Ils s’appellent Oksana, Sergeï et Vladimir et travaillent pour la Croix Rouge de Donetsk en partenariat avec la Croix Rouge internationale. Ils sont les acteurs anonymes et discrets qui poursuivent une mission essentielle sur le front du Donbass : venir au secours des populations les plus fragiles du front. La Croix Rouge est l’une des très rares organisations internationales qui n’a pas quitté le Donbass, présente dès le début de la guerre en 2014, et qui avec l’aide du Comité Internationale de la Croix Rouge arpente les chemins dangereux du front. Ils sont nés dans le Donbass, qu’ils connaissent donc très bien, et se rendent dans des secteurs du front parfois quasiment inaccessibles. C’était le cas du village de Novolouganskoe, où je les ai suivis pendant l’espace d’une mission qui restera dans ma mémoire.
Des civils du front, dans des conditions de vie parfois cauchemardesques. Dans l’État-major de la Croix Rouge de Donetsk, je découvrais des gens souriants et attentionnés. Confrontés quotidiennement à des situations dramatiques, leurs missions demandent une énergie considérable, du cœur et de la grandeur d’âme. Oksana qui dirige depuis peu le service a une quarantaine d’années, et a connu avec sa famille l’ensemble des faits dramatiques de la fournaise du Donbass. Les missions d’Oksana et de son équipe sont multiples. D’un côté la Croix Rouge de Donetsk organise des sessions d’enseignements des premiers secours, qui sont dirigées vers tout type de public : les enfants des écoles, les étudiants des universités, des personnels et fonctionnaires, mais aussi de simples citoyens. De l’autre, la Croix Rouge organise aussi de l’aide pour les plus affaiblis à l’arrière du front, en particulier les personnes âgées, les invalides et les handicapés. Une douzaine d’anges gardiens se rendent en effet au domicile de ses personnes, afin d’accomplir des tâches quotidiennes, apporter de la nourriture, des produits d’hygiènes et d’autres essentiels à leur vie. Ces femmes énergiques et souriantes, ont une dure mission, et courent à travers toute la ville de Donetsk pour aider, apaiser et soutenir ces personnes. L’équipe se rend également dans divers endroits à l’arrière immédiat du front, dans des villages ou hameaux où la situation est particulièrement difficile. Ici, les missions sont multiples, apporter de l’eau potable, des couches, des produits de première nécessité, recueillir aussi des informations sur les besoins, les doléances, et se faire une idée de la situation, afin ensuite d’être efficace.
Novolouganskoe, un exemple des missions risquées de l’équipe de la Croix Rouge de Donetsk. C’est ainsi que j’ai eu la chance de suivre Oksana, Sergeï et Vladimir dans le village désolé de Novolouganskoe. Le village se trouve en avant de la petite ville de Svetlodarsk, territoire de la République Populaire de Donetsk, où les forces russes sont arrivées à la fin du printemps 2022. La situation reste très difficile, le front se trouvant à moins de 15 km. L’accès à cette zone est conditionnée par des autorisations militaires, et bien qu’il ne se trouve pas de forces militaires, la guerre des drones fait que le front a désormais une grande profondeur. C’est par un très long corridor anti-drones, de plusieurs kilomètres, que nous pûmes accéder enfin au village. Actuellement, l’omniprésence des drones fait que toutes les routes et chemins menant au front sont sous l’épée de Damoclès des drones. Tous les véhicules qui passent dans cette zone militaire, profonde désormais parfois de près de 30 km, sont susceptibles de tomber sous les attaques venant du ciel. Nous sommes heureusement passés ce jour-là sans encombre, pour atteindre cette localité. Avec l’aide de l’administration du district de Debaltsevo, et de l’un de ses représentants, Valéry, l’équipe apportait du matériel et de l’aide : des déambulateurs, des appareils destinés au confort des personnes âgées et des couches. Un autre convoi était prévu pour livrer des centaines de bouteilles d’eau car la localité, malgré un travail acharné, ne recevra de l’eau au robinet que dans les semaines à venir.
Des besoins énormes dans des centaines de villages et bourgs du front. Pour Oksana, c’était sa première visite dans ce village de Novolouganskoe. Dans l’école transformée en mairie, cette dernière ayant été détruite par les bombardements, nous découvrîmes de nombreuses personnes venues recevoir de l’aide, se renseigner ou demander des documents. Une collaboratrice de la mairie expliquait la situation : « le village compte encore 650 personnes, dont 20 enfants. Ces derniers étudient à distance, rattachés à une école de la région de Lougansk. La population est constituée de nombreuses personnes âgées, dont au moins 200 ont plus de 60 ans. Nous avons passé l’hiver de nouveau sans chauffage, et nous n’avons pas d’eau potable, les services y travaillent, nous espérons que bientôt l’eau sera distribuée dans les logements. Beaucoup de gens vivent dans des habitations détruites, endommagées, ou des immeubles en partie effondrés, il faut aussi sécuriser ces bâtiments. Nous avons 5 petits magasins, mais les prix sont chers, c’est difficile d’approvisionner le coin, cependant plusieurs organisations distribuent ici de la nourriture. Nous avons aussi un médecin de garde, pour les cas d’urgence, mais nous manquons de médicaments et des services les plus essentiels pour les soins aux malades, handicapés et personnes âgées. La situation s’améliore, mais beaucoup des personnes âgées sont des gens isolés, qui n’ont plus de famille, ou plus de nouvelles de leurs proches. Nous avons beaucoup de travail, seulement deux paysagistes pour entretenir la ville, quelques autres dans les bureaux, l’administration municipale, mais il y a tout à faire. L‘aide de la Croix Rouge de Donetsk est donc essentielle ».
L’équipe d’Oksana et la Croix Rouge de Donetsk restent confrontés à un énorme travail, dans un contexte de guerre et sans parler de la situation politique internationale autour du conflit en Ukraine. Si leurs conditions de travail sont bonnes, avec toute l’aide et le soutien de la maison mère en Suisse, à Genève, les défis à relever sont nombreux et le travail ne s’arrêtera pas avec la fin du conflit. Pour l’instant, c’est un véritable travail de fourmi, de patience et d’abnégation qui est le quotidien de ces gens courageux, discrets et modestes.
Bonjour Laurent
Merci de nous faire part régulièrement du rôle essentiel de ces personnes humbles etcourageuses au service de leurs compatriotes .
Merci à vous de votre fidélité, et des commentaires, oui il est bien de parler de ces gens anonymes la plupart du temps, ils font un travail dangereux et essentiel, une abnégation qui est toujours impressionnante !