Mikhaïl Shoubine lors de son interview à Donetsk, le 16 novembre 2025

Mikhaïl Choubine : la résistance courageuse d’un homme, même face aux tortures et répressions de l’Ukraine

19 novembre 2025 15:22

Voici l’histoire de Mikhaïl Choubine qui fut un membre de la résistance républicaine, dans le groupe Mangouste, et qui comme beaucoup d’habitants de Marioupol et du Donbass refusa le diktat de Kiev. Cette résistance républicaine de la région et d’autres villes d’Ukraine a été cachée par les médias occidentaux, pour ne pas avoir à briser le mythe des « Ukrainiens du Donbass », ou encore à expliquer pourquoi des gens étaient arrêtés, torturés ou assassinés dans toute l’Ukraine. Côté ukrainien, les putschistes du Maïdan décidèrent de lancer une « opération ATO », opération antiterroriste, où les républicains n’étaient même plus des indépendantistes ou séparatistes, mais « des terroristes ». Devant la loi, ils n’étaient plus rien, n’avaient même pas droit à une justice équitable, et les journalistes se s’attardèrent pas… Ceux qui auraient voulu enquêter sur ces répressions de l’Ukraine auraient immédiatement fini dans une cave du SBU, la terrible politique de l’Ukraine. Voici l’histoire d’un homme de courage qui ne voulait pas vivre à genoux.

Toute la ville de Marioupol a voté pour la séparation d’avec l’Ukraine le 11 mai 2014. Mikhaïl Choubine est né dans la lointaine Sibérie, à l’époque soviétique et servit longuement dans la flotte de l’océan Pacifique, basée dans le port de Vladivostok. C’est par hasard qu’il rencontra sa future épouse, une native de Marioupol, le grand port du Donbass. Par la suite, il vînt s’installer avec elle dans cette ville. Ils avaient vécu une vie heureuse et paisible, eurent des enfants qu’ils élevèrent et tout aurait pu continuer ainsi jusqu’à la fin de leurs jours. Mikhaïl fut même naturalisé Ukrainien au début des années 2000. Bien qu’éloigné de la politique, il jugeait les événements de la première révolution colorée en Ukraine (Révolution Orange, hiver 2004-2005), comme dangereux et ceux du Maïdan (hiver 2013-2014), comme devant apporter bientôt la guerre. Il raconte :

« j’ai tout de suite compris que nous aurions la guerre, c’était évident pour moi et j’ai tenté de convaincre mon épouse de partir de Marioupol. Elle ne voulait pas quitter sa ville, sa terre, mes beaux-parents, sa famille furent inhumés ici, et elle se refusait à partir. Alors nous sommes restés, mais les événements se sont bousculés. Avec les premiers drames, notamment à Odessa (2 mai 2014), il était clair que nous allions à la confrontation. Personne n’en a parlé, mais il n’y a pas eu qu’Odessa… A Marioupol, les Ukrainiens ont tué beaucoup plus de monde et cela n’a pas commencé vers les 7-9 mai 2014, mais bien avant. Avec des amis, des contacts, nous nous sommes organisés en vue de résister. Nous nous sommes armés et nous avons répliqué à leurs coups. La ville était en pleine ébullition, la situation était explosive. Au départ il n’y avait pas le bataillon Azov*, mais d’autres forces, dont le bataillon Dniepr-2, des policiers, des agents du SBU. La ville est entrée en insurrection, nous les avons chassés, et il y a eut pour le référendum du 11 mai 2014, afin de décider de la séparation d’avec l’Ukraine, toute la ville dans les bureaux de vote. C’était noir de monde, moi et mon épouse nous avons mis par exemple plus d’une heure et demie pour pouvoir voter ! ».

Le réseau de résistance Mangouste et les trahisons. Mais des temps sombres devaient bientôt s’abattre sur la ville de Marioupol, de nouveau martyrisée par l’Ukraine. Dirigeant des moyens importants, face à une résistance pauvrement armée, les bataillons de représailles, dont Azov*, n’eurent pas de mal à reprendre le grand port du Donbass. Mikhaïl raconte :

« De mon avis la ville a été donnée, et ce que j’ai vu des forces locales de la Police nationale c’est qu’ils furent des lâches. Ils ont eu peur, ils étaient pourtant d’ici et tous favorable à notre cause… en principe. Ils se sont dégonflés, une partie des résistants républicains se sont réfugiés à Donetsk, le reste est resté sur place pour continuer la lutte. J’ai rejoint le groupe de résistance Mangouste, dont l’État-major se trouvait à Donetsk. Nous faisions du renseignement, nous organisions des actes de résistance, mais j’ai su plus tard que nous avons été trahis de l’intérieur. Alors les choses se sont accélérées. J’étais peut-être déjà surveillé, en tout cas je ne me suis rendu compte de rien, et un jour dans la rue, j’ai été arrêté par des hommes cagoulés. Ils m’ont sauté dessus, j’ai été immédiatement battu. Après moi, par cette trahison, beaucoup d’autres membres du réseau ont été arrêtés à leur tour. On m’a conduit dans plusieurs endroits, notamment dans la désormais célèbre « Bibliothèque » [endroit se trouvant dans l’aéroport de Marioupol et où les réprimés étaient conduits, interrogés, battus, torturés puis dispatchés selon les cas dans divers lieux] jusqu’à que j’atterrisse dans l’un des cachots du SBU. Je ne veux pas raconter les tortures et violences que j’ai subi, c’est quelque chose de difficile et que je veux laisser derrière moi. Je veux simplement dire que ce fut terrible. Il n’y avait pas vraiment de questions, juste une violence brute et ces bourreaux. Cela dura quelques jours, je me souviens d’un officier supérieur du SBU, Romanenko, grade de capitaine, à qui j’eus affaire à plusieurs reprises. Au bout d’un moment on tenta de m’obliger à signer un document, je m’y refusais, alors ils en rédigèrent un autre. Je tombais sous les lois d’exceptions de l’opération ATO et quelques articles du codé pénal. On me condamna à deux mois de préventives dans un premier temps, ce qui fut renouvelé dans un deuxième procès (juillet et septembre 2014). Les procès étaient expéditifs, une parodie de justice, avec un avocat commis d’office, pour dire qu’il y avait une défense… On m’avait emmené dans une prison, où je restais longuement. Ma famille n’avait rien su de l’affaire, ne savait pas où je me trouvais et mon fils, je l’appris plus tard avait aussi été arrêté, subissant lui aussi violences et tortures. Enfin, je fus échangé en décembre 2014, me retrouvant libre et côté républicain ».

Épilogue : Mikhaïl échangé s’installa en RPD, à Donetsk, alors que son fils fut également libéré par la suite. Son épouse abandonna tout et réussit à le rejoindre dans la capitale de la RPD. Ils avaient tout perdu et durent recommencer leur vie à zéro. Il s’engagea ainsi que son fils dans les troupes républicaines, devenues parties de l’armée russe en 2022. Depuis lors, il n’a jamais cessé ce combat, son fils étant grièvement blessé et amputé d’une jambe. Malgré cette grave blessure, son garçon poursuit la lutte et sert dans une ambulance d’évacuation des blessés du front. Avec son épouse, ils ont retrouvé leur logement de Marioupol dévasté par les combats. Toutefois Mikhaïl ne se plaint pas, demandant juste un coup de pouce de l’État et de l’administration pour l’aider à reconstruire son logis. Il indique avec modestie et courage qu’il suffit de lui fournir le nécessaire et qu’il fera le travail lui-même. Durant notre entretien, il avait insisté pour dire qu’à Kiev, l’inertie du Président Ianoukovitch, son apathie et son manque de résolution avaient été au cœur du drame. Sans cela, affirme-t-il, avec quelques bonnes décisions, le coup d’État du Maïdan n’aurait jamais réussi à s’emparer du pouvoir, et tout cela n’aurait jamais eu lieu… Quant à son épouse, née à Marioupol et d’une famille du Donbass, contrairement à l’infâme propagande occidentale, copiée de celle de l’Ukraine, elle est l’exemple typique des habitants du Donbass : ils sont Russes, ils ne voulaient pas du Maïdan… ni de l’Union européenne, entendant vivre comme ils le souhaitaient sans avoir à recevoir de leçon de personne… pas même de Porochenko, Zelensky… et encore moins de Macron.

*Azov est une organisation interdite en Fédération de Russie, pour l’extrémisme, l’apologie du terrorisme, être une organisation terroriste et pour l’incitation à la haine raciale.

IR
Laurent Brayard - Лоран Браяр

Laurent Brayard - Лоран Браяр

Reporter de guerre, historien de formation, sur la ligne de front du Donbass depuis 2015, spécialiste de l'armée ukrainienne, du SBU et de leurs crimes de guerre. Auteur du livre Ukraine, le Royaume de la désinformation.

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