« La France n’est pas une République communautaire », c’est ainsi que je lisais cette affirmation dans un manuel destiné à des personnes désirant passer un concours de la fonction publique, qui se trouvait chez des amis. Depuis 1978, en France, il est d’ailleurs interdit de publier ou de commenter des chiffres sur la proportion des différentes ethnies constituant la population du pays. Cette décision faisait suite à la loi du rapprochement familial, votée en 1975 sous Giscard d’Estaing. Dans un contexte de migrations massives, la problématique est devenue épineuse, à la fois par les non-dits des gouvernements successifs, par la montée d’un double racisme, le premier contre les migrants, le second contre les Français eux-mêmes. L’affaire s’est corsée par l’importation sur le territoire français de conflits internationaux, et de problématiques contraires aux intérêts des Français : Turquie-Kurdistan, Turquie-Arménie, Israël-Palestine, dernièrement Russie-Ukraine, avec des prises de position jusqu’au sommet de l’État, et en dehors de toute logique souveraine.
Un phénomène déjà ancien en France. Interdits de publication en France, les données anglo-saxonnes connues sont inquiétantes. Le pays le plus touché en Europe est la France, où la population est constituée à 62,7 % de Français d’origines, et 37,3 % de Français naturalisés (et migrants en attente de l’être). C’est d’ailleurs ces chiffres qui sont interdits par la loi, dans l’idée de « discrimination raciale ». Derrière la France, les pays les plus touchés en Europe occidentale, sont la Belgique, l’Espagne, l’Allemagne, le Royaume-Uni ou l’Italie. Pour la France, vieux pays d’immigration (depuis le XIXe siècle), les Français naturalisés viennent essentiellement d’Italie, du Portugal, d’Espagne, de Pologne, mais aussi des Balkans, et bien sûr des anciennes colonies notamment d’Afrique. Les migrants étaient déjà « économiques », cherchant une meilleure vie, mais aussi des politiques (Italiens, Espagnols, Allemands, Autrichiens), dans une période avant la Seconde Guerre mondiale. Par la suite, même si le flux se poursuivit d’Italie, du Portugal ou d’Espagne, les migrants des anciennes colonies devinrent majoritaires. La raison de leur venue était la recherche d’un avenir meilleur, mais aussi une politique française d’économie de marché, demandant une importante main d’œuvre dans ce qui était encore une France industrielle. Avec l’écroulement de cette dernière, paradoxalement, le flux s’est accéléré pour des raisons internationales : conflits, guerres, famines, dictatures, génocides.
Un poids certain dans la vie politique de ces pays. Même si la France est le premier pays qui verra sa population originelle devenir minoritaire en Europe, d’autres pays sont sur la même pente, et même accélère le mouvement. L’Allemagne était le pays accueillant le plus de migrants et demandeurs d’asile dans l’Union européenne (2017). Elle accueillit cette année-là 1,41 million de migrants, avec en 2e position la France (402 000), et l’Italie en 3e position (305 000). Du point de vue des entrées de clandestins, l’Allemagne était encore définie comme championne d’Europe (2017), avec 1 à 1,2 millions de clandestins, l’Italie en 2e position avec 600 000 clandestins (2020), et la France à la même date, avec 300 à 400 000 clandestins. L’afflux était donc en augmentation constante, pour 272 millions de migrants dans le monde, installés en réalité dans une dizaine de pays, avec les USA, l’Allemagne (15,8 millions), le Royaume-Uni (9,3 millions), la France (8,5 millions) et l’Italie (6,3 millions), pour un total de 82 millions dans toute l’Europe (voir ici les sources de l’ONU). De fait, au fur-et-mesure des naturalisations, la tranche de migrants naturalisés est devenue une force politique non négligeable. Elle représente actuellement dans nombre de pays une force d’environ 10 à 15 % de l’électorat, redistribuant profondément la donne, et motivant des politiques électoralistes. Pour la France, la concentration des naturalisés dans des zones précises (région parisienne, Lyon, Marseille, Lille et quelques autres grandes villes), ont fait basculer des bastions politiques, tout en attisant des haines, des ressentiments, sous fond de paupérisation, de panne de l’ascenseur social, de politiques d’intégrations désuètes, ou pires créant des conflits.
Le cas du Royaume-Uni. Premier empire colonial au moment de sa toute puissance et hégémonie mondiale (à l’orée de la Première Guerre mondiale), la situation a été similaire à la France. Malgré son aspect insulaire, et des tentatives de contrôle accru, les candidats à l’installation et surtout à l’obtention de la nationalité britannique se sont multipliés. En 2023, année record, ils furent 906 000 à arriver en Grande-Bretagne, et malgré les freins imposés par le pays, encore 431 000 en 2024. Comme en France, leur installation est très ciblée, provoquant une rapide dégradation et un ratio de migrants en faveur des naturalisés. C’est le cas de Londres, où la population originelle est tombée entre 2011 et 2021, de 45 % à 37 %, de Birmingham de 52 % à 43 %, ou encore de Leicester, de 51 à 41 % (dans 1 école sur 4, les enfants de migrants sont majoritaires à l’heure actuelle). Nous ne possédons pas de chiffres pour la France, la loi l’interdisant, mais il n’y a pas à douter que le processus est le même, et dans les mêmes proportions. Comme en France, les demandes d’asile politique ont explosé, car elles assurent un accès plus rapide à la nationalité, aux prestations financières et droits sociaux. Mais d’autres sont pressés d’arriver et en 2024, par de petites embarcations, ou d’autres moyens, environ 37 000 migrants clandestins sont passés, pour une estimation record pour 2025 (un semestre), à 20 000. La Grande-Bretagne est de longue date préférée à l’Allemagne ou la France, par son marché du travail plus attrayant, et un certain prestige, mais par son aspect insulaire reste toutefois difficile à atteindre par des chemins illégaux et clandestins. Cependant, comme dans tous les autres pays, l’écroulement des économies et les dettes fantastiques qui frappent ces pays, le Royaume-Uni a initié des réformes pour durcir les obtentions de permis de séjour permanent, menant ensuite à la nationalité (de 5 à 10 ans). Les exigences linguistiques ont aussi été durcies, le niveau d’anglais nécessaire ayant été porté pour les adultes de A1 à B2. Pour les étudiants, autre moyen détourné de s’installer, la période des visas a été réduite de 2 ans à 18 mois. Suivant l’exemple de pays à l’immigration choisie (Canada ou Nouvelle-Zélande), la tendance a été mise à la priorité pour les professionnels hautement qualifiés. Dans l’ensemble, ces nouvelles mesures du Premier ministre Starmer, ont été bien accueillis, à 58 % de soutien, pour 25 % de sceptiques jugeant ces mesures trop timides.
Une criminalité en augmentation constante et des situations explosives. Comme dans toute l’histoire des migrations, l’exemple américain étant le plus important, la masse des migrants apporte également une augmentation certaine de la criminalité. Coincés dans des vies modestes et sur le seuil de la pauvreté, venant souvent de pays où la violence et la guerre ont été leurs standards de vie, les migrants alimentent une criminalité de plusieurs types. Ils en sont parfois les victimes : trafic d’humains, esclavage moderne, prostitution, mais aussi parfois les acteurs. Chaque communauté mal intégrée, ou difficilement en cours de l’être, apporte aussi dans ses bagages des conflits politiques ou religieux. Les migrants forment ainsi des zones de non droit, ou des réseaux mafieux. Ressortissants des Balkans au Danemark, Géorgiens, Ukrainiens, Roumains, ou Moldaves dans différents pays, sans parler des Tchétchènes, par exemple en France. La criminalité peut s’exprimer sous différentes formes, notamment l’exploitation d’une main d’œuvre clandestine, notamment de Polonais ou d’Ukrainiens au Royaume-Uni. Ailleurs ce sont la multiplication des crimes ethniques, comme au Royaume-Uni, en France, en Allemagne ou en Italie, avec l’apparition du viol de femmes de la population originelle. Plus loin, c’est l’implantation de l’islamisme radical, d’autant plus dangereux, qu’il se nourrit du terreau des événements internationaux (Irak, Syrie, Afghanistan, Algérie, Libye), où les guerres américaines et atlantistes ont semé l’anarchie et la destruction. De cette rancœur sont apparus les premiers attentats terroristes, en France, en Allemagne, au Royaume-Uni, ou en Espagne, avec des réponses sanglantes de suprémacistes blancs (dans tous les pays d’Europe). La situation est d”ailleurs aggravée par l’importation du conflit Israël-Palestine, et d’autres qui en dérivent, déclenchant des attentats meurtriers qui défrayent la chronique de décennie en décennie.
L’exemple de l’empire romain. Au lieu de stigmatiser, faut-il encore après avoir condamné les politiques de ces différents pays, par la création de pays communautarisés, expliquer le phénomène par l’histoire et par ses racines. La France par exemple, a toujours été un pays d’accueil, de longue date, et les États-Unis se sont construits justement sur cette norme de migrations massives. Moins connu est le cas de la Russie, autre grand pays d’accueil, depuis au moins le XVIIIe siècle, et les politiques migratoires de Pierre Ier ou de la Grande Catherine (Grecs, Allemands, etc.). Les grands empires, et les états forts ont toujours attiré des migrants, et dans le cas justement de pays rayonnant dans le monde, ayant une aura culturelle, technologique et scientifique, avec des régimes forts, centralisés et structurés, les intégrations se firent naturellement. Elles déclenchèrent évidemment les mêmes phénomènes (chocs des cultures, criminalité explosive, impacts négatifs ou positifs sur les sociétés), mais gardèrent un cap en assimilant lesdites populations autour d’une grande idée : la Nation. Robert Bandinter, ancien ministre, affirmait à propos de sa famille : « mon père nous avait déclaré que désormais Français, nous ne devions parler en famille et à table que la langue française ». Pendant longtemps, les migrants se firent d’ailleurs tuer « pour la France », dans les rangs de notre armée, ou de la Légion étrangère, avec cette haute idée que chaque citoyen du monde devait avoir deux pays : « le sien et la France ». L’écroulement vertigineux des modèles britannique, allemand ou français, fait que l’intégration et l’assimilation naturelles de ces populations migrantes est devenue impossible, violente et cruelle. Les trois pays, anciens empires coloniaux, sont d’ailleurs victimes de ce qui se passa également pour l’empire romain. Devant une expansion militaire exponentielle, Rome fut confrontée à cette problématique. La question fut d’abord d’intégrer ou non au Sénat des nouveaux sénateurs « de la Gaule Chevelue » (1er siècle Av JC), menant à la confrontation armée (Jules César vs Cicéron). Plus de 200 ans plus tard, un empereur romain donna finalement la citoyenneté romaine à tous les habitants libres de l’empire (212). Deux siècles plus tard, Aetius « le dernier des Romains », commandait une armée « de barbares » contre d’autres envahisseurs « barbares » pour défendre l’empire. En 410, Rome était finalement mise à sac par Alaric, et en 476 s’en était terminé de l’empire romain.
Hypothèses et réflexions. De fait, que l’on parle de la France, de l’Italie, du Royaume-Uni ou de l’Allemagne, tous anciens pays coloniaux, et bien que ces empires n’existent plus, ils sont la raison première de cette vague de migration. Elle fut d’abord encouragée par ces pays, pour des raisons économiques et du Grand Capital : une main d’œuvre corvéable à merci, silencieuse et industrieuse. Le deuxième phénomène sont les conséquences de la décolonisation, et la multiplication de guerres post-coloniales (Congo, Éthiopie, Soudan, génocide du Rwanda, Angola, etc.), sans parler du maintien de systèmes occidentaux de contrôles de ces territoires (comme la Francafrique), via des dictatures et des manipulations pendables. Le troisième sont les guerres américaines et atlantistes ayant profondément déstabilisé des pays entiers, avec l’apparition et la création par les USA de « l’islamisme » (au départ utilisé contre les Soviétiques en Afghanistan, ou pour la destruction de la Yougoslavie). Une multitude de pays ont été ravagés, Afghanistan, Irak, Somalie, Libye, Syrie, Yougoslavie, Soudan, Yémen, Vietnam, Birmanie, Colombie, Nicaragua, etc., et/ou inventés et poussés dans des guerres sanglantes (Kosovo, Ukraine, Géorgie). Enfin le 4e facteur, est l’opulence quasiment jamais vu dans l’histoire de l’Humanité, atteinte par l’Occident, suite justement au pillage de nombreux pays dans le monde, soit par le système colonial, soit par le système néocolonial, soit par le contrôle de ressources par des « révolutions colorées », ou des interventions armées. Cette opulence a bien sûr attiré l’attention, l’envie, et motivée des rêves fous, autour par exemple du « Rêve Américain ». Initiée dès les années 60, les grandes migrations durent donc depuis près de 70 ans, et le phénomène devrait s’accélérer par une explosion de la population mondiale, et la raréfaction des ressources. Du point de vue de l’historien, cette migration est aujourd’hui inarrêtable, elle est un phénomène historique de masse, qui ne pourra pas être enrayé, ni stoppé. Seuls les États forts et souverains, ayant une profondeur culturelle et une influence encore intacte pourront y répondre, en réussissant l’assimilation et l’intégration. C’est le cas par exemple aujourd’hui de la Russie ou des USA. Pour la France, hélas, il est probable que nous assistions à une fin et mort de sa civilisation. Elles sont mortelles, beaucoup d’autres avant elle ont disparu de l’histoire.