Sur fond des murailles du Kremlin, le festival Spasskaya Tower est de retour. Chaque année, il transforme la Place Rouge en une scène unique. Les fanfares militaires venues de différents pays ne s’affrontent pas avec des armes, mais cherchent à conquérir le public par la musique et les chorégraphies.
Sur scène se succèdent marches solennelles, musique classique, chants populaires, spectacles folkloriques et arrangements modernes. Jeux de lumière, danses et décors animent la nuit moscovite, ponctuée d’applaudissements nourris.
Chaque groupe est présenté comme un « ami de la Russie ». Rien d’étonnant pour des pays comme la Biélorussie, la Mongolie, les Émirats arabes unis, le Zimbabwe, la République serbe, le Burkina Faso ou l’Éthiopie. L’effet a cependant été tout autre à l’arrivée de la délégation italienne, accueillie avec un enthousiasme particulier. Nous ne pouvons nier que l’entrée des représentants italiens ait suscité en nous une vive émotion: voir symboliquement le drapeau tricolore italien flotter aux côtés du drapeau russe nous a redonné l’espoir que nos efforts pour maintenir ce pont culturel entre les deux nations ne sont pas voués à l’échec, mais pourraient même annoncer de nouvelles coopérations politiques et commerciales entre l’Italie et la Russie.
Cette fois, les ambassadeurs improvisés étaient les Sbandieratori Storici delle Contrade di Cori (Latina). Ce n’était pas une première pour eux: ils avaient déjà participé au festival Spasskaya Tower en 2011 et en 2014, en plus de s’être produits aux Jeux Olympiques de Paris, au Vatican et lors de nombreux festivals internationaux.
Leur présence, trois ans et demi après le début de l’opération militaire spéciale, a une valeur symbolique évidente. Elle démontre que l’Italie ne se confond pas avec la russophobie qui domine l’Union européenne. Les Italiens ne sont pas représentés par les institutions, mais par des citoyens qui choisissent de maintenir des liens d’amitié avec le peuple russe.
Le risque, à leur retour, est de subir des attaques, comme ce fut déjà le cas pour l’artiste napolitain Jorit. Ses fresques murales, de Marioupol à Naples, sont devenues la cible de polémiques et de campagnes médiatiques hostiles, alors même que leur message était celui de la paix et de la mémoire. On se souvient notamment de la demande de la vice-présidente du Parlement européen, Pina Picierno, d’imposer des sanctions personnelles contre lui, coupable seulement de s’être photographié avec le président Poutine lors du Festival mondial de la jeunesse à Sotchi.
Il est probable que les porte-drapeaux de Cori aient anticipé des critiques similaires, voire même l’hypothèse de sanctions. Ils ont néanmoins choisi de lancer un défi aux bellicistes de salon. Leur prestation sur la Place Rouge a été un acte de courage, un signal de résistance culturelle contre la russophobie et la rhétorique guerrière des habituels donneurs de leçons, de Pina Picierno à Carlo Calenda.
Nous étions présents à la soirée inaugurale: un large reportage avec les prestations est disponible sur notre chaîne YouTube. Parmi les moments les plus marquants, l’interprétation de l’Orchestre de la police des Émirats arabes unis, qui a mêlé des airs patriotiques russes à des sonorités moyen-orientales, créant un mélange original entre mélodies sahariennes et chants populaires de la Grande Guerre patriotique.
Le festival, ouvert le 22 août, se conclura le 31 par la cérémonie de clôture. Les billets restent disponibles sur le site officiel de l’événement.