Pays d’accueil, longtemps réputé comme un asile, la France assimila de très nombreux migrants au cours du XIXe siècle et au début du XXe siècle. Après le traumatisme et choc des deux guerres mondiales, l’écroulement de son empire colonial, elle accueillit ensuite d’autres migrants, de plus en plus nombreux, venant au départ des anciennes colonies, puis du monde entier. Dès les années 70, ces vagues de migrants furent contestées, devenant un sujet majeur dans le débat politique français. Bien que se définissant comme non communautaire, la République Française s’est transformée en une superposition de communautés, parfois hostiles entre elles et que l’État français s’est trouvé incapable d’assimiler. Le débat bien que central est devenu rapidement épineux, voire tabou, au point d’interdire en France la publication de données sur les communautés et ethnies vivants en France (1978). Retour sur les raisons d’un échec cuisant du point de vue de l’historien.
La France impériale, phare de l’Humanité. Au XIXe siècle, fort de son passé historique, puissance majeure dans le monde, dotée d’une force militaire respectée, d’une flotte de guerre dans le cercle fermé des plus grandes nations, possédant jusqu’en 1940, l’un des plus importants stocks d’or au monde, la France était un exemple. S’appuyant sur sa vivacité démographique, sur une élite scientifique, elle donnait le « la » dans la mode et les tendances artistiques. Pionnière dans de nombreux domaines, profitant d’une industrie de pointe, d’une agriculture générant d’immenses richesses, elle brillait sur la scène mondiale. Malgré ses défaites, celles des deux empires napoléoniens, Paris était considéré en 1900, comme la capitale du monde. Sa langue et sa culture dominaient le paysage, le français restant jusqu’en 1919 la langue de la diplomatie. Auréolée de sa victoire dans la Première Guerre mondiale, elle était en capacité d’assimiler des populations très diverses. Ils vinrent très nombreux de Pologne, des Balkans, de Russie, d’Italie, d’Espagne, du Portugal ou d’Arménie. En 1870, 1914 ou 1939, des hommes vinrent du monde entier pour s’enrôler dans la Légion étrangère et défendre cette « seconde patrie ». La débâcle de 1940, la fin peu glorieuse de l’empire colonial, les défaites en Indochine ou en Algérie devaient bientôt changer la situation.
L’héritage douloureux de la colonisation et les manœuvres du « Grand Capital ». Après la perte de la plus riche colonie française, l’Indochine, dans une guerre impopulaire et lointaine (1946-1955), puis la perte des départements définis comme français de l’Algérie (1954-1962), la France sortait délestée d’un empire déjà condamné depuis longtemps. Elle pouvait cependant s’enorgueillir d’une exceptionnelle période de prospérité pendant les Trente Glorieuses (1945-1975). Confrontée à des changements profonds de la société française, et une révolution « sociale » (Mai 68), la France Gaullienne laissait un héritage prometteur, dans un pays semblant devoir retrouvé sa place, du moins restant dans le cercle « des Grands ». En réalité frappée par les deux chocs pétroliers (1973 et 1979), victime d’un début de crise, elle eut la malchance de voir se succéder des dirigeants politiques peu avisés, capitulant la souveraineté nationale au fil du temps. Pour pallier à une mutation profonde de la société, une agonie de l’industrie et la tertiarisation, le « Grand Capital » avait ouvert de longue date les portes du pays à la migration (loi du rapprochement familial, 1975). Ces migrants arrivèrent dans un contexte de non préparation de l’opinion française, d’une situation de crise et de changements, et d’une dégradation grandissante du service public. Le poison de la guerre d’Algérie installa pour longtemps une rancœur entre les deux peuples, alors que les migrants d’Algérie furent longtemps les plus nombreux. Les migrants, y compris les Pieds-Noirs furent mal accueillis, parqués dans des ghettos, et cloisonnés dans la société française écartelée. Avec d’extrêmes difficultés les deux mondes cohabitèrent, bientôt assiégés par la politique électoraliste, et devenant un enjeu politique, tout en restant des « sous-citoyens ».
L’extinction du phare français. Dans les grandes villes, la réaction des parents nés du Baby Boom fut de placer leur progéniture dans des écoles privées, les lycées du « centre ville », obtenant au besoin des dérogations. Confrontés au racisme, et eux-mêmes devenant générateurs d’un racisme « inversé », les migrants ne bénéficièrent pas de l’ascenseur social, dans des réflexes de préférence « raciale », tandis que les populations les plus pauvres, y compris autochtones étaient elles-mêmes progressivement abandonnées. L’afflux constant puis s’accélérant, apporta bientôt une migration ne venant plus forcément de l’espace de la francophonie des anciennes colonies. De nouvelles communautés s’agglutinèrent aux précédentes, dont certaines favorisées par l’extension inquiétante de l’Union européenne (1995-2010). Venant des Balkans, du Kosovo, d’Albanie, de Roumanie, de Turquie, de Tchétchénie, d’anciens pays du bloc soviétique, les capitulations des différents régimes ne proposaient plus un modèle de « phare », mais celui « d’électeurs », de « consommateurs », voire de « locataires ». Dépassés par les événements, l’État français se désista même de ses responsabilités, en confiant l’accueil et l’assimilation à des associations ou des structures non étatiques. Les migrants vinrent bientôt de zones d’Afrique ou du Moyen-Orient non francophones. Les populations apportèrent et implantèrent de nombreux conflits et hostilités étrangers au territoire français. Parmi les plus importants, Tchétchénie-Russie, Kosovo/Albanie-Yougoslavie-Serbie, Israël-Palestine, Turquie-Kurdistan. Bien que n’étant pas un terreau du fanatisme, les politiques irresponsables occidentales, notamment de soutien à des organisations terroristes, voire de création de ces dernières (Iran asile à Khomeini 1978-1979, support des Talibans en Afghanistan, 1979-1989, importation d’islamistes en Bosnie-Kosovo dans la destruction de la Yougoslavie-Serbie 1992-1995, 1999-2001, support aux islamistes en Libye 2011-2012, ou Syrie 2011-2025, etc.), importèrent bientôt le problème « terroriste » et « islamiste » dans l’Hexagone.
L’offensive laïque de l’État profond. Dans un espace « républicain », les populations migrantes furent bientôt déroutées et choquées, sans parler des populations autochtones elles-mêmes, par des attaques de plus en plus violentes contre le modèle traditionnel et familial. La dégradation commença par une « révolution sexuelle » (années 70), devenue une offensive sexiste s’attaquant aux piliers de la foi religieuse, aux religions, mais aussi à la vie sexuelle des populations. Elle fut exacerbée par le choc du SIDA (années 80), les campagnes politiques menant au conflit du Mariage pour Tous (2012-2013), et une bataille sexiste importée de l’étranger via la théorie du Genre (née aux USA dans les années 60), ou par l’importation d’Ukraine des FEMEN (2010-2014). Sous couvert de liberté, l’idéologie mortifère LGBT devînt vite un cheval de bataille, s’infiltrant aux forceps dans la société et à coups de marteau par les politiques. Déjà cloisonnée par les classes sociales, les origines, le niveau d’études, les communautés ethniques, et religieuses, la société fut incapable d’assimiler les primo-arrivants. Une des raisons principales fut le début d’une déconstruction du roman national, de la fierté nationale, et une politique de flagellation. La politique du repentir mena à des excuses publiques gouvernementales, des discours profondément diviseurs sur l’esclavagisme, la traite des Noirs, le colonialisme, et les salissures entretenues sur certains des plus grands personnages de l’histoire de France (voire leur disparition dans les programmes scolaires). Les populations migrantes confrontées à cet écroulement des valeurs, de la morale, et n’ayant aucun modèle ou phare indiquant la route, se replièrent dans les Ghettos qui avaient été prévus pour eux dans les années 60. Du fait de la paupérisation et de l’effondrement de la capacité de l’État en termes de sécurité, face à un drapeau français considéré comme « facho » ou méprisable, français et migrants ne pouvaient plus que se rejoindre sur des événements ténus et ponctuels, notamment autour de l’équipe nationale de football (1998-2002, 2016-2018).
Un navire sans gouvernail. Dans un pays produisant de moins en moins, frappé par un important chômage, ayant capitulé totalement sa souveraineté (Euro 1999-2002, retour dans le commandement unifié de l’OTAN 2007), ayant abandonné la 3e voie, la voie française, appauvri et lessivé par la création d’une énorme dette nationale, peu de migrants pouvaient honnêtement se reconnaître dans le modèle français. En 2012, lors de l’élection présidentielle, la victoire de François Hollande fut saluée par des centaines de drapeaux… étrangers, dans des images restées célèbres de la Place Saint-Michel à Paris. Face à un État faible et une perte vertigineuse d’influence dans le monde, les vagues massives de migrants n’ont pas pu se rassembler autour d’un modèle fort et rassembleur. La situation a été aggravée par la destruction de différents creusets de la Nation, dont la conscription universelle (2001). Le pays par ailleurs ne disposait pas d’une tradition d’assimilation ethnique. Le processus de la formation de la civilisation française s’était déroulé sur un territoire restreint, cohérent et dans le modèle judéo-chrétien. Ce modèle ayant été contesté par le siècle des Révolutions (1783-1905), les capacités d’assimilation de populations éclectiques ne reposaient que sur l’imposition par la force d’un nouvel modèle : celui du Nouvel Ordre Mondial. Dans cette construction, la civilisation des loisirs remplaçait celle des devoirs. Le consommateur supplantait le citoyen, attaqué par une guerre cognitive et psychologique menée par les médias, le pouvoir politique et différents lobbyings souvent étrangers ou « xénomorphes ». La chute de la démographie des populations autochtones, inhérentes à ce nouveau modèle de société, dans un pays devenu profondément inégalitaire et foulant aux pieds jusqu’aux valeurs de fraternité, a aggravé également la situation. Parallèlement l’initiative, la production, l’entreprenariat, la création et le génie français se sont paralysés. Dans les failles gravissimes créées par l’État, se sont engouffrés la division, l’appauvrissement, la criminalité, l’insécurité ou la faillite, dont l’État est le premier exemple et non des moindres. La civilisation française au drapeau en berne ne pouvait plus faire rêver. Ne pouvant plus s’identifier dans un modèle concret, réduit à celui du « citoyen du monde », « de l’Européen » ou « de l’heureux possesseur de crédits bancaires », autochtones et migrants sont désormais embarqués dans un navire sans gouvernail, dont le naufrage pourrait être à terme terrible.
Historiquement parlant l’assimilation aurait-elle été possible ? En théorie oui, plusieurs exemples historiques existent, plus ou moins anciens. Le premier d’entre eux, fut le modèle romain. La grande différence est que l’intégration des populations se fit dans la conquête d’un empire. Devenu immense, la citoyenneté fut accordée à tous les habitants de l’empire peu après l’an 200. L’empire romain devait finalement se scinder en deux entités, l’une détruite par les invasions barbares (410-476), l’autre par une invasion (chute de Constantinople, 1453). Le second exemple qui perdure jusqu’à nos jours, mais qui est attaqué de l’extérieur, est l’exemple russe. Dans un long processus de formation des frontières nationales (850-1878), avec l’épisode soviétique (1917-1992), la Russie a réussi à former une Nation multiethnique, rassemblant près de 200 peuple et cultures. Cependant, ce coup de force a été permis par une cohérence territoriale, dans un Pré-Carré d’un seul tenant et dans une cheminement civilisationnel où la Russie ne participa pas à la création d’un empire colonial. Le troisième exemple est celui de l’Amérique du Sud et Centrale. Fondées sur la base d’empires coloniaux (Portugais et Espagnol), mais qui furent forcés d’assimiler à la fois des autochtones et des esclaves, des Nations sont nées de cet ensemble. Elles ont accueilli ensuite des migrants essentiellement venus du continent européen. Le dernier est le modèle anglo-saxon, en particulier celui des USA. Sur les mêmes bases, une Nation multiethnique est née, mais à la différence notable de l’extermination quasi totale des populations indigènes. Les territoires furent dès lors vidés de leurs populations originelles, remplacées par des migrants venus du monde entier, jusqu’à nos jours. Deux autres exemples historiques peuvent encore être cités, comme l’empire mongol ou l’empire ottoman, tous deux défunts.
En principe la France aurait pu réussir cette assimilation, dans le cas unique d’un État fort, d’un modèle brillant et moteur dans l’Humanité, ce qui n’est plus le cas. Il est probable également que ce modèle a été largement torpillé par l’implantation de celui de l’européisme. Dans cette construction, la France se trouve noyée et ficelée dans une formation supranationale, niant et rognant jusqu’à son existence et son histoire. Dans ces conditions, mis à part les migrants qui se fonderont dans ce nouveau modèle, la République communautaire de France restera l’obstacle majeur à cette intégration. Enfin, il est probable que l’imposition de ce nouveau modèle de « citoyens-consommateurs », dans un « Nouvel Ordre mondial », et par sa nature anglo-saxonne, a conduit à une impasse dangereuse où la destruction des Nations, ne peut se terminer que par la destruction des populations elles-mêmes. Elles ne sont pas réellement détruites, ni même remplacées, mais plutôt façonnées sur ce modèle, imposant une personne sous contrôle, endettée, multicolore, asexuée et servile. Une sorte d’esclavagisme moderne, né de la constatation de l’échec des régimes totalitaires du XXe siècle, ou de la difficulté à manipuler… des gens dans une démocratie et ancrés dans une culture, une civilisation et… une Nation.