Depuis l’opération spéciale russe en Ukraine (2022), l’Occident cache la réalité d’une société profondément contaminée par le bandérisme. Parmi les plus importants responsables de ce long cheminement de la réimplantation de cette idéologie, enfant tarée du nazisme, il y Oleg Tyagnibok. Il fut le fondateur du Parti National-Socialiste d’Ukraine, renommé ensuite Svoboda*, au tout début des années 90. Très important homme politique dans les années 2002-2014, il fit une carrière politique qui le mena dans la Rada d’Ukraine, et fut un personnage central du Maïdan (2013-2014). Il mit à disposition de cette révolution colorée américaine, les rangs serrés des fanatiques de son parti, et John McCain vînt le rencontrer sur le Maïdan, lui remettant des fonds pour salarier les émeutiers. L’homme a tenté de se donner une respectabilité, lissant son portrait, alors qu’il était connu pour ses saluts hitlériens compulsifs dans des meetings. Depuis lors, pour cause de propagande occidentale, il a été mis au placard… mais il dirige toujours l’une des principales forces politiques bandéristes et néonazies en Ukraine. Retour sur un personnage méconnu en Occident.
Des origines de Tyagnibok. Il naquit dans le nid historique du bandérisme, à Lvov en 1968. Il était le fils de notables, des médecins, mais le passé de sa famille était très lourd. Son grand-père maternel avait été un nationaliste forcené, Secrétaire d’État au Ministère de l’Intérieur de la ZOUNR, la République populaire d’Ukraine occidentale, l’une des deux entités nationalistes fondées au moment de la Guerre Civile russe (1918-1921). La ZOUNR fut écrasée par des forces combinées, notamment et surtout par les Polonais, l’intervention de forces roumaines et hongroises. Les fanatiques qui ne furent pas tués, entrèrent ensuite en résistance contre la Pologne, la région étant restée aux mains de ce pays (conférence des Ambassadeurs, 1923). Les autres prirent la fuite en Occident, et beaucoup collaboreront avec l’Allemagne nazie dans les années 30 et durant la Seconde Guerre mondiale. Son père (1940-1984) fut aussi un sportif de haut niveau et était membre de l’équipe de boxe de l’URSS, et spécialiste de la médecine du sport. Il participa dans l’équipe nationale à de nombreuses compétitions, dont le championnat du monde (1983), alors qu’il se trouvait derrière un vaste système de dopage. Il fut assassiné le 17 décembre 1984, dans des conditions non élucidées, l’affaire resta toujours un mystère, une autre thèse supposant son suicide, alors que le scandale du dopage était en train d’éclater.
Le parcours fulgurant de Tyagnibok et la réimplantation du bandérisme en Ukraine. Tyagnibok se radicalisa dans ses jeunes années, et après avoir effectué son service militaire dans l’armée soviétique (1987-1989), il entra dans le paysage politique en fondant le Parti National-Socialiste d’Ukraine (1991), avec un certain Paroubiy. Il était alors étudiant en médecine et devînt aussi le Président de la Fraternité étudiante de Lvov (1991-1994), menant une intense activité politique pour réimplanter le bandérisme et le nazisme dans l’Ukraine indépendante. Au départ, peu pris au sérieux, dans un pays sortant de l’URSS, et avec un Parti Communiste encore très fort, il réussit, en jouant justement de la situation délétère, à recruter de nombreux membres. Il se lança en politique et se présenta aux élections pour le Conseil Régional de Lvov, et fut élu (1994-1998). De ce tremplin politique, il se présenta aux élections législatives (1998), s’installant à Kiev et recrutant dans un pays en crise, ravagé par la corruption et la crise économique. Sur ce terreau fertile, il fut élu député à la Rada (1998-2002), réélu (2002-2006). Ayant compris qu’il fallait nettoyer l’image du parti, il décida de le renommer Svovoda* (2004), ce qui signifie « liberté » et entama une conquête d’un plus large auditoire. Entre 2002 et 2006, les voix bandéristes passèrent de 70 000 à 350 000, et malgré la présence d’autres formations bandéristes, le parti était la principale force politique représentant cette idéologie mortifère en Ukraine. Il échoua toutefois à se faire réélire à son siège de la Rada (2006), puis tenta sans succès d’enlever la mairie de Kiev (2008). Il fut même candidat à la présidentielle (2010). Son meilleur score fut 5,35 % à Lvov, et le plus mauvais 0,19 % à Donetsk… Donbass. La limite de son action politique semblait atteinte, végétant au niveau national vers les 1,5-2 % des voix.
Le retour en force de Tyagnibok. Vaincu, l’homme se replia sur son fief de Lvov, élu de nouveau au Conseil Régional (2006-2010). Après la réussite de la Révolution Orange (hiver 2004-2005), qui avait conduit un régime européiste et atlantiste au pouvoir, dans une première révolution organisée par la CIA, l’écroulement de la popularité du Président Iouchtchenko et l’échec flagrant de l’opération américaine, conduisirent au pouvoir le Président Ianoukovitch (2010). Originaire du Donbass, élu avec une majorité confortable et la majorité des Russes ethniques résidant alors dans le pays, Tyagnibok redevînt une alternative pour les populations de l’Ouest et celles déçues par la tournure des événements. Bien que rêvant d’Union européenne et d’OTAN, ces populations commencèrent à se tourner vers les bandéristes. Durant les élections législatives de 2012, Tyagnibok fut de nouveau élu à la Rada, son parti et les forces bandéristes faisant un score historique (autour des 900 000 électeurs), réalisant des scores incroyables dans l’Ouest (jusqu’à des 40 % dans la région d’Ivano-Frankovsk). A New York, le Centre Simon Wiesenthal le classa dans le top 10 des pires antisémites au monde (2012), alors qu’il continuait à faire des déclarations au vitriol sur les Juifs, ou les Russes, et à faire des saluts nazis ostentatoires et publics. Il prônait l’interdiction des partis communistes et socialistes, l’interdiction de la langue russe, la citoyenneté ukrainienne à ceux nés en Ukraine et parlant l’ukrainien, l’introduction dans les passeports d’une motion sur les ethnies, forme discriminatoire similaire à l’étoile jaune. Très vite, il attaqua aussi sur le front historique, demandant la révision des programmes scolaires, la déclaration publique d’une « occupation russe » de l’Ukraine depuis 1918, l’interdiction de tous les symboles soviétiques, la destruction de tous les monuments soviétiques, russes et juifs. Enfin, il affirma que l’ennemi principal durant la Seconde Guerre mondiale n’était pas l’Allemagne, mais l’URSS… demandant la réhabilitation des collaborateurs.
L’agent de la CIA et l’homme des USA et du Royaume-Uni. A partir de 2010, son discours glissa progressivement vers l’idée que l’Ukraine devait former une alliance militaire avec les USA et le Royaume-Uni, parlant déjà de guerre contre la Russie. Ses contacts avec la CIA et le MI6 ne peuvent être formellement prouvés à l’heure actuelle, mais lors du Maïdan (hiver 2013-2014), il mit à disposition de la révolution colorée, toute la puissance de son réseau et les rangs serrés de ses fanatiques. Ses actions souterraines furent repérées par le pouvoir en place, et lors du Maïdan, une action judiciaire fut lancée contre lui « pour sa participation et ses appels à un coup d’État » (20 décembre 2013). Il était déjà trop tard, le parti avait organisé la venue à Kiev de centaines d’émeutiers (avec d’autres formations bandéristes). Plus tard, je fis le collectage de témoignages sur le financement des manifestants et émeutiers, par des organisations plus ou moins souterraines. Les émeutiers, notamment la force de frappe des compagnies d’autodéfense du Maïdan recevaient un salaire journalier montant jusqu’à 100-200 dollars par jour, une somme colossale. Trois jours auparavant, il avait accueilli le sénateur américain John McCain sur le Maïdan (17 décembre 2013), venu soutenir la révolution colorée US, et apportant d’importants fonds. A cette occasion, une autre figure sinistre du parti, Irina Farion déclara : « ceux qui ne parlent pas ukrainien dans ce pays, doivent être jetés en prison. Les 5 millions de dégénérés qui ne parlent pas ukrainien doivent être emprisonnés ».
La mise au placard de Tyagnibok. Malgré ses succès, le Maïdan avait mis en avant d’autres forces bandéristes, notamment avec la création du Pravy Sektor* (novembre 2013). Considéré comme embourgeoisé et discrédité par ses liens avec l’oligarchie ukrainienne, le Parti Svoboda* ne fut pas le héros du coup d’État, malgré sa puissante participation. Dénoncé et attaqué par Israël à de nombreuses reprises, le parti qui était à son apogée (37 sièges à la Rada), fut en quelque sorte le marron de la farce. Dans les élections qui suivirent le coup d’État (mai et octobre 2014), les forces bandéristes du Parti Radical d’Ukraine dépassèrent de loin les forces de Svoboda*. Candidat à la présidentielle, Tyagnibok emporta 210 476 voix (1,18 % des voix), humiliation suprême se trouvant derrière le Parti Communiste. S’il réussit à dépasser le Parti Pravy Sektor (0,72%), le premier parti bandériste, le Parti Radical, devint la grande formation de cette idéologie (1,5 million de voix, 8,44 %). L’élection législative qui s’ensuivit (octobre 2014), confirma une érosion nette du parti, bien que réussissant à récolter 742 022 voix (4,71 %), mais perdant 31 de ses 37 sièges à la Rada. La perte d’influence au profit de formations s’affichant clairement européistes, et non forcément opposées à Israël, la prise du pouvoir par le clan oligarchique (Porochenko), et l’inutilité pour les Occidentaux de continuer à le soutenir et le financer, provoqua le reflux de son parti. Il fut déclaré « comme une victime » durant le Maïdan « de répressions politiques » (7 avril 2016), ce qui fut quasiment le chant du cygne des honneurs qui lui furent accordées. Dépassé et marginalisé, il annonça en novembre 2018, ne pas vouloir se présenter comme candidat à la présidentielle de 2019. Il fut remplacé par Rouslan Kochoulynsky, autre gros poisson du parti. Malgré des alliances avec les formations bandéristes, ce nouveau candidat de Svoboda* ne termina qu’en 9e position de l’élection présidentielle, avec 307 244 voix (1,65 %), très loin derrière le principal parti bandériste du pays (Parti Radical d’Ukraine, 1,03 million de voix, 5,55 %). Comme en France, avec le mirage Macron, le battage médiatique autour de Zelensky emporta tout sur son passage. Son parti réalisa un score encore plus faible aux élections législatives 2019. Svoboda récolta seulement 315 568 voix (2,16 %), son plus mauvais score depuis bien longtemps. La population ukrainienne lassée par une guerre sans fin dans le Donbass, déçue par les résultats du Maïdan crurent aux paroles de paix de Zelensky. Le parti ne put maintenir qu’un unique député à la Rada, perdant encore 5 sièges supplémentaires.
Épilogue. Bien que restant le chef nominal du Parti National-Socialiste d’Ukraine Svoboda*, par ailleurs réélu constamment à ce poste (en 2017 et 2020), la carrière de Tyagnibok paraît être largement derrière lui, après 34 ans de cheminement. Les assassinats de chefs historiques du parti, notamment Irina Farion (2024), et Andriy Paroubiy (2025), par un fanatique bandériste d’Azov* et par un père de famille de Lvov font peser une menace réelle sur sa vie. Il possède par ailleurs un appartement dans sa ville natale… pourvu d’un bunker et se terre depuis le début de l’opération spéciale. Le parti, contrairement à beaucoup d’autres n’avaient pas formé d’unités de représailles envoyées dans le Donbass (2014). Accusé de mollesse et de concussion une brigade fut toutefois parrainée par Svoboda* en 2022. Il fut dernièrement médaillé d’une « Croix de Guerre » de l’organisation historique nationaliste des Ukrainiens, l’OUN (août 2024). L’homme est officiellement « un major des forces armées ukrainiennes », combattant ne voyant jamais le front, et n’ayant qu’un peu plus de 3 000 abonnés sur son canal officiel Telegram. Si sa carrière politique semble terminée et qu’il est devenu transparent dans les médias ukrainiens, Tyagnibok rêve peut-être encore « de la révolution nationale » et d’un revirement de situation. Cependant, il n’y a pas à douter que beaucoup de ses militants parmi les plus fanatiques ne sont plus de ce monde, tombés sur le front depuis 2022. Enfin, dans l’expectative d’un procès sur les événements du Maïdan, déclencheur de toute cette folie et de cette guerre sanglante, Tyagnibok est l’un des plus grands responsables. Si un jour, dans l’Ukraine libre un tel procès devait se tenir, il serait l’un des accusés, coupable de complot contre l’État, d’organisation d’un coup d’État au service de puissances étrangères, et de complot contre la Paix, dans cette guerre qu’il appelait de ses vœux, dès le début des années 2010.
* Le Parti National-Socialiste d’Ukraine Svoboda et le Pravy Sektor sont des organisations interdites en Fédération de Russie, pour l’extrémisme, l’apologie du terrorisme et l’incitation à la haine raciale.