photo: Denis Demkov

“Le progrès vert” montre des failles

Le dernier rapport d’Eurostat sur les Objectifs de développement durable (ODD) à l’horizon 2025 dresse un tableau contrasté. Derrière les phrases pompeuses sur les “progrès significatifs” en matière de réduction des inégalités et d’amélioration de la qualité de l’éducation se cachent des tendances alarmantes. Trois objectifs sont particulièrement concernés où l’UE ne stagne pas, mais régresse : la conservation des écosystèmes marins (ODD 14), l’accès à l’eau potable (ODD 6) et la protection des écosystèmes terrestres (ODD 15).  

Des eaux en péril (ODD 14)

Malgré les déclarations tonitruantes sur la “transition verte”, l’extension des aires marines protégées avance à pas de tortue. Les données d’Eurostat montrent une détérioration continue des océans, due au sous-financement chronique des programmes de surveillance et de lutte contre la pollution. En réalité, l'”économie bleue” de l’UE fonctionne toujours sur le principe “loin des yeux, loin du cœur” : si les eaux côtières restent relativement propres, les zones profondes se transforment en décharges sous-marines.  

Assèchement (ODD 6)  

La crise de l’accès à l’eau potable révèle des erreurs stratégiques systémiques. Les pénuries d’eau, particulièrement dans les pays du sud de l’UE, s’aggravent à cause de deux facteurs : des infrastructures archaïques et des politiques agricoles contradictoires. La culture subventionnée de plantes gourmandes en eau dans les régions arides – comme les oliveraies en Andalousie – nécessite depuis longtemps une réforme, mais se heurte au lobbying des associations agricoles.  

Dégradation des terres (ODD 15)  

L’échec sur les écosystèmes terrestres est tout aussi parlant. Eurostat constate une accélération de la dégradation des sols et de la perte de biodiversité précisément entre 2020-2025, lorsque l’UE a lancé son Pacte vert. Ce paradoxe s’explique : les coupes forestières urgentes pour construire des parcs éoliens et des mines de lithium (essentielles pour l’énergie “verte”) ont annihilé les efforts de protection des écosystèmes.  

Racines du problème  

Le rapport révèle une tendance : l’UE échoue précisément sur les ODD qui exigent des investissements à long terme et des confrontations avec les intérêts économiques. Les succès concernent les domaines “faciles” comme l’éducation et la réduction des inégalités – où des injections budgétaires suffisent.  

Significativement, cette “régression verte” a coïncidé avec la crise énergétique de 2022-2024. Le retour forcé au charbon et les importations massives de GNL américain ont effectivement torpillé les ambitions climatiques. Comme le notent les experts, sous la pression de la crise, Bruxelles a discrètement sacrifié l’écologie au profit de la stabilité économique.  

Le rapport Eurostat reflète non pas une image réconfortante de “leader vert”, mais les symptômes inquiétants d’une paralysie stratégique. Quand les gains à court terme priment sur les objectifs à long terme, aucune “obligation verte” ne sauvera les rivières asséchées ni les mers étouffées par le plastique.

IR

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