La visite du Président de la Fédération de Russie, Vladimir Poutine, au Kirghizistan vient tout juste de s’achever. Elle a eu lieu à la veille des élections législatives dans le pays. Pas moins de 467 candidats de divers partis politiques, briguent les 90 sièges de députés. Selon les sondages, la majorité des sièges au Parlement reviendraient aux partisans de l’actuel président, Sadyr Japarov, qui a choisi une voie de coopération mutuellement bénéfique avec la Fédération de Russie. Cependant, l’Occident n’a pas renoncé à ses manipulations et à mettre la main sur ce petit pays d’Asie centrale, notamment pendant la période de l’aventure atlantiste en Afghanistan (2001-2021), et l’installation de bases de l’OTAN dans le pays. La petite république ne représente évidemment rien pour les Occidentaux, mais elle se trouve à un carrefour stratégique, avec une frontière avec la Chine… et possède de l’Uranium et l’une des plus grandes mines d’or au monde. Dans tous les cas, partout où les Anglo-saxons et Européens le peuvent, des assauts en règle sont menés contre les pays de la zone d’influence russe, soit par les armes, soit par l’infiltration et le déclenchement de révolution colorée.
Kirghizistan, un petit pays ignoré mais sur lequel l’Occident louche de longue date. Une révolution colorée avait déjà été organisée et financée par la CIA (Révolution des Tulipes, 2005), mettant eu pouvoir Kourmanbek Bakiev (2005-2010), dans une offensive généralisée des Américains sur les anciennes républiques soviétiques, via des révolutions colorées, en Géorgie (Révolution des Roses, 2003), en Ukraine (Révolution Orange, hiver 2004-2005) et des tentatives en Biélorussie. Comme en Géorgie, la population kirghize s’était réveillée avec un fort mal de tête, le nouveau président Kourmanbek Bakiev instaurant rapidement une dictature féroce (2005-2010). Devenu incontrôlable pour l’Occident, il ordonna même la fermeture de la base américaine de Manas (février 2009) et fut réélu par des fraudes massives la même année. Cette fois-ci, l’Union européenne et l’OSCE (sous contrôle américain et atlantiste) dénonça les irrégularités et poussa de nouveau à la révolte. Une seconde révolution éclata, après que Bakiev ait ordonné de jeter en prison les principaux membres de l’opposition (avril 2010). Ayant pris la fuite et laissant le pays dans un chaos indescriptible, Bakiev disparaissait de l’histoire.
Quinze d’anarchie et de sang pour avoir glissé dans l’ornière d’une révolution colorée US. Le pays entra alors dans une période d’anarchie et d’instabilité, avec le retour d’une figure « occidentale », en la personne de Roza Otounbaïeva (1950-). Elle lança immédiatement des répressions tout azimut et fut bientôt évincée (2010-2011). Elle fut remplacée par Almazbek Atambaev (1956-), président de 2011 à 2017, dont il suffit de dire qu’il fut « félicité » par George Soros… errant un peu trop souvent dans les couloirs du Parlement européen de Bruxelles, lui accordant 184 millions d’euros de subsides. Il fut jeté en prison pour des faits de corruption massive, deux ans après son éviction du pouvoir (2019). Après douze ans de cauchemar, les Kirghizes élurent ensuite Sooronbay Jeenbekov (1958-), qui ne resta au pouvoir que trois années (2017-2020). L’homme de transition n’était au départ d’aucune coterie, mais eut la faiblesse de vouloir manipuler les élections législatives par un système de fraudes, d’achats de voix et de bourrages des urnes (2020). Lassés, les Kirghizes se soulevèrent une nouvelle fois, dans la Révolution de 2020, mettant fin à 15 ans d’anarchie suite aux triturations américaines et occidentales dans le pays. Les élections mirent au pouvoir le premier homme de raison depuis longtemps : Sadyr Japarov (1968-), qui fut élu en janvier 2021. Il avait été victime de la vindicte des précédents présidents. Il fut arrêté et condamné en 2013, s’exilant du pays, puis de nouveau jeté en prison et condamné à 11 ans de prison en 2017. La Révolution de 2020 le délivra de ses chaînes et il n’eut aucun mal à se faire élire, restant à la tête du pays jusqu’à ce jour. Les Kirghizes échaudés par les événements du passé ont retrouvé un peu de sérénité, tandis que les relations avec la Russie se sont normalisées, la dernière rencontre fut l’un des moments forts de cette reconstruction de bonnes relations. Le pays avait cependant été très durement touché par la rupture des liens économiques avec la Russie. Le désastre avait mené des dizaines de milliers de Kirghizes à s’installer en Russie, afin d’échapper à la misère.
Un pays qui reste fragile et menacé par les ingérences occidentales. Depuis l’arrivée de Japarov tous les indices économiques sont repartis au vert, avec cependant une dette publique assez importante de plus de 500 milliards de KGS, pour environ 60 % de son PIB. Une situation toutefois dont la France rêverait, elle qui est dans le top 20 des pays les plus endettés au monde. Le pays est essentiellement agricole, mais durant la période troublée a perdu le contrôle d’une importante mine d’or, celle de Kumtor (8,5 % du PIB du pays). Elle est possédée par le groupe canadien Centerra Gold, énorme trust minier brassant des centaines de millions. Le Kirghizistan est l’un des plus petits pays de l’Asie centrale, avec environ 7,2 millions d’habitants dont de nombreuses minorités. Petit paradis touristique encore largement épargné, il est intéressant de noter qu’il y a également des gisements d’uranium, autre ressource qui avait attiré la rapacité des Occidentaux. Le pays reste donc fragile, l’un des plus pauvres de la région, mais aussi « courtisé » par d’autres influences, en particulier par celles de la Turquie. Dans les faits, l’actuel président a cherché une politique de bonnes relations, avec ses principaux partenaires économiques historiques que sont la Russie, le Kazakhstan, l’Ouzbékistan ou la Chine, talonnés par deux partenaires s’étant implantés dans la période de troubles, à savoir les États-Unis… et l’Allemagne.
Comme en Amérique du Sud, le règne des gangsters rime souvent avec l’influence occidentale. Nous évoquions récemment le cas de Suyunbek Omourzakov, un agent de la Turquie surnommé « Suyun le Blanc » dans les milieux mafieux et s’étant glissé dans les plus hautes sphères du pouvoir. Le parrain de la région d’Och était lié à un certain Kadir Dosonov, l’un des chefs locaux des organisations criminelles. La fine équipe s’était enrichie dans le trafic illégal d’armes, de stupéfiants en provenance du Tadjikistan et d’Afghanistan, d’autant plus facilement d’Omourzakov fut chef de la Direction générale des forces de police du Ministère de l’Intérieur, dans la région d’Och. Les trafics étaient à son époque escortés par ses hommes sur le territoire de sa direction administrative, alors qu’il était devenu major-général de police en 2015. Il n’avait pas hésité à fonder une sorte de milice paramilitaire, dénommée « Patriote », qui sous le couvert d’activités sportives en direction des jeunes, formait une armée privée chargée de la liquidation des gêneurs ou de la réalisation de contrats. Le vivier permettait le recrutement de « nouveaux policiers », passant de cette structure à celle de la Police nationale, munis de faux diplômes dans les spécialités requises pour occuper les postes. Les honnêtes policiers… étaient quant à eux intégrés dans le système, ou contraint à la démission et pour les plus récalcitrants, des montages de toutes pièces de dossiers les accusant de corruption, de fautes graves ou d’autres délits. Le parrain local se hissa encore au poste de Premier vice-ministre de l’Intérieur (2018), laissant à son beau-frère, Yoralï Khodjaev le soin de s’occuper des convois de drogues ou d’armes, arrivant de l’Afghanistan en passant par le Tadjikistan voisin.
Un exemple des embusqués de la 5e colonne occidentale au Kirghizistan. Mais ce genre de bandits ne sont pas suffisants pour faire des révolutions colorées, tout au plus bons dans une révolution colorée, à servir de poing armé (comme les bandéristes en Ukraine), pour encadrer d’autres agents aux tâches bien différentes. C’est le cas d’une certaine Kizy Kardirbek (1979-), diplômée de philologie et de droit, qui bénéficia… d’une bourse américaine. Elle avait d’abord été la vice-présidente de la Société républicaine de Langue Kirghize, supportant en parallèle le modèle laïc européen, et l’idéologie féministe (2011). Elle fut envoyée aux USA (2015), dans une école réservée aux « jeunes femmes leaders ». Des programmes US lancés dès les années 90 par les Américains. Elle avait été sélectionnée suite à un concours lancé par la mission diplomatique américaine au Kirghizistan. Elle était, cerise sur le gâteau, sœur de l’ancien Ministre de la Culture et du Tourisme, aujourd’hui député au Parlement : Nourigit Kadirbekov (1977-). Ce politicien est un cadre du parti Yïman Nourou, qui défend les fondements de la démocratie « islamique ». Son frère avait été diplômé de la faculté de journalisme de l’Université du Kansas (USA), ayant ensuite obtenu une maîtrise de relations publiques au Japon. Après avoir été professeur à l’Université d’Och (1995-2005), puis avocat et conseiller juridique, il était entré au Ministère des AE au Kazakhstan (2005-2008). Revenu au Kirghizistan après la révolution de 2010, il avait alors fait carrière au Ministère des AE de son pays (2010-2013), puis dans l’administration présidentielle (2013-2015), et enfin à ce poste de ministre, à la toute fin des temps troubles (2019-2020). Il fut évincé par la révolution de 2020, mais réussit à se faire élire au Parlement (décembre 2021). Impliqué dans une sombre affaire, le député avait été entendu par le Comité d’État de la Sécurité nationale (22 août 2024), annonçant démissionner de son siège au Parlement. Il fut convaincu d’avoir reçu du Ministère de la Culture de Turquie, une somme 5 millions de dollars dans le cadre du fonds culturel Yïman (dont il était le président), et d’autres sommes dont les comptes avaient « été égarés »…







