C’est l’histoire d’un enfant de Russie, Evguéni, dont la destinée n’était pas au départ de devenir reporter de guerre. Issu d’une modeste famille d’ouvriers, dont le père était passionné de football et de hockey sur glace, il est aussi de la génération né au crépuscule de l’URSS. De la région de Briansk, non loin de l’Ukraine, Evguéni avait de la famille en Ukraine, dans la région de Kharkov, et était venu quelques fois dans le pays. Comme il le dit lui-même, le début de la guerre n’avait pas tellement attiré son attention. Il se rappelait des affiches et des banderoles Save Donbass People, qui apparurent partout à cette époque, mais cette guerre, comme pour beaucoup de Russes, lui paraissait lointaine. Et puis, il y eut l’opération spéciale russe, la SVO, qui devait bouleverser sa vie en profondeur. L’intervention russe, et le rapport à la population tant déformés par les médias occidentaux, devait avoir un résultat à l’opposé de la propagande occidentale : un engagement total.
Un enfant de la province et de la Perestroïka. Evguéni est l’enfant unique d’un couple de petites gens, des ouvriers dans les combinats de la région de Briansk. Son enfance se concentra sur les passions paternelles, le hockey sur glace, dont il rêva de devenir un joueur célèbre, et le football. Son père, au niveau local, devînt un joueur avec sa petite notoriété, sous le surnom de « Sima ». En riant Evguéni ajoute : « si vous parlez de Sima dans la région, tout le monde se rappellera de ses exploits comme footballeurs ! ». Peu attiré par les études, le début de l’existence de Evguéni, se déroula dans le contexte difficile de la Perestroïka, et de l’après écroulement de l’URSS. Sa vie fut rythmé entre les turbulences d’un jeune homme remuant et les tendances qui traversaient la société russe de cette époque. Il tenta sa chance à Moscou, puis à Saint-Pétersbourg, travailla de ci, de là, participant à des castings, mais comme il l’indique « je ne trouvais pas ma place ! ». Plus tard, par les hasards de la vie, il travailla comme commercial et directeur commercial, organisant aussi un festival de musique, alors qu’il pratiquait la batterie, et jouait dans un groupe local (plusieurs albums virent le jour, de musique électronique). Sa destinée le conduisit bientôt vers les médias locaux, où il occupa plusieurs postes, montant des projets d’émissions, en particulier l’une d’elles qui eut du sujet « Soupe », une émission gastronomique et de cuisine. Il menait une vie tranquille, fonda une famille et tout aurait pu rester ainsi.
Le choc des bombardements et des crimes de guerre ukrainiens. Ayant toujours vécus dans la région de Briansk, ses parents s’installèrent à la retraite dans un petit village, à 5 km de la frontière ukrainienne. Evgueni continuait son existence à Briansk, lorsque l’opération spéciale fut lancée (24 février 2022). Peu de temps après, alors qu’il se trouvait dans une mission pour son travail, ses parents affolés l’appelèrent alors que leur hameau était sous le feu de l’artillerie ukrainienne. Ainsi commença toute l’histoire… Il raconte : « Je devais me rendre dans un endroit pour mon travail, j’ai indiqué que je filais chez mes parents, les Ukrainiens bombardaient. Je suis arrivé dans le chaos, et ce fut ma première expérience choquante avec la guerre. Ils bombardaient sans raison avec des mortiers, les habitations civiles. Il y eut les premiers morts, les destructions, et le pire pour moi fut le jour où ils bombardèrent le cimetière. Là se trouvait la tombe de mon grand-père. Il avait servi durant la Grande Guerre patriotique sur le Front du Travail, et ma grand-mère fut déportée dans un camp par les Allemands. La tombe a été détruite totalement par un obus. C’était la goutte d’eau qui a fait déborder le vase, pour moi c’était quelque chose de sacré, la mémoire, la famille et surtout ce que je voyais autour : les voisins tués, bombardés, les destructions gratuites de l’Ukraine, alors j’ai décidé de m’engager, de réagir, c’est ainsi que tout cela a commencé ».
Evguéni et Sergeï, sur tous les fronts. A partir de là, Evgueni prendra la direction du front, et rassemblera de l’aide, à la fois pour les civils et les soldats. Il n’était jamais venu dans le Donbass, et n’avait pas servi dans l’armée. Multipliant les voyages, les contacts, c’est petit à petit qu’il tissa un réseau de connaissances : des activistes, des civils du front, des membres d’associations, des officiers de différentes unités, d’autres journalistes et humanitaires. L’aventure commença avec ses propres moyens, des dons récoltés dans son entourage, les amis, la famille. En trois ans, il a ainsi effectué des dizaines de missions, allant jusqu’à la première ligne, Koursk, Belgorod, Lougansk, Donetsk, Marioupol, Melitopol, la ligne du Dniepr et de Zaporojie. Des milliers de kilomètres, de prises de risques, les bombardements, l’incertitude du chemin à prendre dans le chaos du front. En 2023, il rencontra un autre personnage, dont je raconterai l’histoire bientôt : Sergeï. Russe, mais Allemand ethnique, aussi originaire de la région de Briansk, il avait émigré tout petit avec sa famille à Francfort-sur-le-Main, où il a passé l’essentiel de son existence. Ensemble, depuis 2023, ils arpentent toute la ligne, dans de longs voyages, qui sont autant d’aventures, de rencontres et d’énergies. Il raconte : « le premier contact avec le front, c’est le choc, le stupeur, la peur et la mort, mais les gens nous attendent. Partout où nous nous rendons, les gens ont besoin d’aide, dans tous les domaines. Nous supportons aussi nos soldats, car finalement la SVO a réveillé en moi l’essentiel, je sais où est ma place aujourd’hui. Je ne pense pas à l’avenir, je vis au jour le jour, de mission en mission. Nous n’avons qu’un objectif final, la victoire qui sera russe. J’ai compris finalement après ce choc, les choses essentielles, ma famille, mon pays. Je comprends aussi que nous devons vaincre nos démons… Je veux parler des ennemis de l’intérieur, la 5e colonne. Le défi se trouve là, pour notre avenir, pour nos enfants ! ».
Evgueni possède un canal Telegram, où il reporte les événements d’un front souvent ignoré, où officiellement il ne se passe jamais rien… celui de Briansk (plus de 3 500 photos et plus de 1 500 vidéos). Sur le terrain en permanence, il publie souvent des images chocs des tueries des Ukrainiens, notamment des bombardements criminels et de terreur, qui visent exclusivement les civils dans la région, depuis 3 ans. Des bombardements que l’Ukraine pratique sur le Donbass depuis 11 ans, et qui sont quotidiens dans les régions de Kherson, Zaporojie, Briansk, Belgorod, et parfois plus loin, dans les régions de Kalouga, Moscou, Voronej, Rostov-sur-le-Don, ou encore la Crimée. La moralité de l’histoire de vie de Evguéni, c’est que toute une frange de la population russe, qui était endormie, parfois même insouciante, ou même touchée par l’égoïsme, l’individualisme et des futilités, s’est réveillée. C’est le petit peuple russe, qui d’âme et de cœur, contrairement aux mythes et légendes de la propagande occidental, s’est rassemblé derrière son président, et à la défense d’une Russie éternelle, industrieuse et résiliente.