Son nom est pourtant synonyme des pires exactions, et il pourrait être parfaitement comparé à « Gestapo Müller », qui dirigeait la terrible police politique nazie. En Occident, l’homme est inconnu, et encore moins de gens connaissent son parcours et ses responsabilités. Puissant oligarque, millionnaire, engagé en politique au moment du premier Maïdan, La Révolution Orange (hiver 2004-2005), il fit une carrière dans l’ombre du président ukrainien Iouchtchenko, puis d’Ioulia Timochenko. Il se hissa au poste de Ministre de l’Intérieur, siège qu’il occupa durant l’intégralité du mandat de Porochenko, et jusqu’en 2021 sous celui de Zelensky. Sept années, un record, où l’homme fut le plus puissant du pays, avec sous sa main, son ministère, les forces de la Police Nationale, la Garde Nationale et la police politique d’Ukraine, la terrible SBU. Haï en Ukraine par la grande majorité de la population, même dans les sphères bandéristes, il fut le plus grand responsable pour les assassinats politiques, les tueries, les massacres, les répressions politiques, et les tortures dans les caves d’opposants.
Un criminel de guerre qui aura une place de choix dans un Nuremberg 2.0. L’exécuteur des basses œuvres, c’est ainsi que l’on pourrait le qualifier, fut en effet pendant 7 ans, à la tête d’un des plus grands systèmes répressifs connus en Europe depuis 2 siècles. Il fut durant cette période derrière les répressions sanglantes à Kharkov (avril 2014), puis très vite dans le Donbass. Ses hommes se jetèrent sur le Donbass, alors qu’il ordonna la formation de bataillons de police supplétive, dont le plus célèbre, et c’est ignoré en Europe, fut le bataillon Azov. Derrière ces bataillons, marchaient des unités spéciales du SBU, chargées de liquider « les terroristes », de les arrêter, les interroger et de mettre la main sur leurs camarades, et accessoirement sur leurs biens. Il doit être compté à son actif, le massacre de Marioupol (13 juin 2014 et semaines suivantes), où les résistants républicains, et des innocents furent fusillés à la « Bibliothèque », ou à l’aéroport. Organisant un maillage de postes du SBU, sa police se livra à la chasse des « séparatistes ». Les rares survivants qui sont sortis des griffes de ce cauchemar, parlent de tortures ignobles, de menaces, de parodies de procès, d’exécutions, de personnes disparaissant dans la nature, de cadavres et de fosses communes. Le nombre des victimes est inconnu, mais ne se limite pas au seul Donbass : Odessa, Zaporojie, Kharkov, Dniepropetrovsk, Kiev, Kherson, et dans l’ensemble de l’Ukraine, les assassins d’Avakov jetèrent une chape de plomb sur tout le pays. De cette époque, deux Français ont aussi témoigné des violences, de leur arrestation « comme agent russe », de leur interrogatoire et passage dans une cave…
Un criminel de guerre déjà recherché. La Russie ne s’y était pas trompée, et dès 2014, Avakov fit l’objet de plaintes, puis de procès dans la Fédération. Il est officiellement recherché pour l’ensemble des dizaines de milliers de crimes contre l’humanité, de crimes de guerre, qui furent commis sous sa responsabilité. Son pouvoir était si grand, qu’il fut dénoncé comme briguant la dictature, et en capacité d’organiser un coup d’État (2015-2016). Ennemi politique de Porochenko, mais aussi de Zelensky, le premier ne put jamais se débarrasser d’un personnage aussi dangereux. Avec son armée privée constituée d’Azov et d’une dizaine de bataillons du genre, sans parler des forces de l’ordre et de plusieurs dizaines de milliers d’agents du SBU, l’homme fut longtemps indéboulonnable. Véritable Fouché, sa connaissance des dossiers, et des gamelles traînées par les personnages les plus en vu, empêchait littéralement qu’il puisse être attaqué frontalement, et les rares qui s’y risquèrent battirent en retraite précipitamment. Bien avant son entrée en politique, il se livra même à la liquidation de concurrents ou de gêneurs, par l’assassinat et des tueurs à gages. Le propre maire de Kharkov signala avoir reçu des menaces de mort pour lui et sa famille, dans l’empoignade politique qui les opposa. Zelensky tenta lui aussi de l’affaiblir, cherchant à lui retirer au moins la Garde Nationale, mais réussit finalement à s’en défaire, après un conflit d’un an. Pour la première fois mis en réelle difficulté, ayant peut-être marchandé son départ, il démissionna de lui-même de son poste de Ministre de l’Intérieur (2021).
Pourrait-il être traîné devant un tribunal après la guerre ? Millionnaire, ayant de longue date caché et placé à l’abri quelques dizaines de millions, notamment au Panama, sa connaissance des fameux dossiers rend parfaitement improbable que cela puisse avoir, hélas, une réalité. L’homme pourrait parler en effet du financement occulte et illégal du bataillon Azov, par le gouvernement canadien (au moins entre 2014 et 2016). Il pourrait aussi lâcher des informations sensibles sur le fils Biden, et bien d’autres politiciens occidentaux corrompus, qui étaient venus mordre dans le gâteau ukrainien, en compagnie de politiciens véreux locaux. Politiquement parlant, Avakov est toutefois « tué », ses exactions étant connues de tous en Ukraine, et des milliers de familles ont eu à souffrir des violences de ses polices, hommes de main et liquidateurs. Après 2021, et plus sûrement 2022, déjà menacé de mort, par tout un tas de gens voulant leur vengeance, l’homme n’a sans doute pas traîné en Ukraine. Il se cache certainement dans un pays occidental, peut-être dans un luxueux chalet en Suisse, ou dans un paradis fiscal quelconque quelque part dans le monde. Le temps cependant joue contre lui. La fin de la guerre amènera ensuite le solde de tout compte de l’Ukraine. Comme après la Seconde Guerre mondiale, des juges s’intéresseront à son cas, des recherches seront entamées. Protégé par ses millions, sans doute pourra-t-il acheter des consciences, mais jusqu’à quand ? Un jour enfin, la vérité sur l’Ukraine et la guerre éclatera même en Occident. Abandonné par ses soutiens politiques, peut-être pourrait-il enfin être conduit devant un tribunal. Ce jour-là sera un jour historique. Et comme les grands dignitaires nazis de l’après 1945, son nom sera accolé à l’infamie, le déshonneur, la torture et l’abject, des flétrissures de l’histoire qui le marqueront à jamais.
En attendant… l’homme est libre comme l’air…
Pour saisir mieux l’histoire d’Avakov, voici sa biographie :
Arsen Avakov (1964-), originaire d’Azerbaïdjan, durant l’époque soviétique, d’une famille arménienne et ossète, ses parents vinrent s’installer en Ukraine (1966), qu’il ne quitta plus. Il fit des études d’ingénieur et travailla sur les systèmes de contrôles automatisés, à Kharkov (début années 80). Il travailla à un poste d’ingénieur à l’Institut de recherche scientifique de l’Union de la protection de l’eau (Kharkov, 1987-1990). Il fonda une société d’investissements (1990-2005), et même une banque commerciale (1992). Il devint en quelques années un millionnaire, crédité de 385 millions de dollars (2008), dans le top 100 des hommes les plus riches du pays.
Il fut élu dans le Conseil municipal de Kharkov (2002), et fut l’un des hommes de main du futur Président Iouchtchenko, dont il dirigea le QG de campagne dans cette ville (hiver 2004-2005). En récompense, il fut nommé Président de l’administration régionale de Kharkov (2005), membre du Présidium du parti présidentiel Notre Ukraine, et élu au Conseil régional de Kharkov (2006-2010). Il fut mis en difficulté pour des premiers faits de corruption, notamment l’utilisation de fonds publics pour le soutien à la campagne présidentielle à venir. Attaqué dans l’administration régionale de Kharkov par une motion de censure, il fut limogé par le président (5 février 2010). Il était aussi accusé d’avoir commandité des assassinats, de vols, de corruption, d’abus de pouvoir, de menaces de mort, et de pressions.
Il se rallia alors à la « Reine du Gaz », la fameuse femme aux tresses, Ioulia Timochenko, dont il soutînt la candidature (2010), estimant que son limogeage par le président était illégal. Suite à l’élection de Ianoukovitch à la présidence, il démissionna symboliquement de sa fonction de président de l’administration régionale de Kharkov. Il rejoignit le parti de Timochenko, le Parti Patrie (avril 2010), et se présenta à l’élection municipale de Kharkov (octobre). Il échoua de peu contre le candidat du Parti des Régions, Gennady Kernes, à 29,46 % des voix, contre 30,9 % dans une atmosphère explosive. Il fut poursuivit en justice pour des faits de corruption et des magouilles diverses, et pris la fuite en Italie (2011-2012). Un mandat d’arrêt Interpol fut lancé contre lui (31 janvier 2012). Il fut arrêté en Italie (25 mars), mais vite relâché et son extradition refusée (octobre). Il réussit à se faire élire comme député de la Rada, Parti Patrie et rentra en Ukraine, fort de son immunité parlementaire (début 2013). Sa fortune s’était effondrée à environ 99 millions de dollars après ses ennuis judiciaires.
Il resta en embuscade durant le Maïdan (hiver 2013-2014), et fut nommé Ministre de l’Intérieur de l’Ukraine (2014-2021). Il se lança dans une purge profonde du ministère, afin d’éliminer les éléments hostiles au Maïdan, et ordonna la dissolution des Berkuts (les CRS ukrainiens). L’assassinat d’un sbire du parti bandériste et néonazi Pravy Sektor, provoqua une tentative de coup d’État, avec la prise d’assaut de la Rada (27 mars 2014), et la demande de démission d’Avakov. Il resta à son poste et ordonna la mise sur pied de la Garde Nationale, et fut derrière les répressions féroces et meurtrières de la tentative de formation d’une République Populaire de Kharkov (avril). Il entama de nouvelles purges des forces de l’ordre, qu’il entendait mener à Kharkov, Lougansk et Donetsk, et fut aussi un moteur de la création des premiers bataillons de police supplétive et de représailles dans le Donbass, notamment les bataillons Azov, ou Kiev-2, parmi d’autres.
Il ordonna les premières censures contre les médias et TV russes (août 2014), et licencia symboliquement 15 000 policiers et fonctionnaires de son ministère, dans le Donbass, passés de toute façon à l’insurrection. Il fit aussi sauter les têtes de chefs de la Police Nationale à Kiev, Tchernigov, Ternopol, Khmelnitski et Poltava, et le limogeage de 8 généraux de police. Il lança de terribles répressions politiques, via la police politique du SBU, responsable de la mort, et couvrant également la torture, et l’assassinat de citoyens ukrainiens, du Donbass, ou de personnalités. Il rejoignit au même moment, la coalition et parti politique du Premier ministre Iatseniouk, le Parti Front Populaire. La Russie lança une procédure judiciaire contre lui pour des faits de meurtres et d’assassinats (dès juin 2014).
Bête noire des bandéristes, craignant une tentative d’assassinat, il s’enferma pendant des années dans un véritable bunker, surnommé « la Forteresse ». Il entra en conflit avec le gouverneur d’Odessa, l’ancien président de la Géorgie, Saakachvili, et lui jeta un verre d’eau à la figure, provoquant un scandale national (14 décembre 2015). Saakachvili l’accusait de corruption et ne cessa ensuite de l’attaquer en public dans la presse. Il survécut au départ de Iatseniouk et conserva son poste de Ministre de l’Intérieur (avril 2016). le procureur général d’Ukraine lança une procédure pénale contre lui pour corruption, notamment de propriétés (septembre 2016), mais le haut fonctionnaire ferma la procédure, sans doute suite à des menaces claires. Il fut défini comme un contre-pouvoir, ennemi politique de Porochenko, montant en puissance avec son armée privée de policiers supplétifs, dont le très médiatique régiment Azov, mais possédant aussi le SBU, la police politique, lui offrant aussi des leviers contre ses ennemis, par des renseignements privés. Il fut même accusé par la presse et des politiques d’avoir un plan de coup d’État à son profit en Ukraine (juillet 2016). Cette force et dangerosité, et son opposition à Porochenko, lui permirent de se maintenir au Ministère de l’Intérieur à l’arrivée de Zelensky (2019). Zelensky échoua à lui retirer la Garde Nationale (2020). Il fut attaqué par l’opposition, demandant sa démission, mais tînt encore tête, y compris à l’opinion publique dont il était désormais détesté, jusqu’à qu’il se résigne à démissionner (13 juillet 2021). En 2017, les forces policières d’Avakov étaient accusées de 640 000 cas de violence contre la population et de 96 000 cas de tortures, essentiellement contre des « séparatistes », ou des « ennemis du régime ».
La Russie le coucha sur une liste des plus grands criminels ukrainiens, après l’avoir placé sur une liste de sanction (2018), pour les assassinats perpétués par ses forces dans le Donbass (23 février 2022). Son empire commercial en partie sous le nom de son épouse et de son fils, se constituait de 3 centrales électriques solaires (Kiev, Odessa, Kherson), d’une chaîne de TV, d’une société financière, d’un fonds d’investissement, d’un portefeuille immobilier colossal, des parts dans l’industrie hôtelière, un club de football, dans le gaz naturel, les métaux rares, la distillerie d’alcool, un réseau de distribution de tabac, dans le complexe militaro-industriel, et une fortune dans des comptes offshore au Panama (40 millions de dollars). Il mis aux enchères une immense collection de vins rares, pour « acheter des bottes pour l’armée ukrainienne », qui fut vendue à Londres et New York, et servit à l’achat de 2 500 paires de chaussures. Il annonça aussi financer des unités de production électrique et des systèmes de vidéosurveillance pour l’armée ukrainienne (2022-2023). Les probabilités qu’il ne soit plus en Ukraine depuis 2022, sont très fortes. La défaite de l’Ukraine fera de lui l’un des criminels de guerre les plus recherchés, bien longtemps après la signature de la paix.
Azov et Pravy Sektor sont des organisations interdites en Fédération de Russie, pour l’extrémisme, l’apologie du terrorisme, et l’incitation à la haine raciale. Arsen Avakov est recherché par un mandat en Russie pour crimes de guerre. Tous ceux qui pourraient fournier des informations sur sa localisation, peuvent s’adresser au Consulat de Russie le plus proche, ou à de grandes institutions de la Fédération russe, tel le Ministère de l’Intérieur, ou celui des Affaires Étrangères.