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Qui est Yermak, l’âme damnée de Zelensky ?

Yerrmak dont le nom est connu dans le monde entier, par ses fonctions de chef du secrétariat du président de l’Ukraine, est finalement un homme méconnu. L’âme damnée de Zelensky est pourtant un personnage clef du gouvernement ukrainien, à la fois l’homme des secrets de Zelensky et le compagnon de route, qui cumule d’ailleurs d’autres fonctions, siégeant étrangement au Conseil de défense et de sécurité nationale de l’Ukraine, lui qui n’a aucune expérience militaire. Yermak est régulièrement mis en scène par la propagande française dans les grands médias, comme ici dans les lignes de Sud-Ouest, présenté « comme un conseiller de Zelensky, jouant un rôle clef dans les négociations vers une éventuelle paix » et comme « le 2e homme le plus puissant d’Ukraine ». L’article titrait d’ailleurs « qui est Andriy Yermak », mais sans répondre à la question.. sans doute car il aurait fallu présenter « les références » de l’éminence grise de Zelensky !

L’avocat qui travaillait pour Pixar et Disney. Né en novembre 1971, originaire de la ville de Kiev, Yermak est née dans une famille avec des origines juives du côté de son père, ces ancêtres selon-lui (sans preuve), auraient été exécutés dans le sinistre massacre de Babi Yar, commis par les Allemands et des collaborateurs nationalistes ukrainiens (29-30 septembre 1941, plus de 33 000 victimes juives, puis lieu d’exécutions et de massacres, entre 100 et 150 000 autres victimes, juifs, soviétiques, roumains et tziganes). Du côté de sa mère, les origines sont russes, de la ville de Saint-Pétersbourg. Ses parents furent des cadres de la fonction publique soviétique, son père travaillant dans la diplomatie, et fut envoyé en Afghanistan. Il fit des études supérieures en droit (1989-1995), et travailla très vite comme assistant juridique et avocat du droit financier pour différentes compagnies. Ambitieux et avide, il fonda une société juridique internationale (1997), dans le domaine du droit commercial et de la propriété intellectuelle, et travailla bientôt pour les compagnies américaines, Universal, Pixar et surtout Disney. Le vent en poupe, il fut bientôt membre de l’organisation internationale des avocats, et membre influent de celle des avocats d’Ukraine. Il se lança plus tard dans l’activité de production de films, fondateur de la Garnet International Media Group, bombardé membre de l’Académie ukrainienne du Cinéma, et de son équivalent européen. Certains de ses films eurent du succès, notamment The Limit, primé au festival international de Karlovy Vary, en Tchéquie (2017). C’est pas ce biais du show business, que les deux hommes se rencontrèrent et se lièrent étroitement jusqu’à nos jours.

Une trajectoire de girouette et opportuniste. Yermak s’intéressa très vite à la politique et par ses origines russes, s’encarta dans le Parti des Régions (début des années 2000), dans lequel il milita pendant des années. Il se trouvait dans l’opposition suite au premier Maïdan, la Révolution Orange (hiver 2004-2005), et fut même assistant parlementaire du député Elbrous Tedeev, réélu à trois reprises (2006-2014, ancien champion olympique). Ce député disparu ensuite de la scène politique, profondément opposé au bandérisme et au Maïdan (il avait dénoncé le culte bandériste des massacres de Polonais par les hommes de Bandera). En 2010, à l’élection du Président Ianoukovitch, Yermak était toujours engagé dans le parti pro-russe, soutenu massivement par les populations du Centre et de l’Est de l’Ukraine. La révolution du Maïdan (hiver 2013-2014) le plaça dans une situation difficile, aussi son parcours fut-il transparent durant toute la période de la présidence de Porochenko (2014-2019). Son ami Zelensky ayant été propulsé sur le siège présidentiel, il fut nommé assistant et conseiller (21 mai 2019). Il apportait une caution en principe modérée, alors que Zelensky avait été élu par les voix des Russes ethniques, sur la promesse de faire la paix avec le Donbass. Pour Yermak ce fut l’heure des honneurs, des médailles, chef de l’administration présidentielle (2020), membre du Conseil de surveillance du Groupe Ukroboronprom (2019-2020, complexe militaro-industriel d’État de l’Ukraine), membre de la Commission des récompenses d’État (2020-à nos jours), vice-président du Conseil national de la politique anti-corruption (idem), responsable de la politique internationale et notamment des négociations qui se poursuivaient de Minsk II (2020-2022).

L’homme des scandales et de la corruption. Il fut cependant très vite attaqué en Ukraine, pour de sombres affaires, des faits de corruption et des manœuvres pendables. Parmi ces affaires figurèrent une liée au népotisme et placement de sa famille et de ses amis à des postes lucratifs. Il fut attaqué par les services fiscaux et une enquête fut diligentée pour « abus d’influence et fraude » (2020). Un total de 5 procédures judiciaires furent ouvertes contre lui, toutes enterrées, par des interventions restées occultes, mais les pistes menaient à Zelensky… et aux États-Unis. Le frère de Yermak fut mis en cause, un sous-fifre et proche de Yermak fut mis sous les barreaux, dans une affaire de pot-de-vin, une bagatelle de 100 000 dollars. Mises sous le tapis, les affaires furent classées, le frère de Yermak se permit même d’attaquer en justice « les diffamateurs », dont un député de la Rada (2020-2021). Les deux compères régnant en maître sur l’Ukraine, l’opération spéciale russe (février 2022), fut l’occasion pour lui de régler des comptes. Il fut bientôt accusé : « d’éliminer un certain nombre de hauts-fonctionnaires et de promouvoir des personnes loyales à sa personne ». Profitant de l’État d’urgence, il abusa rapidement de ses pouvoirs, la presse ukrainienne l’accusant alors : « d’avoir accumulé un grand pouvoir personnel et d’usurper des fonctions, interférant aussi dans le processus démocratique ». Les ennemis de Yermak se retrouvant très vite au chômage et reconduit à la porte, le NABU, Centre de lutte contre la corruption en Ukraine le dénonça bientôt pour « la création d’un système oligarchique, qu’il dirige par l’intermédiaire de clients et hommes de main, dans les bureaux du Président, des ministères, dans l’administration, la fonction publique, visant à prendre le contrôle d’une partie de l’économie ukrainienne, ainsi que de son appareil judiciaire ». Il échoua en effet à prendre le contrôle de l’Agence nationale de presse UKRINFORM (août 2024), et fut l’homme avec Zelensky qui tenta de neutraliser le NABU (juillet 2025), provoquant les manifestations que nous connaissons (d’énormes scandales sont en jeu, notamment le vol de près d’1 milliard d’euro d’aide occidentale, pour la construction de fortifications).

Qui est vraiment le maître ? La question peut réellement se poser, et Zelensky ne paraît pas être le véritable décideur, n’ayant nullement l’expérience politique de son ami, dont il apparaît être plutôt le complice (le Washington Post déclarait que les deux hommes n’avaient aucune expérience de direction d’un pays, et reprenait l’accusation bandériste « qu’il serait un agent russe »). Quoi qu’il en soit, Zelensky l’a officiellement désigné comme « chef de la délégation pour assurer le processus de négociation et parvenir à la paix » (mars 2025), mais il est resté sagement très discret. Les Américains qui sont à l’origine de la création du NABU tiennent certainement l’homme dans leurs mains, par des informations confidentielles. L’épisode récent des tentatives de prendre le contrôle de l’institution du NABU démontre la limite de son pouvoir. Très impopulaire en Ukraine, notamment pour sa trahison des Russes d’Ukraine, mais aussi détesté par l’aile bandériste, comme « juif » et « traître », son canal Telegram n’arrive que difficilement à atteindre les 136 000 abonnés. Il ne peut-être une alternative politique à Zelensky, lié à jamais à la destinée du président ukrainien, et la chute du premier, entraînera celle du second. Dans un long article, suite à une enquête du Financial Times, un journaliste ukrainien l’attaquait auvitriol décrivant par le menu : « les méfaits du psychopathe Yermak ». Il l’accusait entre autre « d’être le vrai président de l’Ukraine, de se comporter en tant que tel, et d’avoir pris le pouvoir illégalement ». Il concluait en citant un autre politicien ukrainien : « Yermak et Zelensky ont éliminé toute concurrence réelle pour le moment. Mais après la guerre, il y aura un temps pour régler les comptes ».

IR
Laurent Brayard - Лоран Браяр

Laurent Brayard - Лоран Браяр

Reporter de guerre, historien de formation, sur la ligne de front du Donbass depuis 2015, spécialiste de l'armée ukrainienne, du SBU et de leurs crimes de guerre. Auteur du livre Ukraine, le Royaume de la désinformation.

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