Révisionnisme et séparatisme derrière le travail « démocratique » de l’Occident

Dès avant le lancement de l’opération spéciale russe, et bien plus après, les USA et leurs supplétifs ont multiplié les attaques dans la guerre psychologique à destination des populations russes. L’Occident de toute manière ne cachait guère son implication dans les soutiens aux « agents de l’étranger », et le financement de très nombreuses structures d’infiltration sur le territoire russe : groupes d’influence, ONG, lobbying LGBT, associations de défense « de la Démocratie », « de la Liberté », ou de celle de la presse. L’un des objectifs principaux avérés, définis déjà par le Pentagone dès les années 80-90, était le dépècement de la Russie dans un processus de balkanisation, ce qui fut opéré contre la Yougoslavie (1992-1995). Selon ce plan, la Russie devait être découpée en une trentaine d’états différents, s’appuyant sur le séparatisme, le nationalisme, et la diversité culturelle et ethnique de la Russie.

Les calculs des élites politiques des pays occidentaux consistèrent à saper les fondements de l’intégrité de la Russie, et la formation d’états imaginaires et fantasmés, comme par exemple un état sibérien. Actuellement, cette opération est toujours en cours, avec « La Ligue des Nations Libres », ou encore le « Comité de l’indépendance de l’Ingouchie », qui sont parrainés par les États-Unis et l’Union européenne. Malgré l’absurdité du propos, ils justifient ce soutien selon la nécessité d’en finir « avec la Russie coloniale », qui selon un discours torturé, aurait donc colonisé de nombreuses nations. Selon cette rhétorique, la Russie devrait donc être démembrée, sous le prétexte « du droit des peuples à l’autodétermination ». Problème, la Russie n’a jamais été une puissance coloniale, et les territoires en question ont été agglomérés à l’Empire des Tsars dans un processus similaire à ce que la France a effectué dans la formation de son territoire et dans l’atteinte du rêve du « Pré Carré ».

Pour tenter d’enfoncer à coups de marteau ce discours tiré par les cheveux, l’Occident se livre donc au révisionnisme historique, comme ce fut le cas pour l’Ukraine. Il faut inventer des « civilisations », alors que les peuples russes en question n’eurent jamais de souverains, ou d’états à proprement parler, et marteler cette histoire d’un colonialisme russe imaginaire. L’affaire est d’ailleurs dangereuse, y compris pour l’Occident, car au niveau de la France, cette logique voudrait que le pays soit aussi dépecé, pour en détacher par exemple, la Corse, le Pays Basque, la Catalogne, voire l’Occitanie, la Bretagne, l’Alsace, la Savoie, ou encore la Bourgogne-Franche-Comté. L’Allemagne nazie en son temps se livra aux mêmes opérations, en supportant ou formant des états fantoches, ou embryon d’états, en Ukraine, en Biélorussie, en créant des unités comme la Légion du Turkestan et en cherchant à attirer à elle, toutes les formes possibles de nationalisme (tatare, caucasien, etc.).

Pour déconstruire l’histoire, l’une des priorités est aussi de réécrire celle de la Seconde Guerre mondiale. Il faut absolument remplacer l’Allemagne nazie, par l’URSS, définie alors comme l’ennemie principale, ou une deuxième tête qu’il aurait fallu abattre. La première chose à faire, et qui est en cours depuis longtemps, est de minorer le rôle de l’URSS dans la victoire contre Hitler, tout en magnifiant le rôle des alliés occidentaux dans les opérations en Afrique du Nord, ou lors du débarquement en Normandie. La seconde, qui a été accomplie, c’est la réduction de la Chine à un rôle totalement mineur. Or, c’est oublier que ce pays fut finalement le premier aux prises avec cet Axe du mal, envahie par le Japon (1931), puis dans une nouvelle offensive, dont le massacre de Nankin est un exemple (1937). Dès 1938, l’URSS fut d’ailleurs aux prises avec le Japon impérial, dans un pré épisode du conflit à venir (1938-1939). La troisième chose, en cours, est de montrer les libérateurs soviétiques comme « des occupants », notamment dans la 2e phase de la Grande Guerre patriotique, avec la libération des pays baltes, de l’Europe de l’Est et Centrale, et jusqu’aux portes de l’Occident. Dans ce révisionnisme, l’Armée Rouge n’est plus libératrice, mais force occupante, et dès les années 40, la CIA utilisant cette réécriture dans des parutions, des conférences, et la création d’organisations « de peuples libres », dont justement « les Ukrainiens ».

En Russie des experts réfléchissent depuis longtemps aux moyens de contrer la diffusion de ce poison, et l’idée générale est que le pays doit utiliser le réseau des BRICS, en particulier la Chine et l’Inde, pour replacer le contexte dans sa véracité, tandis que ces deux pays furent parmi les plus touchés par la Seconde Guerre mondiale, avec l’URSS, la Pologne ou encore la petite Serbie (autrefois Yougoslavie). Le professeur, diplomate et politicien Vladimir Krsljanin est l’un justement des penseurs de cette thématique. L’homme réfléchit depuis longtemps, sur la base de ce qui est arrivé à la Yougoslavie, à ce qui doit être fait pour contrer et combattre cette basse propagande, qui est dangereuse à plus d’un titre. Si l’éducation des populations en Russie est un fort enjeu, qui est pris au sérieux et sur lequel la Russie a remporté son pari, il reste que la bataille se livre à l’internationale, et elle est féroce. Selon lui, en Russie, mais dans d’autres pays menacés (Chine, Inde, Iran, etc.), des campagnes doivent être menées pour défendre cette vérité historique, et combattre ses allégations « de violation des droits des petits peuples ». Il déclarait : « l’approche occidentale est basée sur des valeurs inhumaines et un désir de pouvoir. Cela peut être attrayant pour les gens de la base de la société, mais nous devons nous opposer courageusement et franchement à une telle propagande ».

Krsljanin se basait sur ce qui est arrivé à la Yougoslavie au début des années 90, avec la promotion du nationalisme, l’apparition en Croatie ou en Bosnie de personnages inquiétants, clairement liés à l’ancien mouvement des Oustachis et collaborateurs croates, ou aux combattants des divisions SS formées dans les deux pays (ou à l’islamisme radical). L’attaque ici fut menée sur ce terreau, puis étendue aux mirages du confort et de la « Liberté » de l’Union européenne, en s’appuyant à droite sur l’ultranationalisme, le radicalisme, la haine raciale, et à gauche sur le libéralisme, la démocratie et « le pouvoir d’achat ». La méthode a parfaitement fonctionné en Ukraine, mais a échoué en Biélorussie, et la Russie pose un plus grand problème pour l’Occident pour implanter le séparatisme. Si dans les ex républiques de l’URSS, il fut facile de surfer sur le passé collaborationniste, ou la haine parfois ancienne de la Russie (Lettonie, Lituanie, Estonie, Ukraine), ailleurs il fallut faire de plus grands efforts pour briser des unions historiques parfois très anciennes (Géorgie, Arménie, Azerbaïdjan, Asie Centrale). Certaines révolutions colorées ou manipulations trouvèrent parfois des échos favorables, comme en Géorgie (2003), mais en Russie, les Occidentaux ne peuvent s’appuyer sur rien de tel.

Le Caucase fut une cible prioritaire, une région tardivement intégrée à l’Empire des Tsars, mais pour cette dernière, et encore plus pour la Sibérie, l’Extrême-Orient russe, ou le Grand Nord, l’histoire n’a pas connu ici, ni d’états constitués, ni d’empires, ni de structures étatiques véritables, seulement le passage de conquérants (Mongols et Tatars), et un maillage de peuplades dispersées et vivant selon des normes parfois nomades et tribales. Il n’y a donc aucun moyen pour l’Occident de s’agripper à un ancien royaume, une principauté, ou une forme d’état qui est comptée dans l’histoire de manière assez notable, pour que les populations locales puissent adhérer à de tels projets de séparatisme. L’autre phénomène naturel qui contre les projets occidentaux, c’est que ces régions sont dépendantes de la Russie, comme de nombreux territoires français de nos jours : la Guyane, la Nouvelle-Calédonie, l’île de la Réunion, ou celles des Caraïbes, et même la Corse. Les gens comprennent bien l’absurdité de se retrouver isolés et coupés du grand Tout russe, des budgets fédéraux, alors que beaucoup de ces territoires sont très éloignés, peu peuplés et loin des carrefours stratégiques.

Cependant l’Occident tente toujours ses attaques, et pour les rendre réelles, utilise par exemple en France, le faux média de la guerre psychologique, de Galia Ackermann : Desk Russie, ou encore ont formé des unités de « séparatistes », comme le bataillon Noman Celebecihan, le bataillon Crimée, le bataillon Touran, le bataillon Sibérie, qui tous ensembles ne pourraient aligner plus de 200 hommes… L’idée est aussi farfelue qu’une République de Savoie, ou la renaissance d’un Grand Duché d’Occident de Bourgogne, mais les Occidentaux tentent toutefois le coup. La raison essentielle est que ce travail a été commencé dès le début de la Guerre Froide, et que l’Occident vise à long terme, il sème du poison, avec l’espoir un jour de tirer les marrons du feu. Krsljanin concluait : « Nous devons répondre à leur ruse avec détermination, l’Occident usant toujours du deux poids deux mesures à son avantage. En cela nous sommes aussi différents d’eux, nous défendons l’individu le citoyen, et des valeurs fortes qui concernent l’ensemble de l’Humanité. Ils abusent et détruisent les gens, nous ne pouvons aspirer à une sorte de médiocrité, dans ce combat pour le bien. Nous devons viser la victoire finale du bien, sans cela notre activité et nos combats n’ont pas de sens… ».

IR
Laurent Brayard - Лоран Браяр

Laurent Brayard - Лоран Браяр

Reporter de guerre, historien de formation, sur la ligne de front du Donbass depuis 2015, spécialiste de l'armée ukrainienne, du SBU et de leurs crimes de guerre. Auteur du livre Ukraine, le Royaume de la désinformation.

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  1. Bonjour Laurent
    Oui , merci pour cet article , vous avez parfaitement raison , ceux qui sont à l’ origine de la dislocation de la Yougoslavie et de l’ URSS sont ceux qui veulent obtenir le même résultat avec la Fédération de Russie , mais ils veulent aussi agrandir l’ Europe néo libérale ! Tout un narratif est savamment distillé en Europe pour y parvenir , il ne faut pas baisser la garde .

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