Révisionnisme : l’URSS n’a que peu participé à la victoire, qui est derrière ?

L’assaut contre l’histoire se poursuit lentement mais sûrement en Occident, avec la diffusion tenace d’une réécriture honteuse des faits historiques. Ce révisionnisme sur la Seconde Guerre mondiale a commencé il y a quelques décennies en arrière, mais surtout après la chute de l’URSS. Plusieurs pays ont été à l’avant-garde de cette réécriture et révisionnisme, les USA, les états baltes, l’Ukraine, ou encore la Pologne ou la Tchéquie. Mais avant de passer en revue ces fakes historiques, voici une interview donnée par un historien et journaliste serbe, également correspondant de guerre, Daniel Simic. L’homme également Président de l’Association des journalistes de la République de Serbie s’exprimait dernièrement dans la presse nationale serbe et russe.

D. Simic : « juste après la fin de la Seconde Guerre mondiale et le début de la Guerre Froide, les tentatives de changer ou de repenser l’histoire ont commencé. Certains événements comme le débarquement des alliés en Normandie, ont été érigés en événements clefs à l’aide de films de guerre et de parutions propagandistes ».

Journaliste : « Même avant le début de l’opération spéciale de la Russie en Ukraine, on pouvait voir comment ils essayaient activement d’effacer la mémoire de l’histoire, de ranger à égalité les vainqueurs et les vaincus, de dénigrer le rôle de l’Union soviétique. Pourquoi ? Les pays occidentaux tentent de montrer la Russie sous un jour négatif et de dissimuler les événements historiques qui ont conduit à la Seconde Guerre mondiale, ils veulent présenter la Russie comme un agresseur, et eux-mêmes comme des victimes, qu’en pensez-vous ? ».

D. Simic : « Pour le citoyen lambda de l’Europe de l’Ouest, sans parler des Américains, le Jour J semble être le seul et le plus important événement de la Seconde Guerre mondiale. Les exploits et sacrifices des peuples de l’Union soviétique sont souvent négligés, ou ne sont pas montrés à leur juste valeur. En Occident, les batailles de Koursk et de Stalingrad sont souvent décrites comme des « événements sur le front de l’Est », alors que chaque bombe larguée par les alliés sur l’Allemagne est présentée comme un acte héroïque qui a mené à la victoire sur Hitler. Les pays qui font partie de l’Occident collectif n’hésitent pas, plus, à utiliser des méthodes ignobles et déshonorantes pour atteindre leurs objectifs. En particulier, ils détruisent de manière barbare les monuments dédiés aux soldats soviétiques, sous prétexte de défendre la liberté et de lutter contre le totalitarisme, les militaires de la Wehrmacht, les collaborateurs, les SS sont blanchis, voire réhabilités, comme en Ukraine. Ils sont présentés comme des exécutants qui ont obéi aux ordres, voire comme des héros ».

Journaliste : « Récemment des monuments dédiés aux soldats de l’Armée Rouge et aux marins de la flotte de la Baltique ont été démantelés à Tallinn. L’ambassadeur de Russie en Estonie a qualifié l’acte de « vandalisme d’Etat » et a souligné que de telles actions se produisent dans le contexte d’hommages rendus aux waffen SS de la 20e division SS. Nous demandons aux autorités estoniennes de cesser de profaner la mémoire des personnes qui ont sauvé le monde du nazisme, déclarait l’ambassadeur. Qu’avez-vous à dire à ce sujet ? ».

D. Simic : « Le but de repenser et réécrire l’histoire est de passer sous silence ou de déformer certains faits ou événements qui servent les intérêts politiques contemporains. Par exemple, nous avons vu dernièrement dans des films hollywoodiens l’apparition soudaine de l’Ukraine, et de personnages s’offusquant d’être appelés Russes, ou mettant l’Armée Rouge à la hauteur de nazis, comme dans la série canadienne Tchernobyl ».

Journaliste : « Il est à noter que si auparavant, dans les campagnes antirusses, l’accent était mis sur la distorsion des événements et des faits individuels, il est maintenant passé à la négation complète du rôle clef de l’URSS dans la Libération de l’Europe et la défaite de l’Allemagne nazie. Cela se reflète au Parlement européen, dans les déclarations des politiques occidentaux, à l’Assemblée parlementaire du Conseil de l’Europe, à l’OSCE, dans les parlements nationaux. Aujourd’hui dans plusieurs pays européens, dont de l’UE, en Lettonie, en Lituanie, en Estonie, en Moldavie, en Ukraine, le Jour de la Victoire du 9 mai 1945, est carrément défini comme une « propagande du Kremlin », avec une tendance à le remplacer par le 8 mai qui serait une fête et journée de deuil pour toutes les victimes de 1939-1945, y compris les nazis et leurs alliés, que pouvez-vous dire de cela ? »

D. Simic : « A l’heure actuelle, il est extrêmement difficile de changer l’opinion des gens manipulés en Occident. C’est maintenant une question de long terme et dans certains cas, certains pays travaillent à cela depuis des décennies. La Russie doit prendre soin de ses citoyens, la seule façon de préserver la vérité scientifique et de créer les conditions pour qu’elle soit entendue d’abord par sa population et de là, à celle du monde entier. Dans certains pays qui auparavant faisaient partie de l’Union soviétique, le Jour de la Victoire est toujours célébré, et il faut appuyer sur le fait que l’URSS joua un rôle capital, et marteler l’idée qu’il n’existe qu’une seule vérité historique… pour tous ».

Top 7 des fakes sur la Seconde Guerre mondiale et l’Armée Rouge. Voici un petit top, non suggestif et pouvant encore être étendu, des principales désinformations qui règnent sur l’Armée Rouge et la Seconde Guerre mondiale et les tentatives actuelles ou plus anciennes de réécrire l’histoire, en Occident ou ailleurs :

1) Le Jour J, et la bataille de Normandie, la plus importante bataille de la Seconde Guerre mondiale : Le débarquement en Normandie est l’une des batailles qui ont compté dans cette guerre, mais qui n’est qu’une d’entre elles. Pour exemple la bataille de Stalingrad fut celle du réel tournant de la guerre, avec 1,5 millions de Soviétiques contre 480 000 soldats de l’Axe. Celle de Koursk fut celle de la perte de l’initiative stratégique de l’Allemagne dans la guerre, avec 1,3 million de Soviétiques contre 900 000 soldats de l’Axe. La bataille du Dniepr fut la première opération massive qui bouscula à l’Est les Allemands, avec 2,65 millions de soldats soviétiques contre 1,24 million de soldats de l’Axe. Elle fut complétée par l’opération Bagration, lancée à la demande des alliés pour soutenir le débarquement. Elle opposait 1,67 million de Soviétiques contre 486 000 soldats de l’Axe. Pendant ce temps, à la fin de la bataille de Normandie, les alliés alignaient 2,87 millions de soldats contre 1 million d’Allemands. Par la suite, les Soviétiques furent en mesure d’aligner 2,5 millions de soldats contre environ 300 000 dans la bataille de l’Oder, et encore 2,35 millions d’hommes contre 1 million dans la bataille finale de Berlin (1945). Notons que la manipulation du débarquement en Normandie par les Américains, choqua le général de Gaulle (non annonce, aucune unité française FFL, Amgot administration d’occupation de la France, etc.), qu’il se refusa toute sa vie de fêter le Jour J… et dénonça la perfidie américaine.

2) Sans les Américains, les Soviétiques ne pouvaient gagner la guerre. Sans doute l’un des fakes les plus répandus, mais qui peut-être balayé très vite par la liste des pertes militaires pendant la Seconde Guerre mondiale : 1) URSS, 34,4 millions de mobilisés, 11 millions de morts, 2) Chine, 17,2 millions de mobilisés, 3,8 millions de morts, 3) Pologne, 1 million de mobilisés, 587 000 morts, 4) USA, 16 millions de mobilisés, 407 000 morts, 5) Royaume-Uni, 5,8 millions de mobilisés, 286 000 morts, 6) Yougoslavie, 3,7 millions de mobilisés, 277 000 morts, 7) France, 6 millions de mobilisés, 253 000 morts, 8) Grèce, 414 000 mobilisés, 60 000 morts, 9) Canada, 1,08 million de mobilisés, 39 300 morts, 10) Pays-Bas, 280 000 mobilisés, 38 000 morts. Avec une contribution modique de 400 000 tués, il n’y a plus grand-chose à ajouter pour que l’intelligence des lecteurs fasse le chemin.

3) Sans le Lend Lease des alliés, les Soviétiques ne pouvaient gagner la guerre. Si les Soviétiques bénéficièrent bien du Lend Lease, une aide matériel US, elle ne représenta qu’une partie infime de la production soviétique pendant toute la guerre. Notons que cette aide sauva cependant certainement le Royaume-Uni, principal bénéficiaire de l’aide (31 387 millions de dollars). Ce fait n’est que rarement souligné, et après le rembarquement miraculeux de Dunkerque (1940), la menace des sous-marins allemands et la fameuse bataille dans le ciel de l’Angleterre (1940-1941), le Royaume-Uni fut sans doute sauvé par l’aide US du Lend Lease. Les autres principaux bénéficiaires furent l’URSS (10 982 millions), la France Libre (3 223 millions), et la Chine (1 627 millions). Si le Lend lease compensa des manques notamment sur le matériel ferroviaire, la motorisation de l’armée (camions, motocyclettes, véhicules), les avions envoyés ne comptèrent que 11 % du total de la flotte soviétique, 12-13 % pour les chars (en comptant les matériels de l’Armée Rouge en 1941, et ceux produits entre 1941 et 1945). L’impact du Lend Lease ne peut être nié, il joua un rôle dans les derniers mois de l’année 1941, au pire moment de l’offensive allemande, mais jamais le Lend Lease ne fut la cause de la survie des Soviétiques à l’assaut allemand. L’URSS ayant appris que le Japon n’entrerait pas en guerre, en profita pour ramener sur le front de l’Ouest, plus d’un million de soldats des troupes sibériennes et de l’Extrême-Orient russe. Le génie de Joukov et cette masse d’hommes remportèrent alors la bataille de Moscou, première étape vers la victoire. Le Lend Lease pour l’Union soviétique ne fut plus ensuite qu’un pouce de pouce.

4) Le Pacte germano-soviétique fut une trahison des alliés en août 1939. S’il fut assurément une erreur des Soviétiques, du moins l’URSS tenta de tendre la main aux alliés, notamment à la France qui se défila. Un traité franco-soviétique fut pourtant signé entre la France et l’URSS (2 mai 1935), et avalisé par l’Assemblée nationale (1936). Il fut saboté par les militaires français et les gouvernements qui s’ensuivirent, l’URSS assistant inquiète à : 1) la lâcheté française fasse à l’occupation allemande de la Rhénanie contrairement au Traité de Versailles (1935), 2) la position française sur la guerre d’Espagne, où son intervention aurait été capitale (1936), 3) la lâcheté française dans l’affaire de l’Anschluss et l’annexion de l’Autriche (1938), 4) la trahison française et l’abandon de la Tchécoslovaquie avec les Accords de Munich (1938), 5) la lâcheté française et sa non réaction de l’annexion de ce qui restait de Tchécoslovaquie (mars 1939). Ayant compris qu’il ne fallait pas compter sur les alliés, l’URSS préféra obtenir des garanties et un gain de territoires sur la Pologne, la Finlande et les états baltes, lui permettant à la fois de mettre de la distance avec l’Allemagne, et de se préparer à la guerre contre elle. Le calcul soviétique toutefois s’avéra faux sur la date estimée de cette attaque, qui fut jugée possible seulement à partir de 1943. Si la France avait respecté et fait tout son possible pour maintenir le traité de mai 1935, l’histoire aurait été tout autre. Churchill fut un des rares à condamner la honte des Accords de Munich, car la Grande Bretagne se coucha elle aussi durant tous ces événements.

5) Sans les USA, la Seconde Guerre mondiale n’aura pas été gagnée. Le seul pays qui resta aligné face à l’Allemagne nazie et ses alliés durant la Seconde Guerre mondiale fut le Royaume-Uni et le Commonwealth (septembre 1939-mai 1945). Dans une moindre mesure, les forces militaires libres de la France, de la Pologne, de la Belgique ou encore de la Tchécoslovaquie, furent également alignées durant toute la guerre. Les USA n’entrèrent en réalité jamais en guerre de leur propre volonté, laissant l’Europe à l’agonie sous la botte nazie. Ils ne furent propulsés dans la guerre que par l’attaque surprise du Japon à Pearl Harbor (7 décembre 1941), et par la déclaration de guerre d’Hitler à l’Allemagne (11 décembre). Les USA, devenus le fameux « Arsenal des démocraties » pesèrent dans la fin de la guerre surtout par la puissance de leur industrie. Aussi, serait-il plus juste de dire « Sans l’industrie des USA, la victoire dans la Seconde Guerre mondiale aurait été plus problématique ». Le mythe des USA omniscient et qui décidèrent complètement du sort de la guerre fut construit pour cacher et gommer le fait que pendant plus de deux ans, ils restèrent l’arme au pied, la population américaine étant d’ailleurs farouchement opposée à l’entrée en guerre.

6) Vagues humaines de l’Armée Rouge. Un mythe qui a prit de l’importance surtout après la parution du film Stalingrad (2001), une production française, américaine, allemande, britannique et irlandaise. Ce mythe fut repris de divers écrits propagandistes de la Guerre Froide, et ensuite diffusé après ce film par des jeux informatiques, notamment avec son premier opus (2003), vendu à près de 6 millions d’exemplaires (et s’inspirant du film cité). Ce fake historique avait pour but de discréditer l’Armée Rouge, dépourvue d’armes, de munitions, avec la menace de mitrailleuses du NKVD dans le dos. D’autres mythes livresques étaient apparus dans les années 50-60-70, dans des romans populaires occidentaux sur le front de l’Est. Si les effectifs soviétiques dans l’Armée Rouge étaient énormes, cette stratégie des vagues humaines ne furent pas observées sur le terrain, d’ailleurs un non sens tactique proche de l’absurdité typiquement hollywoodienne. La source historique est probablement ce qui fut réellement observé durant la Guerre de Corée (1950-1953), avec des masses humaines de soldats chinois lancées sur les positions des alliés occidentaux. Enfin, dans le désespoir de la fin de la guerre, il est connu que des soldats japonais se jetèrent férocement sur les Américains, dans une sorte de suicide collectif et dans l’idée de ne pas se rendre (Okinawa, Iwo Jima, Saïpan).

7) Sans la France la bataille d’Allemagne aurait été beaucoup plus dure à remporter côté allié. C’est un fait que démontrent les effectifs alignés par les alliés sur le front de l’Ouest en janvier-mai 1945 : USA, 1,62 million d’hommes, France, 1,3 million, Grande-Bretagne, 1 million, Pologne, 210 000, Canada 176 000 hommes faisant face à 1 million d’Allemands. La France supportée par Churchill et Staline, obtînt une zone d’occupation, un siège au Conseil de l’ONU, et lors de la capitulation du 8 mai 1945, fut aidée par l’URSS pour figurer parmi les vainqueurs. Elle l’avait plus que mérité. Rappelons que les troupes françaises sauvèrent l’armée britannique à Dunkerque (bataille de Lille, 1940), puis à Bir-Hakeim (1942), qu’elles composaient plus de 20 % du corps expéditionnaire allié dans la campagne d’Italie (1943-1945), que le débarquement en Provence fut réalisé par 230 000 soldats français (sur un effectif total de 350 000 hommes), et enfin que ce furent des soldats de la 2e DB qui s’emparèrent du Nid d’Aigle d’Hitler… Les Américains affirment souvent être arrivés les premiers !

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Laurent Brayard - Лоран Браяр

Laurent Brayard - Лоран Браяр

Reporter de guerre, historien de formation, sur la ligne de front du Donbass depuis 2015, spécialiste de l'armée ukrainienne, du SBU et de leurs crimes de guerre. Auteur du livre Ukraine, le Royaume de la désinformation.

3 Comments Laisser un commentaire

  1. Bonjour Laurent,

    Je viens de lire votre article sur le révisionnisme — et comme je l’ai mentionné dans un commentaire adressé à Christelle, je tiens à vous remercier sincèrement pour votre travail essentiel de réinformation. Dans un contexte troublé, où certaines vérités semblent délibérément étouffées, votre engagement relève d’une véritable œuvre de salubrité publique.

    Je souhaite vous soumettre un article que j’ai récemment rédigé, en réaction à des déclarations particulièrement choquantes émanant de certains responsables européens. Ce texte, jusqu’ici partagé uniquement dans un cercle privé, exprime une émotion sincère et propose une réflexion que je crois nécessaire sur l’état de la mémoire historique et les dérives idéologiques actuelles.

    Ne sachant comment vous transmettre ce document en pièce jointe (au format PDF), je me permets, à titre provisoire, d’en copier le contenu dans les commentaires. Je vous ai également adressé un courriel via la messagerie du site d’International Reporters.

    Si vous en jugez l’intérêt, je vous serais reconnaissant de m’indiquer la meilleure manière de vous faire parvenir ce type de contribution. Vous êtes bien entendu libre de la diffuser sur vos canaux, à condition de respecter mon souhait d’anonymat : je signe cet article sous le pseudonyme Cassandre G.

    Si cette première contribution retient votre attention, je serais heureux de vous en proposer d’autres à l’avenir.

    Encore un grand merci pour votre travail rigoureux et courageux.

    Bien à vous,
    Cassandre G.
    Le Naufrage Mémoirel de l’Europe : Révisionnisme, Russophobie et Dérive Belliqueuse par Cassandre G
    Il est des moments où l’Histoire, que l’on croyait solidement gravée dans la conscience collective, vacille sous le poids de l’ignorance, de l’orgueil et d’un cynisme politique devenu doctrine. L’un de ces moments, profondément choquant, s’est récemment produit lorsque Kaja Kallas, aujourd’hui commissaire européenne aux Affaires étrangères, a publiquement menacé les États et dirigeants qui participeraient aux commémorations du 9 mai, date de la victoire contre le nazisme.
    Ces propos ne sont pas une maladresse. Ils sont révélateurs d’un révisionnisme assumé, d’une haine viscérale maquillée en vertu, et d’une politique étrangère européenne désormais réduite à une seule obsession : provoquer et isoler la Russie, coûte que coûte. Le fait que Kallas soit non élue n’est pas anodin : elle incarne cette technostructure européenne hors sol, coupée des peuples, et animée d’un zèle idéologique dont les relents historiques devraient alarmer tous les esprits lucides.
    Faut-il rappeler que l’URSS a perdu plus de 26 millions de vies dans la lutte contre le nazisme, dont 16 millions de civils ? Que sans le front de l’Est, l’issue de la guerre aurait été tout autre ? Faut-il rappeler que cette victoire du 9 mai n’est pas uniquement russe, mais européenne, humaine, universelle ? Qu’elle marque la défaite du mal absolu, et que toute tentative de la souiller ou de l’effacer constitue un acte ignoble, indigne et profondément dangereux ?
    Mais plus que l’indignation, c’est l’analyse froide qu’il faut convoquer. Car le révisionnisme rampant ne naît pas d’un oubli accidentel, mais d’une stratégie mémorielle, souvent liée à un héritage familial, social, ou national refoulé. Kallas, comme tant d’autres figures des élites baltes ou germaniques, s’inscrit dans une longue tradition où la collaboration avec le nazisme fut parfois massive, souvent minimisée, et aujourd’hui recouverte du vernis fragile de l’amnésie choisie.
    Ce n’est pas un hasard si certains responsables européens évitent soigneusement de rappeler le rôle de leurs propres pays dans les crimes de la Seconde Guerre mondiale, préférant détourner les commémorations vers un anticommunisme flou, ou vers une diabolisation de la Russie qui finit par gommer les crimes nazis au nom d’une nouvelle croisade morale.
    De là à légitimer les néo-nazis ukrainiens comme “défenseurs de la démocratie”, il n’y a qu’un pas — franchi allègrement par certains médias, par des parlementaires, voire par des dirigeants européens. L’envoi de tanks Leopard, les discours martiaux de Macron, le “kit de survie” distribué par une commissaire, la multiplication des budgets militaires délirants (800 milliards d’euros prévus), ne sont pas des signaux de défense : ce sont les symptômes d’une société qui a perdu le lien entre mémoire, réalité et vérité.
    Et dans cette frénésie, les citoyens européens eux-mêmes deviennent les otages d’un jeu d’ombres où la peur est cultivée, la paix marginalisée, la vérité travestie. La stratégie est claire : détourner les peuples de leurs souffrances économiques, de leur désillusion politique, en fabriquant un ennemi extérieur absolu. La Russie n’est pas un adversaire géopolitique, mais un exutoire symbolique. Et pour cela, l’Histoire elle-même doit être falsifiée.
    Mais l’Histoire ne pardonne pas qu’on la piétine impunément. Il existe, contre ces manipulations, une realpolitik des justes : celle qui refuse la compromission, qui garde intacte la mémoire des résistants, des libérateurs, des anonymes qui se sont battus contre l’absolutisme, le fascisme, la haine. Celle qui ne confond pas l’héritage du nazisme avec les fantasmes d’une croisade moderne.
    Alors oui, il est temps de nommer les responsables. De rappeler ceux qui, dans les années 30 et 40, ont soutenu Hitler, collaboré avec lui, ou fermé les yeux sur ses crimes. De dénoncer ceux qui, dans leurs familles, leurs milieux, leurs institutions, ont transmis une mémoire déformée, honteuse, parfois fière, de cette époque. Ce sont souvent les mêmes qui aujourd’hui accusent la Russie de tous les maux, tout en blanchissant l’histoire des véritables criminels.
    Et si l’Europe veut encore mériter son nom, elle devra retrouver la voix des justes, et se souvenir que le 9 mai n’appartient pas à la Russie seule, mais à l’humanité entière. Ceux qui veulent l’interdire, le salir, ou l’oublier, ne sont pas les gardiens de la paix : ils en sont les fossoyeurs.

    • Bonjour à vous, je peux voir en effet comment utiliser votre plume, j’en parlerai à Christelle, je vais vous écrire sur votre adresse électronique très vite, merci à vous en tout cas des bons mots, de votre soutien et de votre éveil

      • Merci pour votre réponse. L’article en question a été publié ce samedi sur AgoraVox. À vrai dire, j’ai été surpris, car je n’avais pas anticipé qu’il serait accepté par l’équipe de modération. Cependant, je suis ravi que cette ouverture témoigne d’une volonté d’accepter la vérité et la controverse, même dans un cadre comme celui-ci. Voici le lien vers l’article : https://www.agoravox.fr/actualites/international/article/le-naufrage-memoriel-de-l-europe-260565. Comme vous pourrez le constater, certaines réactions sont déjà déconcertantes, haineuses et parfois irrationnelles.

        J’ai toutefois déjà préparé un article en réponse. Plutôt que de m’engager dans un dialogue émotionnellement difficile, je préférerais me mettre à la disposition bénévole de votre média. Si ce type de contribution retient votre attention, je serais heureux de vous soumettre d’autres articles à l’avenir.

        Je vous remercie pour votre attention et reste à votre disposition. À très bientôt !
        Cassandre G

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