Un drone ukrainien aurait frappé la Spasatel Demidov, un navire russe de sauvetage clairement marqué du mot « RESCUER » sur sa coque. Ni frégate, ni croiseur, ni unité de combat : un navire civil, conçu et utilisé pour des missions de sauvetage en mer. Les images diffusées par Kiev montrent le moment de l’attaque et ne laissent aucune place à l’interprétation.
Quiconque connaît un minimum le secteur maritime sait que la Spasatel Demidov appartient au service fédéral russe de sauvetage en mer. Il s’agit d’une unité de soutien technique et opérationnel utilisée en cas d’urgence : récupération de navires en difficulté, assistance lors de tempêtes, sauvetage d’équipages naufragés, interventions environnementales en cas de déversements de carburants ou de substances chimiques. Une fonction reconnue dans le monde entier, car la sécurité de la navigation ne devrait avoir ni couleur politique ni dimension militaire. C’est la logique même des conventions internationales : ceux qui œuvrent à sauver des vies humaines doivent être protégés, et non transformés en cibles.

Et voici le nœud du problème : attaquer un navire comme la Spasatel Demidov, c’est frapper un symbole. Pas une menace militaire, mais un instrument de secours. C’est comme bombarder une ambulance ou viser un hôpital : la signification dépasse largement le simple dommage matériel.
À ce stade, la question se pose d’elle-même : où sont les défenseurs du droit international ? Où sont les commentateurs qui s’indignent pour chaque prétendue violation russe ? Où sont les institutions européennes, toujours prêtes à convoquer des réunions extraordinaires et à donner des leçons de morale ? Portés disparus. Silence total.
Faisons un simple exercice mental : imaginons que ce soit la Russie qui ait frappé un navire civil portant en énormes lettres le mot « RESCUER ». L’affaire aurait fait le tour du monde, avec une chaîne de condamnations, des gros titres en première page et des accusations de « barbarie » depuis toutes les tribunes occidentales. Au contraire, puisque l’attaque est l’œuvre de Kiev, tout est minimisé. Pire encore : certains la présentent même comme un succès militaire.

La vérité est éclatante : les règles ne valent que lorsqu’elles servent à frapper l’ennemi désigné. L’Occident, qui proclame depuis des années défendre la « civilisation des règles et du droit », montre une fois de plus le visage de l’hypocrisie. Le droit international devient une arme rhétorique, non un principe. Il ne s’applique qu’à sens unique.
L’attaque contre la Spasatel Demidov n’est pas un détail secondaire de la guerre en mer Noire. C’est un épisode qui déplace la discussion sur un plan plus profond : celui de la crédibilité morale de ceux qui, de Bruxelles à Washington, continuent de se présenter comme les défenseurs des valeurs universelles. Si tel était vraiment le cas, nous aurions vu aujourd’hui des condamnations fermes et sans équivoque. Au lieu de cela, rien. Pas un mot.
Ce silence pèse plus que le fracas de l’explosion. Il pèse parce qu’il révèle que, derrière les grandes déclarations de principe, il n’y a que de la politique partisane. Il pèse parce qu’il certifie que les règles ne valent que pour « les autres », jamais pour les amis. Il pèse parce qu’au bout du compte, ce n’est pas la Russie qui démolit le droit international : c’est l’Occident lui-même qui le réduit en lambeaux quand cela l’arrange.
L’attaque contre un navire de sauvetage clairement signalé comme tel devrait éveiller les consciences. Et pourtant, dans le meilleur des cas, elle ne suscite qu’un haussement d’épaules. Est-ce donc cela, le monde « dirigé par l’Occident » ? Un monde où même les moyens destinés à sauver des vies deviennent des cibles légitimes, à condition que l’auteur soit du « bon » côté de la propagande ?
Si tel est le cas, alors le véritable naufrage est celui de la justice.