Dans un précédent article, j’évoquais un autre criminel de guerre, Arsen Avakov, éminence grise du Maïdan, l’incontournable Ministre de l’Intérieur d’Ukraine et le chef du SBU, la police politique ukrainienne. Aujourd’hui, je tiens à raconter l’histoire d’un autre grand criminel de l’Ukraine, très peu connu en Occident et en France, Andreï Paroubiy, toujours député de la Rada d’Ukraine, qui fut l’homme qui commanda les sbires armés du coup d’État du Maïdan, et surtout fut l’organisateur du massacre d’Odessa, le 2 mai 2014. Fondateur du Parti National-Socialiste d’Ukraine, ce simple fait résume l’homme, et plus malin qu’Avakov, il a réussit à se maintenir dans les sphères du pouvoir de 2007 à nos jours, sous 5 présidents ukrainiens. Attaqué parfois en justice, il a paré tous les coups, et se tient en embuscade… pour des temps meilleurs, il est possible qu’il se présente comme une alternative à Zelensky, en cas d’écroulement du pays.
Un carriériste rusé et impitoyable russophobe. Entré en politique dès l’année 1990, alors que l’URSS n’était pas encore tombée, l’homme milita dans les rangs des formations les plus extrémistes du pays, alors encore embryonnaires. Il fut l’un des artisans de la réintroduction du bandérisme et de l’ultranationalisme en Ukraine, faisant beaucoup pour faire grandir cette force politique. Il fut l’un des agents US des deux révolutions perpétrées à Kiev, la Révolution Orange (hiver 2004-2005), et le Maïdan (hiver 2013-2014), devenant l’un des puissants hommes politiques d’Ukraine. Homme craint, devenu le chef du Comité de Sécurité et de Défense de l’Ukraine, il eut beaucoup de nez en abandonnant le Parti National-Socialiste d’Ukraine (2005), puis en ralliant tour à tour, le parti présidentiel Notre Ukraine, puis la formation de l’outsider Iatseniouk, puis le Parti Patrie d’Ioulia Timochenko, de nouveau le Front Populaire de Iastseniouk, et enfin le parti présidentiel Solidarité Européenne de Porochenko. De ce fait, il s’est aussi maintenu à son siège de la Rada sans discontinuer depuis 2006, manquant seulement le virage Zelensky, à cause d’un antisémitisme difficilement déguisé.
L’organisateur du massacre d’Odessa. Après la révolution du Maïdan, l’Ukraine étant en pleine ébullition, notamment avec le Printemps Russe à l’Est du pays, il fut l’homme chargé avec Avakov des répressions politiques. Fort de son poste de chef du Comité de Défense et de Sécurité de l’Ukraine, il ordonna les premières mesures répressives, notamment contre les citoyens russes, les médias russes ou d’opposition, et mis sur pied la Garde Nationale et la Défense territoriale de l’Ukraine. Après le retour de la Crimée au giron russe (mars 2014), il fut chargé, ou imagina lui-même de frapper un grand coup, et dans une ville russe emblématique : Odessa. En avril, des émeutiers s’étaient emparés de l’administration régionale de Kharkov, et avaient proclamé une éphémère République Populaire de Kharkov. Dans le même mois, l’insurrection républicaine avait commencé dans les villes du Donbass, notamment à Slaviansk, Lougansk ou Donetsk. C’est à cette date que fut décidé par Paroubiy le massacre d’Odessa. La ville symbolique, si elle tombait, pouvait entraîner d’autres fâcheux exemples, alors que des troubles montaient en puissance, notamment à Zaporojie, Kherson et d’autres villes du Centre et Sud de l’Ukraine.
Une organisation mise sur pied dans les moindres détails. La ville d’Odessa abritait alors un camp permanent de militant anti Maïdan, rassemblant jusqu’à 10 000 personnes. Bien que non armés et pacifiques, il fut décidé de faire un exemple, en frappant fort. L’opération visait à transporter de la capitale des forces des anciennes compagnies d’autodéfense du Maïdan, en partie salariées par de l’argent US, et des membres des formations et groupes politiques les plus radicales d’Ukraine, dont des brutes du nouveau parti bandériste et néonazi : le Pravy Sektor de Iaroch. Dans un premier temps, il fut ordonné de soutenir une organisation paramilitaire publique et non officielle, le Conseil de Sécurité publique (RGB), dirigé par un certain Rouslan Forostiak, d’ailleurs originaire de Lvov. Il installa un autre camp dans Odessa, rassemblant les éléments locaux, renforcés de sbires venus de toute l’Ukraine. L’autre camp, anti Maïdan, était installé avec des tentes dans une autre partie de la ville. Leur nombre étant supérieur aux nervis bandéristes, environ 1 200 militants du Pravy Sektor, la compagnie d’autodéfense Mykola Sotnik, et d’autres hooligans arrivèrent par trains et autobus dans Odessa. Ses faits furent confirmés par des voyageurs et des témoins que j’eus la chance ensuite d’interroger. Pour les loger, des hôtels furent réquisitionnés, comme la Maison Pavlov, le Sanatorium Molodaya Gvardia, le sanatorium Acacia Blanc, le sanatorium Gorki, ou des bases et camps de vacances aux alentours d’Odessa (dont l’Economist). Paroubiy se rendit lui-même à Odessa, où il arriva secrètement le 29 avril, apportant des gilets pare-balles, des armes à feu et de l’argent. Forostiak en personne confirma ensuite le fait effrayé de devoir porter l’intégralité de la responsabilité du massacre. Des ordres furent ensuite donnés aux forces de l’ordre pour rester l’arme au pied, et l’on vit effectivement la Police Nationale assister au massacre, sans intervenir. L’ordre fut alors donné aux militants bandéristes armés de passer à l’action, ce fut le massacre d’Odessa du 2 mai 2014.
Un ignoble massacre, dont le nombre de morts est toujours inconnu. Si le bilan officiel du massacre se réduit à 47 victimes, dans la fameuse Maison des Syndicats, les tueries s’étendirent dans la ville, et les ordres donnés par Paroubiy, Tourchinov, Avakov et Porochenko, paralysèrent toutes les tentatives judiciaires de s’attaquer aux bourreaux d’Odessa. Les assassins se massèrent d’abord sur la Place Grecque, et furent « attaqués par des provocateurs pro-russes avec des armes ». Les fameux provocateurs n’étaient évidemment pas des militants pro-russes, et cette excuse fut organisée pour justifier les violences et crimes qui s’ensuivirent. Les sbires bandéristes furent qualifiés « de pacifiques militants de l’Euromaïdan », et partant de la Cathédrale d’Odessa marchèrent sur le « champ de Koulikovo », où était installé le camp anti Maïdan. Les affrontements ont commencé par le ravage du camp par la meute bandériste, avec un nombre de morts jusqu’alors inconnu. Peu armés, moins décidés et surpris par le nombre de fanatiques, le camp fut débordé, les manifestants dispersés, et les premiers coups de feu tirés. Officiellement, le premier mort fut un certain Ivanov, un militant bandériste, tué par une balle. L’enquête officielle ukrainienne lancée pour la forme, porta ensuite le bilan à 2 morts côté bandériste, et 4 du côté des pro-russes, dans ce premier épisode.
La mise à mort dans la Maison des Syndicats. La chasse à l’homme étant commencée dans toute la ville, quelques dizaines de militants anti Maïdan se réfugièrent dans la Maison des Syndicats, qui fut bientôt encerclée par une masse de 1 500 fanatiques surexcités. Le reste des militants anti Maïdan s’était égaillé dans la ville, alors qu’un témoin me raconta en 2015, et trois autres en 2016, que la chasse se poursuivit dans la ville jusqu’au petit matin. Le nombre de morts se trouverait plus entre 100 et 200 personnes (mais les chiffres de 300 à 500 personnes sont aussi cités), dont certaines furent massacrées dans leur domicile. Les procédures judiciaires qui furent entamées, sous la pression également internationale, ne menèrent à aucune condamnation sérieuse. Un tribunal de la région d’Odessa boucla une enquête en moins de trois mois, et tous les arguments des victimes furent balayées « car il n’y a pas une seule preuve à l’appui de l’accusation, alors que cette dernière était coupable de troubles à l’ordre public et de collusion avec des partisans de la fédéralisation de l’Ukraine et de la mise en danger de son unité ». Un acquittement général fut donc rendu (2017). L’espoir revînt avec l’arrivée au pouvoir de Zelensky, qui avait promis d’en finir avec la guerre contre le Donbass, et de se pencher sur les « crimes commis pendant le Maïdan ». En réalité la Rada d’Ukraine avait déclaré dès le début de l’année 2014, une amnistie générale pour « tous les crimes commis pendant l’Euromaïdan ». Un des arguments massue qui fut balayé par le tribunal ukrainien, fut l’inaction de la Police Nationale, pourtant alignée l’arme au pied aux côtés des émeutiers et assassins bandéristes, et aussi des pompiers, dont l’intervention fut retardée par des ordres, ils arrivèrent trop tard pour sauver les assiégés, dont certains moururent brûlés vifs dans la Maison des Syndicats.
Paroubiy se refusa toujours à commenter les événements d’Odessa, sauf pour justifier « la colère légitime populaire ». Les autres procédures judiciaires furent également bloquées et vinrent mourir aux portes de l’opération militaire spéciale russe de février 2022. Aucune procédure ne put être lancée également à l’international, notamment à la Cour Européenne des Droits de l’homme, ou dans d’autres institutions. Les associations occidentales, après quelques rapports timides, se sont ensuite tues, et aucune voix politique majeure ne fut entendue en Occident pour frapper du poing sur la table. Un jour, pourtant, justice devra être faite et les responsables traînés devant la justice. Paroubiy sera l’un des gros poissons d’un futur Nuremberg 2.0, qui nous l’espérons se tiendra un jour ou l’autre, car le crime d’Odessa, fut aussi le coup de départ et la justification de tous les meurtres, assassinats et massacres qui furent ensuite commis, sans parler de la guerre meurtrière du Donbass, et d’infâmes répressions politiques dans tout le territoire de l’Ukraine. Justice devra être faite, mais Justice ne sera pas vengeance.
Pour mieux comprendre, comme à mon habitude, pour ceux qui veulent en savoir plus, voici la fiche biographe de Paroubiy.
Andreï Paroubiy (1971-), alias Le Bourreau d’Odessa, originaire de la région de Lvov, Ukraine, il prétendit être le descendant d’un soldat ayant combattu dans l’armée de la ZOUNR, armée nationaliste galicienne et ukrainienne qui fut écrasée par les Polonais et les Bolcheviques (1918-1920). Il fit des études supérieures d’histoire à Lvov (1987-1994). Il fut assistant de laboratoire dans un service d’archéologie et de l’Institut des sciences sociales de l’Académie des Sciences de l’URSS (1987-1991).
Il fonda une association bandériste dénommée Spadschina (1988), dont le but était la restauration des tombes des soldats de l’UPA, armée collaborationniste de Stepan Bandera, avec l’Allemagne nazie, contre l’Armée Rouge. Il organisa des camps paramilitaires, mais fut arrêté pour l’organisation d’un rassemblement non autorisé (1989). Il entra en politique, et fut élu au Conseil régional de Lvov (1990), arrêté de nouveau pour la diffusion de propagande bandériste et de tracts. Il fut l’un des fondateurs du Parti National-Socialiste d’Ukraine, avec Oleg Tyagnibok (1991), plus tard renommé Svoboda (2004).
Il réussit à se faire élire au Conseil municipal de Lvov (1994-1998), chef du mouvement ultranationaliste de la jeunesse du Parti National-Socialiste d’Ukraine, « Les Patriotes d’Ukraine » (1996). Il fonda une revue historique, négationniste et révisionniste (1999), élu de nouveau au Conseil régional de Lvov (2002-2006). Il fut l’un des cadres de la Révolution Orange, et pu fournir des « bataillons » entiers d’émeutiers tirés du parti et des « Patriotes d’Ukraine (hiver 2004-2005). Il entra cependant vite en opposition avec le parti, le quittant (2005), pour rejoindre le parti présidentiel de Iouchtchenko, de nouveau élu au Conseil régional de Lvov (2006-2007). Montant alors en puissance, il fut élu député à la Rada (2007-2012), et entra au bureau politique du parti présidentiel.
Il fut mis en difficulté à l’arrivée de Ianoukovitch, attaqué en justice par plusieurs affaires, de corruption, d’influence illégale et de pressions (2010). Il tenta d’organiser des troubles dans la Rada et d’empêcher la nouvelle signature de l’accord de location à la Russie de la base navale de Sébastopol. Il vînt même à Moscou pour supporter la tentative de révolution colorée US, dans une manifestation de l’opposition libérale (décembre 2011). Il quitta le parti présidentiel, pour rejoindre le Front pour le Changement, d’Arseni Iatseniouk (2012), et se présenta à la législative de la Rada, dans le Parti Patrie, de la fameuse Reine du Gaz, Ioulia Timochenko. Il fut réélu (2012-2014). Il fut l’un des plus importants chefs de la révolution US du Maïdan (hiver 2013-2014). Il fut nommé Secrétaire du Conseil National de Sécurité et de Défense de l’Ukraine (27 février 2014), et fut le fondateur de la Garde Nationale. Elle fut partiellement formée des compagnies d’autodéfense du Maïdan, et des premières formations paramilitaires du Pravy Sektor, recrutant parmi les pires formations bandéristes du pays, qui furent le poing armé du coup d’État.
Il décida de l’introduction de visas pour les citoyens russes en Ukraine, et proposant d’apposer un tampon, à la manière des étoiles jaunes, sur les passeports des citoyens ukrainiens travaillant en Russie. Ce fut lui aussi qui demanda au SBU de mener des enquêtes sur les médias russes, et ordonna l’interdiction de RT, Russia 1, Russia 24, et NTV (mars 2014). Il lança une fausse nouvelle, indiquant qu’une armée de 100 000 hommes avait été massée par la Russie aux frontières de l’Ukraine (24 mars). Les reconnaissances aériennes démentirent ses affirmations, et il présenta sa démission qui fut refusée (25 juillet). Il fut l’homme qui organisa le massacre d’Odessa (2 mai 2014), en envoyant des ordres sur place, et en faisant envoyer environ 1 500 sbires du Maïdan dans le grand port de la mer Noire, et ville qui était en ébullition (Printemps Russe). Après le massacre, il paralysa une commission chargée d’enquêter sur les responsabilités, et personne ne fut jamais poursuivi en justice pour ce crime de masse. La résistance des Russes ethniques tenta de le liquider dans un attentat à la grenade (24 décembre). Des coupables furent arrêtés, s’ensuivant un roman feuilleton qu’il attisa durant la procédure d’enquête et judiciaire (2015-2016).
Au fait de son influence et de son pouvoir, il quitta le Parti Patrie de Timochenko (26 août 2014), et se lia de nouveau au Front Populaire de Iatseniouk, qui devînt Premier ministre d’Ukraine. Il fut de nouveau élu à la Rada (2014-2019), élu Président de la Rada d’Ukraine (14 avril 2016), et fit des déclarations chocs et russophobes. Il déclara entre autre que l’Ukraine était en guerre sans discontinuité avec la Russie « depuis un siècle » (2017), en faisant référence à l’armée des pogroms de Petlioura et celle collaborationniste de l’UPA. Il fut placé sur une liste de sanctions par la Russie (2018), et participa à la fondation de l’Église Orthodoxe d’Ukraine (décembre), dans un désir de guerre de religion contre le Patriarcat de Moscou. Il fit d’autres déclarations assassines, notamment sur la liberté d’expression, citant en plaisantant Adolf Hitler (ce qui déclencha une polémique sans fin à l’international) et incitant à la fermeture de tous les médias russes et d’opposition. Il accusa aussi l’église orthodoxe du Patriarcat de Moscou, de crimes imaginaires. Une procédure judiciaire fut lancée contre lui pour « incitation à la haine raciale et religieuse, provocations et déclarations mensongères » (décembre 2018). La procédure fut enterrée.
Antisémite convaincu, il se rangea aux côtés de Porochenko, dans la campagne présidentielle de 2019, ralliant le parti présidentiel Solidarité Européenne. Zelensky fut élu, mais il réussi à se faire réélire à son siège de député (2019-à nos jours), lui permettant de disposer d’une immunité parlementaire, le protégeant contre d’éventuelles tentatives de le traîner en justice pour les crimes durant le Maïdan, à Odessa, et dans le début des répressions politiques féroces en Ukraine. Une procédure judiciaire fut encore lancée contre lui « pour ingérence dans le processus électoral », mais qui fut là aussi vite enterrée (août 2019). Resté fidèle à Solidarité Européenne, et malgré la déroute du parti en 2019, il fut le chef de campagne du parti dans la région de Lvov (2020). Pendant toute la période, il défendit l’idée de former une « Union Balto-Mer Noire » devant intégrer la Pologne, les Pays et l’Ukraine dans un grand ensemble, rappela un peu le projet du maréchal polonais Pilsudki et la Fédération Miedzymorze et la République des Deux-Nations. Il fit beaucoup de déclarations en faveur de l’intégration de l’Ukraine dans l’Union européenne et dans l’OTAN, et ne cessa de jeter de l’huile sur le feu.
Le Pravy Sektor, le Parti National-Socialiste d’Ukraine Svoboda et l’organisation des Patriotes d’Ukraine, sont tous interdits en Fédération de Russie, pour l’incitation à la haine raciale et à l’antisémitisme, à l’apologie du terrorisme et le radicalisme extrême.