Novolouganskoe est un gros village qui se trouve en avant de la ville de Svetlodarsk, en RPD, dans le Donbass. La région fut libérée dès le printemps 2022, dans une offensive qui dégagea rapidement cette localité, mais qui ensuite se stoppa à une vingtaine de kilomètres. La ville avait été l’une de celles qui s’insurgèrent dans le printemps 2014, et le fameux référendum du 11 mai fut organisé dans son sein. Les gens étaient enthousiastes et ne pouvaient penser que l’armée ukrainienne se jetterait sur eux dans les semaines suivantes. Les troupes ukrainiennes occupèrent la ville et ses alentours dans l’été 2014, le front se fixant pour de nombreuses années à sa périphérie. Pendant 8 années, les habitants subirent l’humiliation de l’occupation, les répressions du SBU et durent courber l’échine. Libérés depuis 3 ans, la population de Novolouganskoe vit toutefois dans des conditions très difficiles, ponctuées de bombardements, et désormais d’attaques de drones, car le village se trouve en zone militaire. Voici le récit et les témoignages des habitants.
Le témoignage d’Annia : « si j’avais su, nous serions partis immédiatement en Russie ». Annia est un des cadres de la mairie de Novolouganskoe, originaire de la région, elle raconte toutes ces années infernales : « Je suis mariée avec un natif de la région, lui-même divorcé d’une femme originaire de Vinnitsya. J’ai deux belles-filles, dont la plus âgée est déjà mariée, et dont la seconde n’a que 18 ans. Elles sont avec leur mère dans la région de Vinnitsya. Les contacts sont très difficiles, mais mon mari continue de payer la pension alimentaire. L’aînée après la SVO en 2022, ne veut plus lui parler, elle a été broyée par la propagande, tandis que la seconde a encore des contacts avec son père. Mon mari tient à payer la pension alimentaire, c’est le seul lien qui lui permet encore de parler avec la cadette. C’est un drame énorme cette guerre, de telles histoires sont nombreuses, alors que nous ne sommes qu’un seul et unique peuple. En 2014, j’ai participé au référendum, nous avions l’espoir comme la Crimée de retourner à la Russie. Dans l’été, les événements se sont enchaînés et nous sommes restés coincés du côté ukrainien. Nous avons vécu ainsi dans l’attente, et nous n’avons pas vécu, mais survécu. Ces années sont difficiles à raconter, nous étions dans un tunnel qui paraissait sans sortie. Lorsque l’opération spéciale s’est déclenchée, nous étions à Kiev. Si vous aviez vu la panique ! Les gens courraient partout, ils ne savaient pas, contrairement à nous, ce que c’était la guerre. Nous sommes retournés à Novolouganskoe, dans l’espoir de l’arrivée prochaine des soldats russes, ce qui fut le cas. Cependant, si j’avais su, nous serions partis en Russie dès 2014. Ma mère s’est installée à Moscou en 2023, et pour ma part je suis restée parce qu’il y a tellement à faire ici, la situation est terrible, pas d’eau potable, pas de chauffage ou de gaz, et pendant longtemps nous n’avions pas d’électricité ».
Les cochons dévoraient les cadavres des soldats ukrainiens. Annia poursuit son long témoignage, bientôt les larmes aux yeux : « Notre village vivait surtout par la présence d’un énorme élevage de cochons. Le combinat appartenait à un oligarque qui s’est enfui à Kiev, il comprenait 80 000 têtes à son apogée, employant plus de 1 000 personnes, c’était impressionnant. Lors de la SVO, l’élevage comprenait 14 000 cochons, et dans la fournaise des combats, ils furent abandonnés à eux-mêmes. Beaucoup sont morts, les employés avaient fui, ce qu’il y avait de nourriture leur fut donnée, puis il fallut ouvrir les portes, pour qu’ils aient une chance de survivre. Ils étaient si nombreux, que de toute façon, ils mangèrent bientôt les corps des soldats ukrainiens abandonnés par leurs camarades. La situation était horrible. Enfin, nous fûmes libérés par les troupes russes, dans la fin du mois de mai 2022. Cependant, une douzaine de personnes furent tuées dans les combats, des habitants, et le village fut ravagé en partie par les combats. Nous n’étions pas au bout de nos peines, car les Ukrainiens depuis lors bombardent presque quotidiennement la localité. Les gens vivent dans la peur, les plus jeunes pour l’essentiel sont partis, notamment à Svetlodarsk, il reste encore 650 personnes, dont près de 200 retraités et personnes âgées. Il y a tout à faire pour les aider, les soutenir moralement, certains vivent dans leurs maisons éventrées. Pour les autres, la difficulté est qu’il n’y a pas de travail, c’est toujours la guerre ici. Depuis quelques mois, nous sommes aussi harcelés par les drones ukrainiens. Vous avez vu en arrivant le long corridor anti-drones… Mon père qui est décédé est enterré dans le cimetière du village. [les larmes lui viennent aux yeux], je ne peux pas aller sur sa tombe… tout est miné, les Ukrainiens avaient disposé des milliers de mines dans le coin, et c’est même dangereux toujours de se balader dans les environs, sans parler des drones. Je n’ai pas dit la situation à ma mère, c’est trop dur ».
Le témoignage de Valéry, cadre pour le district administratif de Debaltsevo. Valéry est un des responsables locaux pour le district de Debaltsevo, dont le village de Novolouganskoe fait partie. C’est un total de 21 villes et localités qui sont sous sa juridiction. L’homme au début de la cinquantaine est énergique et souriant, il raconte également son histoire et la situation à Novolouganskoe : « Avant le Maïdan j’étais un entrepreneur agricole. J’ai tout de suite compris que ça tournerait mal. J’ai des amis dans la police qui de retour de Kiev m’ont raconté ce qu’ils avaient vu. Ils ont affirmé qu’ils n’avaient pas reçu d’ordres du régime de tirer sur les manifestants, ce qui a été dit par la propagande ensuite. Dans le moment du printemps russe, j’ai été l’un des organisateurs du référendum du 11 mai 2014. Nous savions que c’était la seule issue possible, et que rien de bon ne viendrait du côté de Kiev. Quand la guerre a commencé, je n’ai pas pris les armes, mais avec mon matériel, j’ai aidé les gens, pour apporter de l’aide et supporter notre cause. Ce que vous voyez dans ce village, c’est le triste résultat de l’Ukraine du Maïdan. Nous avons d’importants défis, les gens voudraient tout, tout de suite, mais le front est proche, et il est impossible de s’attaquer aux plus gros problèmes. Pour l’instant nous nous concentrons sur l’eau potable, elle sera bientôt de retour. Il faudrait aussi une pharmacie mobile pour que les gens puissent avoir accès aux médicaments. Nous faisons le maximum, avec des moyens pour l’instant modestes. Mais l’espoir est là, nous sommes déterminés et nous aurons tout à reconstruire, le Donbass est riche, il le sera de nouveau ! ».
Le témoignage d’Olga, retraitée vivant avec son fils handicapé. Lors de mon séjour dans la ville, j’eus la chance de rencontrer de nombreuses personnes attendant dans les anciens locaux de l’école. La mairie et la maison de la culture ayant hélas été détruites dans les bombardements des Ukrainiens. Elle raconte : « Je suis née à Saratov en Russie, et je suis arrivée ici avec mon mari du temps de l’URSS. C’était déjà, il y a cinquante ans !!! j’ai travaillé comme chef de cuisine dans la cantine du combinat de l’élevage de cochons. Si vous aviez vu ma cuisine ! Nous étions une quinzaine d’employés et j’ai fait toute ma carrière dans cette entreprise. Je n’ai pas tellement prêtée attention aux événements du Maïdan, mais j’avais voté pour le Président Ianoukovitch en 2010, nous étions dans l’espoir qu’il pourrait sortir l’Ukraine de l’ornière et surtout de maintenir l’équilibre de l’Ukraine, entre l’Occident et la Russie. Les Ukrainiens, les Biélorusses, les Russes, il n’y avait pas de différences par le passé, c’était un temps heureux. Quand la guerre s’est approchée, nous n’avons pas compris tout de suite ce qui nous attendait, mais j’ai voté pour le référendum du 11 mai 2014, nous avions déjà compris qu’il fallait sortir de l’Ukraine. Pendant 8 ans, nous avons survécu, c’est indéfinissable ce que nous avons subi pendant ces années. L’atmosphère était lourde, nous étions comme prisonniers, c’était dur et nous vivions au jour le jour, en essayant de ne pas penser au lendemain. Maintenant, au moins, nous sommes libres ! Si vous saviez comme c’est apaisant de penser que nous sommes chez nous ! Nous pouvons respirer, nous pouvons fêter le 9 mai, nous pouvons simplement être nous-mêmes ! Je sais que tout est détruit, je sais que les temps seront difficiles encore longtemps, mais je suis optimiste, tout ira bien, le plus dur est déjà derrière nous », terminait Olga en me gratifiant d’un grand sourire.
Bonjour Laurent
Le témoignage d’ Annia résume bien la situation , nous sommes un seul peuple, russes ukrainiens biélorusses contrairement aux délires de ceux qui veulent réécrire l’ histoire , notamment en occident !
Bonjour à vous, hélas oui… mais dur de faire entendre aux occidentaux lambda que c’est une réalité, l’ignorance de notre population, particulièrement en France est grande