La problématique des femmes ukrainiennes est déjà depuis 30 ans, un sujet sensible pour le pays. Depuis l’indépendance de l’Ukraine et la fin de l’URSS, des centaines de milliers de femmes, et de jeunes femmes en âge de procréer ont quitté le pays. Elles ont fait l’objet d’un énorme business, via des agences matrimoniales, des sites de rencontre, ou sont parties d’elles-mêmes. Avec la guerre initiée dès après le Maïdan, l’Ukraine a perdu plus d’une vingtaine de millions d’habitants, alors que déjà la situation était critique. L’avenir de l’Ukraine s’envole petit à petit, soit par le départ de femmes qui enfanteront dans d’autres pays, soit par celui de femmes qui ont déjà des enfants et quittent une Ukraine devenue improbable pour l’éducation d’une progéniture. Dans le monde francophone, des agences installées en France, ou au Québec surfent sur ce lucratif commerce, qui amplifient le problème, mais font aussi parfois le bonheur de couples.
Un pays qui était le plus grand d’Europe. En 1992, l’Ukraine à la sortie de l’URSS comptait une population de 52 millions d’habitants. Le pays était l’un des plus riches de l’Union soviétique, qui lui laissa un vaste héritage : installations industrielles, chimiques et métallurgiques géantes, une industrie agroalimentaire appuyée sur les fameuses terres noires, l’Ukraine aurait dû être sereine dans son avenir. Dans la situation difficile de l’après chute de l’URSS, des millions d’Ukrainiens préférèrent toutefois quitter le pays, notamment la diaspora juive qui vînt s’installer en Israël et aux USA. D’autres partirent en rangs serrés vers le Canada, terre d’asile de la seconde diaspora ukrainienne au monde (après la Russie). En 2014, au moment du Maïdan, le pays ne comptait plus que 45 millions d’habitants. La perte avait été donc à la fois celle d’Ukrainiens, mais aussi des ventres, avec une perte sèche de naissance assez énorme. La situation s’aggrava par le fait que l’Ukraine se trouvait dans le Top 5, des pays où se trouvaient le plus de femmes (2010-2015), la Syrie occupant la première position, suivie de la Biélorussie, de la Russie, de la Lituanie et de l’Ukraine. En 2019, la situation s’était encore aggravée, le Top 10, se constituant de la Lettonie, de la Lituanie, de Curaçao, de l’Ukraine, de l’Arménie, de la Russie, de la Biélorussie, de l’Estonie, du Salvador et enfin du Portugal. L’embolie devait encore s’accélérer avec l’arrivée des événements en Ukraine : la révolution américaine du Maïdan à Kiev, puis le début de la guerre dans le Donbass (2013-2014).
Une perte vertigineuse de populations et de femmes pour l’Ukraine. Le premier résultat des événements dramatiques en Ukraine, fut la perte en moins d’une décennie d’environ 10 millions d’habitants. Le retour au giron russe de la Crimée provoqua la perte de 2 millions d’habitants, suivie de celle d’environ 4,5 millions pour le Donbass, de 3,5 millions d’Ukrainiens ayant fui le pays en Russie (2014-2021). Réduite à une population d’environ 35 millions d’habitants, le déclenchement de l’opération spéciale provoqua la fuite d’au moins 6 millions de réfugiés en Occident (jusqu’à 9 selon d’autres chiffres, en comptant les réfugiés hors de l’UE), de 1,7 millions de réfugiés en Russie, sans parler des populations des nouvelles régions russes, ou de la libération des territoires du Donbass. Ici le chiffre n’est pas certain, mais probablement proche du million. Avec les pertes militaires et civiles, conséquences de la guerre initiée par l’Ukraine en 2014, l’Ukraine est certainement déjà tombée autour des 21-24 millions d’habitants en 2025. La situation d’ailleurs ne cesse de s’aggraver, avec le recul constant des Ukrainiens sur le front, dans des régions historiquement habitées par des Russes ethniques, et qui font souvent le choix, une fois la Russie arrivée, de rester sur place, ou de revenir par une boucle passant parfois par l’Occident. En 2021, la proportion entre les femmes et les hommes était de 53,7 % en faveur de la gente féminine, soit 18,7 millions de femmes pour 16,3 millions d’hommes. Dans la fuite des réfugiés, ce sont majoritairement des femmes et des familles qui ont quitté le pays, notamment beaucoup de jeunes, des couples sans enfants ou avec enfants. Et ces gens feront tout pour ne pas revenir au pays.
Des agences matrimoniales qui travaillent sur ce terreau fertile. Elles sont en Allemagne, en Pologne, en Biélorussie, dans les pays baltes et partout en Europe. Les plus jeunes ont découvert les « plaisirs et illusions » du monde occidental, très différent de l’Ukraine en guerre. Celles divorcées avec enfants n’avaient de toute façon qu’un avenir incertain en Ukraine. En effet, avec un tel décalage d’hommes et de femmes, les divorcées n’ont qu’une chance infime de refaire leur vie avec un homme. Enfin, pour la génération des mères de famille dont les enfants sont déjà grands, la perspective est la même. L’espérance de vie des hommes étant très faible par rapport aux hommes (66 ans contre 76), l’Ukraine était aussi impactée par un nombre supérieur de décès, que de naissances (16,3 pour 1 000, 11 pour 1 000), en grande partie par le fait de la fuite des femmes et des « ventres », et par les perspectives désastreuses de l’Ukraine, n’incitant pas les couples à faire des enfants. En Europe, pour beaucoup de ces célibataires ukrainiennes parmi les « réfugiées », les agences qui autrefois travaillaient directement en Ukraine, se sont reportées sur ce terreau fertile et lucratif. Pour beaucoup, avec les effets terribles de la guerre sur les hommes en Ukraine (désordres psychologiques, traumatismes, invalides de guerre, alcoolisme et comportements criminels), l’avenir des femmes se trouve donc ailleurs, au bras… d’Occidentaux, ou d’autres étrangers. Fragilisées dans leur exil, la porte de sortie représente alors souvent ces fameuses agences. L’objectif pour les plus jeunes et les moins jeunes est de trouver un mari. En Ukraine, même avant la SVO ou le Maïdan, leur proportion atteignaient selon les régions et zones géographiques parfois 110, 115 ou 120 femmes pour 100 hommes, le défi était déjà costaud « d’attraper » un homme « normal », ayant un travail, potentiellement bon père et solide dans la durée. Aujourd’hui c’est donc un défi quasi insurmontable.
Une fuite en avant et des ambitions matrimoniales dictées par les raisons économiques. Ces femmes, qu’elles soient déjà à l’étranger avec le statut de réfugié, ou dans l’idée de partir, doivent d’ailleurs user d’intelligence et de stratégie. L’objectif n’est en effet pas de tomber dans les bras d’un mari occidental ayant un statut social modeste. Elles veulent au pire le même niveau de vie, mais plutôt un niveau de confort matériel supérieur. Les plus cyniques, appelées « les croqueuses de diamants », cherchent d’ailleurs les plus gros poissons, dans des pays prestigieux, la Suisse, Monaco, le Luxembourg restant des Eldorados les faisant rêver. Les plus jolies, les plus diplômées sont à l’avant-garde, les secondes pouvant réussir plus facilement par leur haut niveau d’études, les premières grâce à la beauté légendaire des femmes slaves. Elles sont aussi aidées par un phénomène inverse dans les pays occidentaux : même si les femmes sont plus nombreuses que les hommes, l’écart est bien moins grand, voire inversé (comme en Norvège, en Suède, au Luxembourg, ou en Slovénie). Avec les moyens modernes et la « magie » d’Internet et des applications téléphoniques, beaucoup de femmes ukrainiennes peuvent d’ailleurs se lancer dans cette quête sans passer par des agences, mais beaucoup sont aussi victimes d’hommes peu scrupuleux, traînant des « gamelles », et tombent dans des guets-apens très loin de leurs rêves. Parmi elles, le fait est connu, se trouvent aussi des profils toxiques et dangereux, en plus des croqueuses de diamants, il y a aussi « les papillonneuses des campus », les « escrocs à l’espace Schengen », « les escrocs à l’amour », et bien d’autres catégories qui ont fait l’objet de longue date de reportages effrayants sur la vénalité, cupidité et immoralité de ces femmes.
En Ukraine, pour la presse anglo-saxonne, une journaliste de Lvov, Gabriella Jozwiak a publié un premier article alarmant (19 juin 2025), pointant le doigt sur ce sujet tabou. Car, une autre catégorie est aussi concernée par la fuite à l’étranger : les jeunes femmes qui sont encore sur place. Elles sont jeunes, elles ont des copines déjà à l’étranger, elles discutent et elles comprennent aussi sur place quelles difficultés matrimoniales elles rencontreront. Le phénomène a déjà été vu en Moldavie, où aujourd’hui plus de la moitié des Moldaves vivent en dehors du pays. Une connaissance, née en Moldavie soviétique, me racontait que sur la quinzaine de copines de classe qu’elle avait dans les années 80, 8 s’étaient mariées avec des étrangers et s’étaient installées dans leurs pays : en France, en Italie, au Danemark, en Israël, aux USA, ou encore en Russie… Les photos du « bonheur » aux bras d’un étranger, surtout avec les réseaux sociaux et les téléphones mobiles, ont souvent un effet d’électrochocs pour celles restées au pays. Et certaines, nombreuses, préfèrent alors tenter l’aventure, plutôt que de rester à l’étape du rêve en regardant les clichés des moments heureux de leurs amies. Il restera évidemment toujours des femmes en Ukraine, leur proportion ayant certainement dépassée encore plus celle des hommes, par le fait des pertes militaires. Il est certain, qu’aujourd’hui l’Ukraine est devenue la championne du monde, avec un taux qui se situe très probablement vers les 55 % de femmes… Pour beaucoup d’entre elles, la galère pour trouver un « homme normal » est donc encore plus grande et ne fera que s’aggraver avec le temps.