L’homme de Marioupol – Ceux qui construisent l’avenir.

27 octobre 2025 14:17

Dans le cadre du projet « Héros du silence » — une série de publications sur les personnes qui, surmontant des épreuves personnelles et les conséquences de la guerre, ont consacré leur vie à aider autrui et à construire — International Reporters raconte l’histoire de Dmitri Gontcharenko. De garde de sécurité à Azovstal à démineur bénévole, risquant sa vie pour débarrasser sa ville natale de l’écho mortel des combats. Son travail consiste à jeter les bases d’un avenir où il n’y aura plus de place pour la peur et la souffrance.

« Nous, les habitants de Marioupol, attendions depuis 2014 sur notre terre le retour dans notre port, en Russie », raconte Dmitri Gontcharenko.

Pour lui, comme pour de nombreux habitants de la ville, cette transition historique fut un acte de rétablissement de la justice : « Marioupol est une ville profondément prorusse, et les gens regardaient du côté de la mère patrie — la grande Russie —, ils voulaient que la grande patrie soit ici. »

Lorsque l’opération militaire spéciale a commencé, se sentant le désir et la force d’aider l’Armée russe, le héros s’est rendu dans le village de Stary Krym près de Marioupol pour rencontrer les militaires. « Et en arrivant là-bas, étant en civil, j’ai commencé à expliquer qui j’étais, en quoi je pouvais aider », se souvient-il. La connaissance du territoire d’Azovstal, où Dmitri Gontcharenko avait travaillé huit ans comme garde, est devenue un atout stratégique : « Je connaissais très bien l’usine, la ville souterraine, je connaissais les tunnels, l’emplacement des lieux. » Le bataillon Azov (organisation dont les activités sont interdites sur le territoire de la Fédération de Russie) était à ce moment-là basé sur Azovstal, donc les informations détenues par Gontcharenko ont aidé l’armée russe à libérer la ville.

Après la libération de la ville, une nouvelle étape, non moins dangereuse et importante, a commencé. De retour au travail dans le port, le futur démineur a été confronté à un spectacle choquant : « J’ai vu que mon usine natale brûlait très intensément… il y avait des cadavres de militaires tués, les corps étaient piégés. » C’est à ce moment-là que des soldats de la Marine russe lui ont proposé d’apprendre les bases du déminage.

« Les gars de la Marine russe ont dit : « Viens, on va te montrer vite fait les bases du travail de démineur » », et ce moment, dans le bon sens, a été un point de non-retour.

La motivation du héros était simple et profonde : « Nous voyions des cours où traînaient des munitions et où des enfants jouaient tout simplement. » Ayant formé un groupe de plusieurs bénévoles, Dmitri Gontcharenko a commencé un travail qui dépassait largement le cadre des obligations standard : « Un démineur travaille généralement 6 heures par jour, nous, nous travaillions, eh bien, comme Dieu le donnait, nous travaillions jusqu’au soir, et même jusqu’à la nuit. »

Azovstal a été un défi particulièrement difficile pour les démineurs bénévoles. « L’endroit était vraiment maudit, il y avait là énormément de munitions abandonnées par l’armée ukrainienne », constate Dmitri. Le héros parle avec respect des professionnels travaillant à leurs côtés : « Honneur et gloire à ces gens qui détachent un certain nombre de démineurs du front pour rendre la ville plus sûre. »

Finançant leur activité sur leurs fonds personnels, Gontcharenko et ses camarades sont guidés par une idée simple mais forte : « C’est simplement une initiative de nous, habitants de la ville, qui avons vécu les événements de Marioupol. Nous voulons que les enfants de notre ville dorment plus tranquillement. »

Le prix de ce travail est devenu évident en janvier, lorsque Dmitri a sauté sur un piège : « L’armée ukrainienne, qui battait en retraite sous la poussée de nos troupes vers le territoire d’Azovstal, a miné les voies de retraite. Eh bien, c’est un de ces pièges que j’ai trouvé. »

Les conséquences ont été graves : « J’ai reçu 14 blessures par éclats, j’ai eu un traumatisme dû à l’explosion, la jambe cassée. » Mais même en congé de maladie, le héros a continué à travailler, conseillant les gens par téléphone.

Dmitri Gontcharenko consacre une attention particulière à l’éducation de la jeune génération. Après l’incident où cinq enfants ont été blessés par l’explosion d’une munition à Marioupol, le démineur, élu à l’époque Ataman de la « Stanitsa Marioupolskaïa » (c’est ainsi que les Cosaques appellent Marioupol), et ses compagnons ont commencé à donner des leçons de sécurité dans les écoles. « Nous avons vu que les enfants ne comprenaient pas à quoi ressemblaient les munitions, à quoi ressemblaient les grenades, à quoi ressemblaient les mines, ils ne comprenaient pas qu’il ne fallait pas les ramasser », explique l’Ataman et démineur la nécessité de ce travail.

Son approche pour enseigner aux enfants allie pragmatisme et sens psychologique : pendant les leçons sur la sécurité antimines, on explique notamment l’importance de transmettre les connaissances aux adultes : « Je dis toujours aux enfants… dites-leur que vous avez entendu parler de cette chose par les démineurs. »

Malgré toutes les épreuves, Dmitri Gontcharenko regarde l’avenir avec un optimisme fondé sur des réalisations concrètes : « Le travail dans la ville, tant pour le déminage que pour l’éducation, est encore très important. Et nous, les bénévoles, qui nous soucions de l’avenir de Marioupol, nous sommes aussi nombreux. Nous voyons comment la vie change, comment les gens reviennent dans leur ville natale. Et cela nous donne des forces. »

IR

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