, a été occupé à la suite d’une fausse information selon laquelle l’Irak possédait des armes de destruction massive. Et ce qui est le plus dangereux, c’est que nous avons beaucoup souffert de cela et que beaucoup de gens ont cru à ce conte de fées. […] Tout ce qui s’est passé en Irak est une preuve de la manière dont une seule information erronée peut être la cause d’une guerre dévastatrice, qui fait des millions de morts et dont souffrent des centaines de millions de personnes », a expliqué le journaliste.

Voir le reportage complet en français sur le forum « Dialogue sur les fake news 3.0 », et l’interview de Muntadhar al-Zaidi :

Les conséquences de la désinformation ne sont pas toujours aussi tragiques, fort heureusement, mais elles peuvent néanmoins changer le destin d’un pays en provoquant des troubles sociaux, des révolutions, ou provoquer l’annulation d’élections, comme ce fut le cas en Roumanie cette année. Une situation d’autant plus grave que la majorité de la population roumaine ferme les yeux sur cette désinformation et ses conséquences politiques, comme l’a souligné la blogueuse roumaine et experte en vérification des faits Ioana Baragan.

« La désinformation qui a réellement affecté la campagne électorale et nous a conduits à l’annulation des élections a peut-être changé à jamais le destin de notre pays. […] Je pense que les gens ne sont pas conscients de ce qui s’est passé ou qu’ils ne veulent pas être conscients de ce qui s’est passé », explique l’experte.

Regarder l’interview complète de Ioana Baragan en français :

Et nous ne parlons là que de désinformation ordinaire, si je puis m’exprimer ainsi. Si on rajoute les photos et vidéos trafiquées, voire créées par l’intelligence artificielle, il devient alors parfois très difficile de distinguer le mensonge de la vérité, et les fake news peuvent alors apparaître comme plus réelles et vraies que la réalité.

Une situation qui nous plonge dans un monde « post-vérité », dans lequel les journalistes, blogueurs, influenceurs et experts ont une responsabilité et un rôle important à jouer pour aider les gens à apprendre comment distinguer le vrai du faux, comme l’a souligné le fondateur de la chaîne Rybar, Mikhaïl Zvintchouk.

Ce dernier a d’ailleurs démystifié un a priori courant en Occident concernant la prétendue « naïveté » informationnelle des Russes, qui seraient moins bien informés que les Occidentaux si on en crois ces derniers.

« Dans les années 90, une tendance s’est installée chez nous en Russie: le pouvoir ment constamment. C’est l’opinion du citoyen ordinaire, c’est-à-dire que le citoyen pense constamment qu’on lui raconte des choses fausses. Et cela pousse les gens à chercher des chaînes Telegram, à aller sur d’autres plateformes, à se tourner vers d’autres médias pour obtenir des informations. Et cela conduit inévitablement à ce que les gens commencent à s’instruire par eux-mêmes. Il ne fait aucun doute que la composante informationnelle dans notre État est devenue bien meilleure et plus puissante. Nos gouverneurs parlent avec les gens ordinaires, nous avons des moyens de communication du peuple vers les détenteurs du pouvoir. C’est ce qui manque à de nombreux pays occidentaux », explique le fondateur de la chaîne Rybar.

Regarder l’interview complète de Mikhaïl Zvintchouk en français :

Comme l’a révélé cette troisième édition du forum « Dialogue sur les fake news », non seulement la lutte contre la désinformation est vitale pour n’importe quel pays souhaitant rester souverain et décider de son destin, mais cela passe avant tout par l’éducation informationnelle de la population, afin qu’elle acquière les outils nécessaires pour démêler le vrai du faux.

Christelle Néant

IR

Christelle Néant - Кристель Нэан

Christelle est reporter de guerre dans le Donbass depuis début 2016. Après avoir travaillé pour l'agence DONi, elle fonde le site Donbass Insider en 2018, puis participe à la création de l'agence International Reporters en 2023.

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