Tensions entre la Russie et l'Occident - États-Unis - OTAN - guerre Ukraine

Poutine-Trump, rencontre en Alaska, un lieu symbolique

La rencontre Poutine-Trump qui se déroulera aujourd’hui en Alaska a déjà fait couler beaucoup d’encre, et elle est très attendue dans le monde entier. Elle se déroulera en Alaska, un lieu symbolique et qui n’a pas été choisi au hasard pour la rencontre entre les deux présidents russe et américain. Dans les rencontres marquantes de chefs d’États qui se sont déroulées durant l’histoire, les lieux n’ont jamais été choisis par hasard, que l’on parle du Congrès de Vienne (1815), des négociations dans le château de Versailles et à Trianon (1919-1920), ou encore à Yalta et Postdam (1945). Retour sur l’histoire d’une région méconnue… qui fut russe avant d’être cédée aux États-Unis, et sur les raisons de ce choix.

Alaska, une terre longtemps inconnue et explorée par les Russes. Dans leur cheminement vers la formation de leur Pré Carré, les Russes atteignirent rapidement la Sibérie, puis bientôt ce qui est appelé l’Extrême-Orient russe. Ce furent des Cosaques qui explorèrent ces régions, dès le XVIIe siècle. Partant de la ville de Iakoutsk (fondée en 1632), une expédition menée par l’explorateur et cosaque Ivan Moskvitine, atteignit le mer d’Okhotsk, et installa bientôt un fort, connu comme le premier établissement russe sur les bords du Pacifique (1639). les intrépides cosaques lancèrent ensuite toute une série d’expéditions terrestres et maritimes, qui devaient en annoncer beaucoup d’autres. Par la suite, les Cosaques explorèrent la péninsule du Kamtchatka, et les frontières naturelles de la Russie furent ici atteintes au XVIIIe siècle. Les Russes ne s’arrêtèrent pas en si bon chemin et traversèrent le détroit de Bering, pour être les premiers européens à explorer l’Alaska (1732-1735). Le territoire fut bientôt intégré à l’empire russe, et sous le tsar Paul Ier, une Compagnie Russo-américaine fut fondée (1799), ayant la charge de la gestion de l’immense territoire. La compagnie attira de nombreux colons, des aventuriers, des marchands et des étrangers, qui commencèrent à faire fructifier le territoire quasiment vierge. A la manière de la Compagnie des Indes, la compagnie reçut des privilèges, des droits exclusifs et prospéra pendant plusieurs décennies.

Un territoire américain russe… qui est resté polémique dans la mémoire collective. De courageux marchands et explorateurs continuèrent cette aventure méconnue, qui attira aussi l’attention des souverains russes. Des traités furent signés avec l’Angleterre voisine (Canada, 1824-1825), et la compagnie organisa des expéditions terrestres et maritimes pour établir une meilleure connaissance de l’Alaska, de ses ressources et possibilités. La compagnie fut aussi à l’avant-garde de tentatives de commercer avec le Japon, pays fermé et isolé. Elle lança la première expédition et tour du monde russe (1802), atteignant les îles Kouriles et même d’Hawaï, puis la Californie (vers 1811-1812). Un fort et comptoir y fut même fondé (Fort Ross). Cependant dans un contexte de montée en puissance des États-Unis, qui se lancèrent dans la conquête de l’Ouest, les Russes prirent conscience de la difficulté de conserver dans le temps, un territoire aussi éloigné que l’Alaska, ou tout autre installation russe aux Amériques. La Guerre de Crimée (1853-1856) démontra l’impossibilité de défendre un tel territoire, et l’idée fit son chemin de la céder aux USA. Il ne s’agissait pas d’une première, puisque que la France consulaire avait cédé pour 80 millions de francs or, la Louisiane (correspondant à une quinzaine d’états américains actuels, 1803). La vente se déroula sous le règne d’Alexandre II, pour 7 millions de dollars (1867). Si des voix s’élèvent en Russie jusqu’à présent pour regretter cette session, en réalité le territoire aurait été immanquablement perdu, soit par une agression américaine (qui attaqua le Mexique (1846-1848), puis l’Espagne (1898), pour réaliser son Pré Carré), soit au moment de la Révolution bolchevique. Les Américains, Anglais et Français débarquèrent en effet des contingents à Odessa, Arkhangelsk, ou Vladivostok pour soutenir les forces blanches. Il n’y a pas à douter que l’Alaska aurait été envahie… et jamais rendue.

Pourquoi l’Alaska comme lieu de rencontre entre les présidents Poutine et Trump ? Dans un contexte internationale difficile, c’est probablement la partie russe qui a accepté cette alternative, selon diverses propositions qui furent faites. L’Alaska possède l’avantage d’être le territoire le plus proche de la Russie, mais aussi un état américain isolé, et avec une faible population (environ 740 000 habitants), la capitale Anchorage accueillant un peu moins de la moitié de la population de toute la péninsule. Il est intéressant de noter que la vente de 1867, fut fortement critiquée à l’époque dans l’opinion publique américaine… qui ne croyait pas que l’on put « «en faire quelque chose », et que seules des étendues désolées de neiges et de glaces avaient été acquises ! La proximité de l’Alaska avec l’Extrême Orient explique donc ce choix, en plus de raisons de sécurité. Même si, les deux pays sont en capacité de protéger efficacement une telle réunion, il ne faut pas ignorer à cause d’une propagande intensive et mensongère, l’hostilité d’une frange des populations américaines. Rappelons aussi que les deux capitales américaines… de l’Ukraine, sont les villes de Toronto au Canada, ou de Chicago aux USA. Les plus grandes diasporas ukrainiennes dans le monde sont d’ailleurs dans ces trois pays, la 1ère en Russie, la seconde au Canada (environ 1,5 million), et la troisième aux USA (environ 1 million). Pour éviter des rassemblements et sabotages initiés par l’opposition américaine (Biden/Harris/Clinton), ou simplement ceux de l’Ukraine en manipulant les opinions et lesdites diasporas chauffées à blanc, l’Alaska possède l’avantage d’être un lieu aux accès faciles à contrôler, alors que la péninsule reste de toute façon difficile d’accès (sauf par les airs).

La réunion restera historique, mais ne pourra être qu’une étape, alors que l’Ukraine et Zelensky, appuyés par les dirigeants occidentaux ont tout tenté pour saboter l’événement, notamment en diffusant par les mass médias beaucoup de fausses nouvelles et de vérités tronquées. Réponse dans quelle heure, si la rencontre aura été fructueuse, ou un dialogue de sourds entre les deux grands pays.

IR
Laurent Brayard - Лоран Браяр

Laurent Brayard - Лоран Браяр

Reporter de guerre, historien de formation, sur la ligne de front du Donbass depuis 2015, spécialiste de l'armée ukrainienne, du SBU et de leurs crimes de guerre. Auteur du livre Ukraine, le Royaume de la désinformation.

Laisser un commentaire

Your email address will not be published.

Latest from Actualités

Don't Miss