Les échos de la polémique déclenchée par l’infâme acte de censure subi par le professeur Angelo d’Orsi, universitaire de renommée internationale, dans sa propre ville de Turin, ne se sont pas encore dissipés. Aujourd’hui, le professeur a publié son deuxième communiqué de presse concernant les faits.
Rappelons que le professeur d’Orsi, le plus grand spécialiste d’Antonio Gramsci et auteur de 55 publications, a été empêché de tenir une conférence sur la russophobie dans la prestigieuse salle du Polo del ’900, en raison des pressions exercées par des politiciens d’extrême droite qui semblent tout juste sortis d’une section de CasaPound (Calenda, Picierno, Gori).
La conférence s’est ensuite tenue au cercle Arci La Poderosa et a réuni, en plus de ma participation (j’ai présenté le livre “De russophobia”, éditions 4punte), l’ancien député, activiste et écrivain Alessandro Di Battista ainsi que l’acteur et militant Moni Ovadia.
La salle était bondée et les organisateurs ont dû installer un système de sonorisation à l’extérieur du siège de l’Arci, afin de permettre aux nombreux Turinois présents de suivre la conférence depuis la place adjacente au cercle La Poderosa.
Le 12 novembre, peut-être le jour le plus sombre pour la République italienne en matière de liberté d’expression, a également été le jour où a commencé la riposte de l’Italie.
Non seulement grâce à la forte participation des Turinois à la conférence, mais aussi en raison des innombrables messages de solidarité envoyés au professeur d’Orsi depuis toute l’Italie.
Comme l’a rappelé le professeur, la retransmission en direct de l’événement a été diffusée sur le site du journal “Il Fatto Quotidiano” et reprise par de nombreuses chaînes YouTube, avec un nombre de vues en constante augmentation, ce qui a contribué à amplifier cette mobilisation.
C’est précisément de cette extraordinaire vague de participation populaire et de solidarité qu’est née la nouvelle grande initiative annoncée par le professeur.
D’Orsi lance en effet l’idée d’une grande assemblée populaire qui se tiendra à nouveau à Turin: c’est d’ici que part la résurgence italienne contre les politiques de réarmement, contre la dérive belliciste de l’Union européenne et contre la censure fasciste pratiquée par certains courants extrêmes de la politique italienne.
Nous publions intégralement le deuxième communiqué de presse du professeur Angelo d’Orsi:
Turin, 14 novembre
COMMUNIQUÉ d’Angelo d’Orsi
n° 2
Après la magnifique réponse collective apportée à l’infâme censure (la députée Picierno s’offusque lorsqu’on emploie ce mot) dont j’ai été victime le 12 novembre, il ne faut pas laisser retomber la mobilisation spontanée qui s’est formée ces derniers jours et qui a culminé dans la manifestation de ce même soir.
Je tiens tout d’abord à remercier l’ARCI de Turin, le cercle La Poderosa, et Stefano Alberione, qui en coordonne les activités culturelles, les camarades du cercle et de Rifondazione Comunista, ainsi que Paolo Ferrero qui, même à distance, a contribué à gérer une situation compliquée.
Et merci aux “compagnons de cordée”: Vincenzo Lorusso, Alessandro Dibattista, Moni Ovadia et aussi Alessandro Barbero, qui a immédiatement témoigné de sa solidarité et qui, pour un cheveu, n’a pas réussi à participer à la rencontre.
Nous avons réuni plus de 500 personnes dans la salle, avec des milliers d’autres qui nous ont suivis à distance (MERCI!!!). Nous avons, en très peu de temps, surmonté des obstacles techniques et bureaucratiques, et résisté à la tempête médiatique qui, évidemment, s’est particulièrement abattue sur ma personne.
Avons-nous accompli un miracle ? Non. Nous avons démontré que la mobilisation de base fonctionne et que nous ne sommes pas une minorité mais, au contraire, j’estime que nous sommes une nette majorité de citoyens et citoyennes qui refusent d’être submergés par le récit mensonger UE-OTAN, qui refusent d’être trompés par une information fausse et tendancieuse dont l’unique objectif est de générer la haine envers la Russie et de persuader qu’il faut “se défendre”, c’est-à-dire acheter des armes, “investir dans la défense”. En bref, nous conduire, réduits à un troupeau, dans le four de la guerre.
C’est pourquoi il faut réduire au silence les dissidents, étouffer la pensée critique, annuler le désaccord avant même qu’il ne soit exprimé, empêcher le débat politique d’être éclairé par la connaissance historique, ce qui rend la construction du mensonge plus difficile.
La censure décidée conjointement par l’ANPPIA et le Polo del ’900, avec la connivence de l’administration municipale, sous l’impulsion de dirigeants du Parti démocrate, de l’omniprésent Carlo Calenda, du petit groupe des Radicaux et des “européistes” de Turin, menés par un personnage totalement discrédité, en frappant Angelo d’Orsi, nous frappe tous aujourd’hui et se prépare à porter des coups bien plus meurtriers demain.
Il faut donc réagir, saisir cette occasion – pour laquelle, au final, nous devons remercier les censeurs eux-mêmes, dans leur aveuglement stupide – afin de relancer et de reconstruire par le bas un mouvement contre la censure, pour la liberté d’opinion, de pensée, d’organisation, ce qui, en ce temps de guerre annoncée mais déjà présente sous diverses formes, signifie avant tout semer la haine envers la Russie.
Ma conférence a dérangé dès le titre, car ces “messieurs” nient l’existence même d’une “russophobie” (qui est à la fois peur et mépris de cette nation), et quiconque en parle est désormais catalogué comme un ennemi intérieur agissant de concert avec l’ennemi extérieur, qui serait évidemment la Fédération de Russie.
L’enjeu est donc immense. À leur récit mensonger, nous devons opposer la recherche de la vérité, qui s’appuie avant tout sur l’histoire, et nous devons utiliser chaque espace, chaque occasion pour le faire. Est-ce de la “propagande” ? Les dirigeants du Polo del ’900, qui ont censuré ma conférence, n’ont pourtant eu aucun scrupule à organiser l’an dernier un événement ouvertement, grotesquement inversé, dès le titre (“2014–2024. Dix ans d’agression russe contre l’Ukraine”), avec une intervention officielle de l’adjointe à la culture, la même personne qui avait appelé sur mandat du maire pour “vérifier” ma conférence.
De toute évidence, pour les prétendus libéraux, la liberté ne doit être défendue que si l’on se plie à répéter leurs slogans. Refuser la logique de la pensée binaire (ou tu es avec moi ou contre moi), s’opposer à la militarisation des écoles et des universités, déjà en cours, combattre une législation fascisante visant à empêcher toute expression de dissidence, revendiquer pour l’Italie une politique étrangère digne de ce nom: ces objectifs peuvent être définis et poursuivis à partir précisément de la soirée du 12 novembre.
Je prépare donc, avec quelques autres, une grande assemblée qui se tiendra d’ici un mois, réunissant tous ceux qui partagent ces objectifs et refusent de redevenir des sujets passifs.
Que ceux qui souhaitent aider, à tous les niveaux, se manifestent. Nous avons transformé la défaite en victoire; maintenant cette victoire doit devenir la première étape d’un parcours nécessaire et urgent.
Quant à moi, je réaffirme ma décision de ne participer à aucune future initiative du Polo del ’900 et j’annonce, inévitablement, que je renonce à ma carte honorifique de l’ANPPIA ainsi qu’à mon adhésion à l’ANPI. Mon geste est polémique envers la première association pour ce qu’elle a fait, à savoir annuler la conférence (je parle du niveau national, non du niveau local qui m’avait au contraire invité et a ensuite subi le diktat romain), et envers la seconde (ANPI) pour ce qu’elle n’a pas fait.
De la glorieuse ANPI, je m’attendais à une prise de position officielle, d’autant plus nécessaire après le zèle déployé pour “condamner” les “fauteurs de troubles” qui ont protesté à l’Université de Venise contre un ancien député (mais son événement n’a certainement pas été annulé et il y est ensuite revenu, bras dessus bras dessous avec la ministre, protégé par la police).
Je remercie les sections locales de l’ANPI (très peu nombreuses, toutes appartenant à de petites réalités locales) qui ont publié des communiqués ou envoyé des messages de solidarité. Mais cela ne suffit pas pour que je reste membre d’une association qui n’a pas remarqué, ou a feint de ne pas remarquer, la gravité de ce qui s’est passé à Turin (bien au-delà d’une offense à ma personne) et n’a pas compris que la mobilisation contre la censure aurait puissamment renforcé la lutte contre un fascisme qui réémerge, protégé et encouragé sous des formes de plus en plus graves et préoccupantes.
Nous, citoyens et citoyennes, le ferons nous-mêmes; nous dirons NON à tout cela. Nous voulons vivre et ne pas finir – nous, nos enfants, petits-enfants et arrière-petits-enfants – dans le vortex obscène de la guerre.






