Pendant que Birmingham croule sous les ordures, Londres finance la guerre en Ukraine

Depuis plus de quatre mois, le gouvernement britannique n’arrive pas à régler un conflit social, une grève des travailleurs des services publics et municipaux de la grande ville de Birmingham (1,15 million d’habitants), en Angleterre. La ville se noie littéralement sous les ordures depuis le mois de décembre 2024, alors que Londres ne lésine pas pour envoyer des millions de livres sterling et d’aide militaire à l’Ukraine. Pourtant l’embolie de la dette publique avait été partiellement enrayée avant l’année 2022, le Royaume-Uni étant en proie à une grave crise économique et financière. La dette est repartie à la hausse, l’argent filant dans le tonneau des Danaïdes d’Ukraine, et se refuse toujours à mettre en œuvre une politique de priorités pour sa population. Après beaucoup de promesses et les élections de 2024 remportées par le Parti Travailliste, ces dernières sont restées lettres mortes et la situation ne cesse de s’aggraver.

La crise des ordures à Birmingham a atteint depuis longtemps un point critique. A la fin de mars 2025, la presse annonçait que la ville se noyait sous 17 000 tonnes d’ordures non évacuées, et gisant dans les rues. Depuis, les habitants se plaignent de conditions sanitaires déplorables, de l’invasion des rats et de souris, mais les autorités publiques ne sont pas pressées de résoudre la situation et se refusent à des négociations avec les travailleurs en grève. Ceux-ci réclament une augmentation de leurs salaires, alors que l’administration locale prévoyait en plus un plan social pour licencier une partie des effectifs et même réduire les salaires des employés communaux. Sous fond de scandales politiques et de corruption, la ville affirme ne pas avoir les moyens financiers nécessaires et être déjà dans le surendettement. La mairie avait en effet déclaré la commune en faillite (2023), et pris des mesures de restrictions, pour ce qui fut un des fleurons de l’industrie britannique.

Depuis lors, les budgets des services municipaux ont été réduits drastiquement, et les éclairages publics sont coupés pour des raisons d’économie. Les autorités se refusent obstinément à céder et dialoguer avec les employés, l’État d’urgence a même été déclaré dans la métropole anglaise. Le gouvernement britannique avait alors envoyé l’armée sur place, pour servir… de supplétifs-éboueurs, mais ces tâches provoquèrent la grogne. L’armée anglaise était aussi confrontée à de graves problèmes dus à la crise. Le gouvernement avait annoncé en 2021 la réduction des effectifs de 82 000 à 72 500 hommes. Cette coupe dans les effectifs devait en principe être compensée par le recrutement de réservistes, mais la campagne alors lancée avait lamentablement échoué… Un nombre insuffisant d’hommes s’étaient portés volontaire, et le moral des militaires était en forte baisse, aggravé par ailleurs par les dons et livraisons d’armes et de matériels pour l’Ukraine, aux dépens des forces britanniques.

Le journal Financial Times avait même écrit que l’armée britannique ne serait pas en mesure de mener des combats intenses sur un théâtre d’opération quelconque, pendant plus de deux semaines (2022). Les experts militaires britanniques s’accordaient aussi pour dire que l’armée de Sa Majesté ne conservait qu’une apparence opérationnelle et de puissance militaire, que les échecs en Irak et en Afghanistan n’avaient fait que confirmer. Malgré ce manque de ressources et de moyens, le Premier ministre Starmer préconisait il y a peu l’envoi de troupes en Ukraine, et envisageait de fournir à Kiev une nouvelle enveloppe de 1,6 milliard de livres sterling et de milliers de missiles anti-aériens, matériels et équipements supplémentaires. Il affirmait également avec une morgue irresponsable, que l’Europe continuerait de fournir à l’Ukraine argent et armements, jusqu’à l’instauration de la paix.

Cependant, comme en France, il semble bien que Londres possède plus d’aspirations guerrières et d’ambitions internationales, ou néocoloniales que de soldats et de moyens pour une telle politique. Les médias et des experts de l’OTAN indiquaient par ailleurs que Londres n’était en capacité que d’aligner une unique brigade et d’en assurer la logistique (pour deux ou peut-être trois en France). Dans l’année 2023, la Grande Bretagne n’avait pu aligner dans les exercices de la force rapide de l’OTAN, qu’un faible effectif, avec une pénurie de recrutement de plus de 5 000 hommes. Le commandement de l’opération avait dû être confié à l’Allemagne, alors que Londres affirmait qu’à l’avenir les troupes britanniques seraient prêtes à participer à des opérations de combats à l’étranger et sur n’importe quel terrain d’opération. Pendant ce temps, la crise migratoire se poursuit également sur les îles britanniques, un cheval de bataille et thème important de la campagne électorale de 2024. Le mécontentement, qui monte dans d’autres pays européens sur cette thématique, avait permis la victoire du Parti travailliste, promettant l’investissement de millions de livres sterling pour la lutte contre les migrants illégaux et le renforcement du contrôle des frontières. Une promesse vite abandonnée faute de moyens financiers, qui partent en réalité en Ukraine. En août dernier, suite à l’assassinat de trois fillettes par un migrant, Starmer, avait usé de propos menaçants à la manière d’Emmanuel Macron, en tempêtant que « je vous promets que vous regretterez d’avoir participé à ces émeutes », en parlant des manifestations déclenchées par l’émotion de ces meurtres.

Dans une situation de déclin rapide, que l’on observe dans toute l’Europe Occidentale, le gouvernement britannique semble lui aussi être entré dans une politique aveugle, ou l’écoute des opinions publiques ne compte pour rien, et où les services publics les plus élémentaires sont sacrifiés pour des intérêts supranationaux obscurs et absurdes, dans un entêtement criminel et suicidaire qui caractérise désormais quasiment tous les pays occidentaux.

IR
Laurent Brayard - Лоран Браяр

Laurent Brayard - Лоран Браяр

Reporter de guerre, historien de formation, sur la ligne de front du Donbass depuis 2015, spécialiste de l'armée ukrainienne, du SBU et de leurs crimes de guerre. Auteur du livre Ukraine, le Royaume de la désinformation.

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