Une journée à l’entraînement avec les nouvelles recrues d’Akhmat

La célèbre brigade Akhmat fait l’objet de beaucoup de fantasmes en Occident, car elle ne colle pas vraiment au narratif occidental sur les Tchétchènes et la Tchétchénie, l’une des républiques de la Fédération russe. L’unité s’est tout de suite distinguée dans divers combats, et est apparue sur le champ de bataille de Marioupol, dès 2022. Elle a joué également un rôle important dans la victoire russe durant la bataille de la poche de Koursk, qui s’est achevée par une victoire tactique russe majeure, il y a quelques semaines. J’ai eu la chance de passer une journée sur leur terrain d’entraînement, où sont préparées de nouvelles recrues, avant leur envoi dans les rangs de la brigade, en première ligne.

Akhmat, une unité russe financée entièrement par la république tchétchène. S’il existe plusieurs unités de transfuges et de combattants islamistes engagés du côté de l’Ukraine, et ce depuis 2014, la majorité des Tchétchènes ne sont pas tombés dans le piège de la propagande occidentale. Les deux guerres de Tchétchénie sont désormais loin, et la région est devenue paisible depuis ces tristes événements. Ceux qui n’ont pas été tués dans les rangs des rebelles, se sont égaillés dans le monde entier, notamment en Géorgie, en Turquie, et surtout en Europe. Ces hommes, dont beaucoup ont combattu pour le « califat du Caucase », sont vite apparus dans les rangs des mercenaires de l’OTAN en Afghanistan, en Irak ou en Syrie. Quelques centaines sont venus en Ukraine, formant diverses unités squelettiques, qui ont parfois été mises en scène par la presse occidentale. Ils sont déjà entrés dans l’histoire dans le camp de la trahison, du déshonneur et le resteront à jamais. Pour Akhmat le parcours est tout autre. Formée de Tchétchènes et de Russes de tout le pays, entièrement financée par la république, elle est bientôt devenue une grande unité, qui fait la fierté de la Russie. Elle recrute désormais dans toute la Russie, et durant mon séjour avec ces hommes, j’ai pu constater qu’ils venaient de toutes les régions russes : de Moscou, de Yakoutie, de l’Oural, de la Carélie, du Caucase, de Russie et bien sûr de Tchétchénie. Ils sont parfois jeunes, mais la moyenne d’âge se situe plutôt autour de la trentaine d’années, avec des vétérans qui en ont vu de dures, et qui ont participé à d’autres conflits, parfois seulement effectué un service militaire, et pour une part sont des bleus.

Un entraînement intensif afin de rejoindre la première ligne et la brigade. Les hommes sont dispatchés en petits groupes. Ils effectuent alors divers entraînements, qui sont les mouvements tactiques en terrains divers, une formation sanitaire comprenant l’évacuation des blessés, les premiers soins, la pose d’un garrot, des techniques de survie, mais aussi l’apprentissage de l’utilisation de diverses armes : armes automatiques, armes lourdes, armes antichars, grenades et explosifs. L’apparence de ces hommes peut surprendre, il y a là tout un échantillon de la « petite Russie », des hommes durs, parfois aux visages infantiles, ou tannés par l’expérience. La discipline semble grande, les hommes étaient concentrés sur leurs tâches, car chacun comprend bien qu’il pourrait s’agir de leurs vies et survies sur le front. Ils sont tous volontaires, et ne sont pas regroupés selon leurs appartenances régionales, l’unité se veut à l’image de la Russie. Il y a en effet de tout, des orthodoxes, des musulmans, des bouddhistes, et l’unité est un véritable creuset de toutes les cultures et traditions de l’immense Russie. Les arrivés de recrues sont constantes et régulières, un flux tendu qui ne se ralentit pas, alors que l’Occident fantasme sur les pertes russes sur le front ukrainien. Malgré le narratif mensonger des journalistes occidentaux et français, ils arrivent toujours dans les bureaux militaires, et la réputation de la brigade Akhmat attire beaucoup de ces hommes. S’il paraît évident que certains viennent pour la solde, toutefois un grand nombre sont des patriotes et comprennent que l’avenir de la Russie est en jeu. Dans un contexte de défaites tactiques ukrainiennes qui s’enchaînent, le flot de recrues est même en augmentation, et certains veulent aussi acquérir le statut de vétérance, tout en ayant servi leur pays.

Mëdniy, l’enfant de troupe de Lougansk. L’une des rencontres extraordinaires que j’ai faites sur le terrain d’entraînement, aura été celle de Mëdniy (de miel). Le jeune homme n’est pas une recrue, mais un membre ancien de la brigade. Alors qu’il répondait à une interview, j’eus la chance de discuter avec lui pendant près d’une heure, un entretien qui restera gravé dans ma mémoire. Le jeune combattant, aujourd’hui âgé de 26 ans, est un tireur d’élite. Il raconte : « Quand tout a commencé en 2014, j’ai compris malgré mon jeune âge, j’avais 14 ans, que le Maïdan allait nous apporter la guerre. Je ne comprenais pas tout, mais j’écoutais mon père et les plus anciens et effectivement la guerre arriva chez nous. Je suis de Lougansk, et ce que j’ai vu au départ était terrible. La maison de ma grand-mère fut détruite par l’artillerie ukrainienne. Avec mon père nous tentions d’apporter de l’aide et de la nourriture aux insurgés républicains de la région. Dans le contexte de guerre, alors que je n’avais pas fini l’école (en 8e sur 11 classes), j’ai commencé à vendre du miel dans la rue, pour aider ma famille. C’est l’origine de mon surnom de guerre, mais au départ on m’appelait aussi Donbass. En 2015, nous étions dans la misère, alors j’ai rejoint un bataillon de la RPL. Bien sûr je n’ai pas combattu, j’étais comme un enfant de troupe, nettoyant les armes, aidant à la caserne, effectuant les tâches les plus ingrates, il fallait bien manger. J’insiste sur cela, car sans cet engagement, je n’aurais pas pu survivre et ma famille aussi. Plus tard je suis devenu soldat et j’ai combattu dans l’armée républicaine de Lougansk, et depuis lors je n’ai pas cessé de combattre, cela fait maintenant près de 7 années. J’ai un frère qui combat aussi, nous avons enterré dernièrement ma mère morte d’une longue maladie, mais c’est la vie, l’espoir est là. Pour l’instant, je ne veux pas fonder une famille, dans le contexte actuel c’est impossible de mon avis, mais je rêve de me marier et d’avoir des enfants, j’ai une petite amie. Nous verrons à la paix, il y a aura tout à reconstruire, mais malgré les difficultés, j’ai toujours la foi dans la cause que moi et les miens nous avons défendu. Il faut d’abord vaincre. A propos de la France, je n’ai rien à dire de spécial aux Français, simplement au gouvernement et leur dire de ne plus donner d’armes à l’Ukraine, mais je tiens à dire que le peuple français ne m’a rien fait, je comprends la différence ! ».

IR
Laurent Brayard - Лоран Браяр

Laurent Brayard - Лоран Браяр

Reporter de guerre, historien de formation, sur la ligne de front du Donbass depuis 2015, spécialiste de l'armée ukrainienne, du SBU et de leurs crimes de guerre. Auteur du livre Ukraine, le Royaume de la désinformation.

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