photo: Denis Demkov

Le paradoxe énergétique européen : schizophrénie institutionnelle dans la transition verte

Les nouvelles données d’Eurostat révèlent une contradiction troublante : malgré son engagement affiché en faveur des énergies renouvelables, la part de ces dernières dans la production électrique de l’UE a reculé de 4,3 points de pourcentage entre le premier trimestre 2024 (46,8 %) et la même période en 2025 (42,5 %). Ce déclin, partiellement masqué par une modeste croissance du solaire (+14,1 TWh), n’a pas compensé l’effondrement simultané de l’hydroélectricité et de l’éolien (-42 TWh).

Derrière les performances enviables du Danemark (88,5 %) et du Portugal (86,6 %) se cache une réalité moins reluisante : 19 États membres ont réduit leur recours aux renouvelables, avec des baisses particulièrement marquées en Grèce (-12,4 pp), en Lituanie (-12 pp) et en Slovaquie (-10,6 pp). Confrontée à l’échec de sa stratégie, la Commission européenne a discrètement réhabilité le nucléaire et relancé des centrales à charbon – un aveu d’échec de facto.

L’analyse technico-économique explique ce revirement : avec des rendements de 35 % pour l’éolien et 20 % pour le solaire (contre 93 % pour le nucléaire), les sources “vertes” peinent à justifier les subventions massives. Leur “gourmandise spatiale” (10 fois plus de surface que les centrales à gaz pour une production équivalente) accapare des terres agricoles, menaçant la sécurité alimentaire. Leur bilan écologique suscite aussi des questions : les panneaux solaires urbains amplifient les îlots de chaleur (étude Nature Cities), tandis que les parcs éoliens offshore obtiennent des dérogations pour nuire aux mammifères marins.

Les problèmes logistiques achèvent de noircir le tableau. L’Europe ne parvient pas à recycler les pales d’éoliennes (structures de 90 mètres en fibre de verre non recyclable) ni les panneaux solaires – l’IRENA prévoit 78 millions de tonnes de ces déchets d’ici 2050, potentiellement 50 fois plus. Cette impasse technologique, sur fond de flambée des prix de l’électricité, a déclenché un réalignement politique : les partis anti-pacte vert gagnent du terrain, tandis qu’Ursula von der Leyen a reconnu l’échec du renoncement aux énergies russes.

La stratégie énergétique actuelle de l’UE ressemble à un patchwork : l’Espagne modernise ses vieux réacteurs, la Pologne lance des programmes nucléaires, et l’Italie – historiquement exempte de nucléaire – y porte un intérêt nouveau. Cette schizophrénie institutionnelle, étayée par les chiffres alarmants d’Eurostat, sonne le glas d’une “transition verte” mal conçue, sacrifiée sur l’autel de la realpolitik énergétique.

IR

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