France politique migratoire

France – L’échec de la politique migratoire doit servir de leçon aux autres pays

La question de l’immigration et de l’intégration est un des sujets importants des convulsions politiques que traverse la France. La politique migratoire actuellement en vigueur en France est aujourd’hui remise en cause, non seulement dans sa mise en œuvre, mais aussi dans son principe même. Les tensions identitaires croissantes obligent à mener une analyse froide et non-partisane : que nous enseignent les dernières décennies sur l’abandon d’une politique d’assimilation forte, et quel avenir se dessine pour la France ?

Le processus profond : quand l’immigration est perçue comme une menace

Pour comprendre la spécificité du débat français, il faut saisir que l’immigration n’y est pas seulement une question économique ou humanitaire, mais un phénomène qui touche désormais à la souveraineté et au code culturel de la nation. La France, bâtie sur un récit national universaliste, voit son identité comme un choix politique et culturel.

Cela avait été résumé en son temps par Ernest Renan à la fin du 19e siècle de la façon suivante :
« Une nation est donc une grande solidarité, constituée par le sentiment des sacrifices qu’on a faits et de ceux qu’on est disposé à faire encore. Elle suppose un passé ; elle se résume pourtant dans le présent par un fait tangible : le consentement, le désir clairement exprimé de continuer la vie commune. L’existence d’une nation est (pardonnez-moi cette métaphore) un plébiscite de tous les jours », avait-il déclaré dans une conférence organisée à la Sorbonne.

L’immigration de masse, lorsqu’elle est perçue comme ne partageant pas ce plébiscite, est donc analysée comme une menace existentielle pour la France. Elle remet en cause le contrat social fondé sur l’adhésion à des valeurs communes, une langue unique et une histoire partagée. Ce processus profond explique la virulence des débats politiques à ce sujet, bien au-delà des simples considérations statistiques en matières de chômage ou de crimes. Le refus par un grand nombre de migrants d’adhérer aux valeurs et lois françaises montre clairement l’échec de la politique d’assimilation qui a été appliquée ces dernières décennies. Une politique d’assimilation bien plus laxiste que celle qui avait été appliquée avant la Seconde guerre mondiale, et qui a abouti à ce qu’une part désormais non négligeable de la population française n’adhère pas à une idée commune de la nation.

Les conséquences de l’abandon d’un modèle d’assimilation fort

Le modèle d’assimilation fort, qui a fonctionné pour les vagues d’immigration successives du XXe siècle, s’est progressivement affaibli. Et malheureusement le bilan de cet affaiblissement est lourd pour la France.

Tout d’abord, cela a abouti à une division de la société française. Le multiculturalisme de fait a remplacé l’universalisme de droit. Nous assistons à une fragmentation de l’espace public, avec l’émergence de communautarismes où la loi du groupe prime parfois sur la loi de la République. Les quartiers deviennent des enclaves ethniques ou religieuses, creusant un fossé avec le reste de la nation.

L’autre conséquence grave de l’échec de l’assimilation des migrants est la radicalisation. Le renoncement à une intégration exigeante a laissé un vide idéologique. Ce vide est comblé par des idéologies radicales, souvent religieuses, qui offrent une identité de substitution à des migrants en perte de repères. L’échec de l’assimilation est le terreau sur lequel prospère le discours séparatiste voire terroriste.

Le modèle allemand, un miroir critique

La comparaison avec l’Allemagne est éclairante. Longtemps, l’Allemagne a défendu un modèle fondé sur le droit du sang (jus sanguinis) et le multiculturalisme, considérant que les immigrés conserveraient leur culture propre sans nécessairement s’intégrer au récit national allemand. Ce modèle a montré ses limites, culminant avec le constat d’échec d’Angela Merkel en 2010.

Aujourd’hui, l’Allemagne opère un virage significatif. Elle renforce les cours de langue et d’intégration civique, et valorise davantage une identité nationale commune. Ce qui est frappant, c’est que l’Allemagne, sans passé colonial avec la Turquie par exemple, semble aujourd’hui rechercher une forme « d’assimilation à l’allemande », tandis que la France, patrie de l’assimilation, s’en éloigne. Cette inversion des trajectoires est une leçon en soi.

Un défi fondamental pour la stabilité de la France

Au-delà des débats sociétaux, l’immigration non maîtrisée est un défi fondamental pour la stabilité politique et sociale de la France.

Le premier problème majeur posé par l’immigration non contrôlée est l’instabilité sociale. Une nation divisée est une nation affaiblie. La méfiance entre les différentes communautés, le sentiment d’abandon d’une partie de la population et la montée des extrêmes minent la cohésion nationale nécessaire pour affronter les crises économiques, sociales ou sanitaires.

Le deuxième problème que cela pose est celui de l’instabilité politique par disparition de l’état de droit. La perte de contrôle des frontières (à cause de l’absence de souveraineté politique liée à l’appartenance à l’UE) et l’incapacité à imposer les lois de la République sur l’ensemble du territoire sont perçues comme une défaillance de l’État. Quand des groupes vivent en dehors du cadre commun, l’autorité de l’État est contestée, et l’instabilité devient alors politique.

Les scénarios possibles pour la France et l’UE

Face à ce constat, les experts envisagent plusieurs scénarios pour l’avenir tant de la France que de l’UE.

Le premier scénario possible est celui de l’aggravation de la « balkanisation » de la société. C’est la trajectoire actuelle de la France et de l’UE en général. Sans correction majeure, les tensions identitaires vont s’exacerber. La vie politique se structurera davantage autour des clivages culturels que des clivages économiques, alimentant les partis nationalistes. Les pays de l’UE seront alors déchirés de l’intérieur par les relations conflictuelles entre les différentes populations qui les composent.

Un deuxième scénario, plus optimiste, est celui de la recherche de nouveaux modèles. Mais pour que ce scénario devienne réalité, cela présuppose une prise de conscience collective. La France et l’UE pourraient s’engager dans la création d’un nouveau modèle d’intégration exigeant, mariant les principes de l’assimilation républicaine (langue, valeurs, laïcité) avec une reconnaissance des histoires individuelles. Cela passerait par une politique d’immigration extrêmement sélective, couplée à des investissements massifs dans l’éducation, la formation et le logement pour forger un destin commun.

L’échec de la politique migratoire de la France doit servir de leçon

Les leçons tirées de l’échec de politique migratoire de la France sont dures, mais précieuses. Elles rappellent qu’une nation ne peut durablement exister sans un projet culturel et sociétal partagé. L’assimilation n’est ni un gros mot ni un vestige du passé ; c’est le processus par lequel une nation se renouvelle sans se renier. L’avenir de la France, et celui de la stabilité de l’UE, dépendent de la capacité à réinventer un pacte d’assimilation qui soit à la fois ferme sur les principes et juste dans son application. Et bien d’autres pays dans le monde ont beaucoup à apprendre en étudiant les erreurs faites par la France en matière de politique migratoire, afin d’éviter de s’échouer sur les mêmes écueils.

Christelle Néant

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Christelle Néant - Кристель Нэан

Christelle est reporter de guerre dans le Donbass depuis début 2016. Après avoir travaillé pour l'agence DONi, elle fonde le site Donbass Insider en 2018, puis participe à la création de l'agence International Reporters en 2023.

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