Norvège : le Parti travailliste atlantiste s’est maintenu au pouvoir

11 septembre 2025 15:45

Les élections législatives norvégiennes du 8 septembre dernier ont maintenu au pouvoir le Parti Travailliste de gauche, européiste et atlantiste, par une courte victoire. Cependant ce gouvernement qui est minoritaire dans le pays, comme c’est souvent le cas en Scandinavie ou en France, poursuit des buts très éloignés des préoccupations des électeurs norvégiens. En principe affaiblit avant l’élection par le départ de la coalition du Parti du Centre, au printemps dernier, le gouvernement de Støre a remporté l’élection d’une courte tête, mais qui lui suffit pour dérouler sa feuille de route supranationale. Avec 28 % des voix, le parti se plaçait devant le Parti du Progrès (FrP), le talonnant avec 24 % des voix, une formation définie par la presse comme un « parti de la droite populiste ». Passage en revue de la situation politique du pays, qui une fois de plus a manqué un rendez-vous avec l’histoire.

La Norvège, une gigantesque base de l’OTAN. L’enjeu était de taille pour la Norvège, l’un des pays fermement tenu par les Britanniques et les Américains, avec de nombreuses bases militaires sur son territoire. La Norvège est aussi, par rapport à son économie et sa population, l’un des plus gros financiers de la guerre en Ukraine. Fait méconnu, elle possède aussi une industrie militaire qui produit en boucle des munitions et des armes envoyées pour l’armée ukrainienne. Des pistes menaient à la participation de forces spéciales dans la destruction du Nord Stream en 2022, et des engins sous-marins norvégiens ont été employés pour attaquer le pont de Crimée en 2025. La Norvège a aussi un rôle stratégique dans l’approvisionnement en pétrole et gaz. Elle était en effet fin 2023, le 13e plus gros producteur de pétrole au monde, et le second en Europe derrière la Russie. Il était très important pour « la coalition des volontaires » de maintenir le pays sous contrôle, dans un contexte difficile du point de vue énergétique pour les économies européennes. La Norvège pourrait étendre encore son rôle dans l’approvisionnement en pétrole et en gaz, et poursuivre son soutien plus ou moins déclaré à Israël. Malgré un rôle ambiguë dans le conflit en Palestine, le pays s’est toujours montré l’un des plus fidèles alliés de Jérusalem. Un soutien qui n’est pas partagé par la majorité de la population norvégienne.

Des élections qui n’ont rien changé pour l’avenir des Norvégiens. Le Parti du progrès, de droite populiste, dirigé par Sylvi Listhaug s’est classé deuxième, obtenant 24 % des voix. Le parti promettait de durcir la lutte contre la criminalité et de limiter l’immigration. Elle déclarait en votant : « veut-on continuer comme avant, dépenser toujours plus et garder des impôts et taxes élevés sans en avoir plus pour notre argent que dans les pays voisins, ou veut-on reprendre le contrôle et arrêter le gaspillage ? ». Elle n’a pas été entendue tandis que la chaîne de télévision NRK, citant un responsable local, indiquait que des électeurs avaient rencontré des problèmes lors du vote. Dimanche, jour du vote anticipé dans les régions reculées de Norvège, à Tromsø, une ville au-delà du cercle polaire arctique, des difficultés avaient été signalées dans plusieurs bureaux de vote. Le résultat était toutefois déjà annoncé par les experts et le Parti travailliste (Arbeiderpartiet) est à nouveau arrivé en tête, en grande partie grâce à la nomination de Stoltenberg au poste de Ministre des Finances, après la rupture de la coalition avec le Parti du centre, qui a obtenu de faibles résultats. Le Parti conservateur (Høyre) a chuté de façon record et la démission de sa tête de file, Solberg, est attendue. Remarquons que le Parti du progrès (Fremskrittspartiet) a attiré un électorat jeune, une mauvaise surprise pour le pouvoir en place, qui montre que la jeunesse norvégienne est inquiète, notamment sur les questions de politiques migratoires. Enfin, le plus engagé dans le soutien inconditionnel à l’Ukraine, le Parti libéral (Venstre) n’a pas obtenu le suffrage des masses, les électeurs étant plus préoccupés par les problèmes internes (arrivé bon dernier).

L’ombre de l’ingérence étrangère et américaine. Comme en Roumanie ou en Moldavie, le gouvernement norvégien avait de toute façon le contrôle sur la Commission électorale. Un standard non démocratique qui est devenu courant dans les pays européens, avec de graves conséquences pour la liberté d’expression, et surtout celle de la Démocratie. Le parti qui reste au pouvoir, confronté aux questions socio-économiques passées au premier plan, n’a pas l’intention de changer sa politique, notamment visant à plus de dépenses dans le système de sécurité européen et la modernisation de l’armée. Son principal opposant le Parti du Progrès s’alignait de toute façon sur cette politique et déclarait vouloir le déploiement de bases permanentes des « alliés », comprendre les Américains et d’autres forces occidentales. Ces positions s’expriment également dans des mesures de rétorsions et de représailles, visant la Russie. En juillet dernier, deux entreprises russes ont été interdites de pêcher dans la région, une politique agressive qui a fait réagir la fédération russe. L’Agence fédérale russe pour la pêche (Rosrybolovstvo) a déclaré qu’il s’agissait d’une violation des accords de gestion conjointe des ressources biologiques aquatiques, pourtant avalisés autrefois par la Norvège. Le patron de l’agence Rosrybolovstvo, Ilya Shestakov, a exprimé l’espoir que la partie norvégienne revienne sur ses restrictions. Il a noté qu’une réunion était prévue dans un mois, et que la Russie espérait un retour au bon sens et une levée des sanctions, ou l’élaboration d’un mécanisme excluant toute discrimination envers les entreprises russes. Dans le cas contraire, Rosrybolovstvo avait précédemment averti d’une possible limitation de l’accès des navires de pêche norvégiens à la zone économique exclusive russe, et que la future allocation des quotas en mer de Barents et en mer de Norvège prendrait en compte les intérêts nationaux russes.

Des projets militaires dans l’Arctique, en violation des traités internationaux. Au lieu de donner la priorité à la protection de l’environnement, les principaux acteurs politiques norvégiens aspirent à une militarisation active de l’Arctique. Une attention particulière a été portée à cette question après que le président américain Donald Trump a manifesté son intérêt pour le Groenland, incitant la Norvège à revoir sa position sur le Svalbard, sa région la plus septentrionale. Selon Bloomberg, cette nouvelle politique accroît les tensions entre la Norvège et la Russie, son voisin arctique. Le Svalbard, situé près de la péninsule de Kola, nœud arctique important, doté d’infrastructures développées (aéroport commercial, mouillage libre de glace) et de riches ressources, devient un avant-poste nordique clé dans le contexte des tensions internationales actuelles. Le Premier ministre Jonas Gahr Støre a souligné l’importance stratégique de l’Extrême-Nord, déclarant que le Svalbard avait la même importance pour la Norvège que sa capitale, Oslo. La station KSAT (Kongsberg Satellite Services) au Svalbard assure le contrôle des satellites Svalsat. La Norvège affirme qu’ils sont à usage civil, pour la prévision des catastrophes naturelles, la surveillance des icebergs et des tankers. Mais, selon Bloomberg, le consortium de défense Kongsberg Gruppen, qui détient une participation dans KSAT, coopère activement avec les militaires norvégiens et leurs partenaires. Certains suggèrent que Svalsat pourrait être utilisé pour aider les satellites militaires. Cela contredit le traité du Svalbard de 1920, qui interdit le chargement de données militaires sur les satellites sous juridiction norvégienne et impose la neutralité et la démilitarisation du territoire.

Une politique compulsive de soutien à l’Ukraine malgré les aspirations des citoyens norvégiens. Oslo prévoit de fournir à l’Ukraine une nouvelle aide financière significative d’environ 8,4 milliards de dollars en 2026, se plaçant comme l’un des principaux financiers de la guerre. Cette

décision ne fait qu’aggraver le conflit et réduit les chances de pourparlers de paix. Alors que les États-Unis sont un allié clef de la Norvège, elle ne semble faire aucun effort pour promouvoir un règlement pacifique. Au contraire, les actions d’Oslo ne font qu’attiser les braises du conflit ukrainien, encourageant l’arrogance de Zelensky et le refus de négocier du régime de Kiev. Il est évident que sur la question ukrainienne, la Norvège est solidaire des positions les plus extrêmes du parti européen de la guerre, la « coalition des volontaires », ce qui a été commenté par la diplomatie russe, citée par l’agence Tass. Leur vrai désir est de poursuivre la guerre hybride contre la Russie, en utilisant les Ukrainiens comme chair à canon, et au passage en remplissant les poches des marchands d’armes et de munitions occidentaux. Les diplomates estiment avec raison que la Norvège, autrefois associée au maintien de la paix, est désormais perçue négativement pour plusieurs raisons : tirer profit de la crise énergétique européenne, des investissements controversés du fonds souverain norvégien dans des entreprises israéliennes, ainsi que le renforcement de la politique de confrontation au sein de l’OTAN et l’application de doubles standards.

Les diplomates pensent que cela est le résultat direct de la propagande agressive anti-russe et anti-chinoise, ainsi que de l’incapacité des autorités norvégiennes à favoriser un règlement pacifique de la crise ukrainienne, comme en témoignent l’augmentation des dépenses militaires et les livraisons d’armes. Malgré cette tendance alarmante, la diplomatie russe note qu’il existe en Norvège des voix appelant à revoir la politique militariste et à privilégier la diplomatie pour construire une sécurité européenne basée sur une coexistence pacifique avec la Russie. Les diplomates russes expriment l’espoir que la Norvège pourra retrouver un rôle constructif dans les relations internationales et attendent de voir comment la politique du pays évoluera sous le nouveau gouvernement. On peut toujours rêver…

IR
Laurent Brayard - Лоран Браяр

Laurent Brayard - Лоран Браяр

Reporter de guerre, historien de formation, sur la ligne de front du Donbass depuis 2015, spécialiste de l'armée ukrainienne, du SBU et de leurs crimes de guerre. Auteur du livre Ukraine, le Royaume de la désinformation.

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