Ludmila, directrice de l’école de Sartana témoigne des crimes ukrainiens à Marioupol

Ludmila Korona, une habitante de la ville de Sartana, près de Marioupol a toujours travaillé dans l’enseignement, d’ailleurs avec son époux. Devenue directrice de l’école de Sartana, accueillant plus de mille enfants, elle avait vécu tranquillement sa vie d’enseignante dans le Sud du Donbass. De la diaspora grecque de la région, ils avaient vu arriver avec inquiétude les troubles provoqués par le Maïdan de Kiev dans l’hiver 2014. Pris dans la fournaise des événements de la guerre qui commença dans le Donbass, ils avaient choisi de rester à leurs postes, contre vents et marées, mais désapprouvaient la politique menée par l’Ukraine. Ne faisant pas de politique, bien que leur fils ait choisi de s’enrôler dans l’armée républicaine, ils avaient courbé le dos pendant les 8 années de l’Ukraine de l’après Maïdan. Ludmila et son mari ont témoigné des événements qu’ils ont vécus, notamment de ceux tragique de 2022, et de la décision des autorités locales et de l’armée ukrainienne d’évacuer les milliers d’habitants de la périphérie de Marioupol, dans le grand port de Donbass.

Huit années d’une vie d’oppressions et d’humiliations. Après l’occupation de Marioupol par les Ukrainiens, et celle de la ville de Sartana, qui avaient toutes deux rejointes la cause républicaine, Ludmila et son mari : « avaient survécu sans piper mot » au milieu de la soldatesque ukrainienne. Elle témoigne : « ils sont arrivés ici, des soldats et des agents du SBU s’installèrent dans la ville. Comme mon fils avait choisi de combattre pour la RPD, j’ai reçu la visite d’un policier du SBU. Il tenta de m’inciter à parler à mon fils, en indiquant que s’il se rendait, que s’il venait en Ukraine, il ne lui arriverait rien… qu’il y aurait une amnistie. Moi-même je ne croyais pas à ce mensonge, mais j’argumentais en disant que mon fils était adulte, qu’il avait fait ce choix de son propre chef et de sa propre volonté, et qu’en tant que mère, je n’avais pas le droit d’intervenir, qu’il pouvait seul décider. On nous laissa tranquille avec mon mari, mais nous étions obligés de traverser la frontière par les corridors verts des accords de Minsk pour aller le voir. Nous attendions parfois des heures entières, les soldats ukrainiens étaient suspicieux, procéduriers, et nous humiliaient par divers moyens. Durant toute la période, pendant 8 ans, nous n’avons pas vécu, nous avons courbé la tête, nous avons survécu. Il y a eut un jour où nous avons failli être tués par des soldats à Sartana. Ils étaient dans un char, nous étions en voiture. Ils fonçaient sur la route, et si nous ne nous étions pas écartés, ils nous auraient écrasés en rigolant».

L’évacuation criminelle de Sartana. Au moment de l’opération spéciale russe, le 24 février 2022, Ludmila se trouvait à son poste. Ayant appris le déclenchement de cette dernière, elle s’était rendue au travail comme d’habitude. Selon son témoignage, les gens s’inquiétaient, mais des professeurs se présentèrent dans l’école. Elle raconte : « la situation n’était pas claire, mais j’ai compris très vite que la seule grande cave et abri souterrain qu’il y avait dans la ville, c’était dans notre école. J’ai persuadé les parents, même les plus réticents à venir tous se réfugier dans l’école. Ce fut une bonne décision, les caves sont immenses et le bâtiment a été construit avec un solide béton. Nous nous sommes retrouvés très vite plusieurs centaines de personnes, et tous les enfants. Nous avions tout pour survivre, peut-être pas un ou deux mois, mais nous pensions que tout cela allait durer quelques jours, au maximum une semaine. C’est un officier du SBU, que je connaissais, qui est venu nous dire dès le 2e jour, que la seule solution pour notre survie, était d’évacuer tout le monde dans Marioupol. Je l’ai cru, mais je m’en veux, car c’était un mensonge et beaucoup de drames se déroulèrent ensuite. Alors nous sommes partis, deux bus sont arrivés, les autres personnes sont parties par leur propre moyen pour Marioupol. Nous avons été emmenés dans un grand internat, très vaste, mais j’ai tout de suite compris que cela avait été une mauvaise décision. C’était sale, rien n’était prêt pour nous, même si les premiers jours ils nous ont donné de la nourriture. La situation est alors devenue très critique ».

Je vous laisse la vie, mais si je reviens je vous tuerais tous. Ludmila poursuit son récit, racontant le moment où les combats commencèrent pour Marioupol. Il n’était alors plus question de nourriture, d’eau, de soins, avec des centaines d’enfants, parfois au sein, sans électricité, gaz, et chauffage, alors qu’en ce début de mois de mars 2022, la température était très froide. Elle raconte : « Nous avons été vite plongés dans le noir, il n’y avait rien, même si quelques jours plus tard on nous apporta un générateur électrique, qui suffisait tout juste à recharger nos téléphones et à voir nos trombines le soir venu. Nous nous sommes retrouvés dans un très grand danger, alors que d’un côté se trouvaient les Azoviens, et de l’autre côté les Russes. Nous ne pouvions sortir du bâtiment, c’était très dangereux, même si des volontaires sortaient pour tenter de nous ravitailler, au départ nous avons pris tout ce que nous pouvions dans les magasins alentours, nous n’avions pas le choix. Les balles sifflaient du côté ukrainien, qui nous tiraient dessus dès que nous ouvrions la porte, la situation était dramatique. Un soir, une soldate ukrainienne, à l’air sombre et sentant la poudre, vînt se réfugier dans notre internat. Elle avait disparu au petit mâtin, et heureusement, nous avions compris qu’il fallait partir de cet endroit. Nous réussîmes à rejoindre un autre refuge, et le précédent fut bombardé par les Ukrainiens, sans doute avait-elle donné les coordonnées… Dans ce nouveau refuge, nous avons vu arriver des Azoviens, il y avait là encore une femme. Elle tenait une arme automatique dans les mains, nous insulta et menaça. Elle indiqua qu’elle allait nous tuer, je tenais un enfant dans mes bras. Puis elle déclara « c’est bon, je vous laisse la vie, mais si je reviens je vous tuerais tous ! » Nous étions tétanisés, ce moment est resté gravé dans ma mémoire ».

La fin du cauchemar et le retour à Sartana. Ludmila raconte ensuite comment les troupes russes repoussèrent bien vite les Ukrainiens, et comme ils furent secourus par les premiers soldats de la RPD. Le soulagement dit-elle était immense, mais dans cette évacuation beaucoup de gens étaient morts, blessés, et d’autres portés disparus jusqu’à ce jour. Elle retourna avec les survivants à Sartana, retrouvant une école endommagée, mais comme elle le dit, la population se retroussa les manches. En peu de temps, la Russie apporta l’aide nécessaire, enregistra administrativement tout le monde, y compris les fonctionnaires, les retraités, et dès le mois de mai 2022, elle touchait son salaire ainsi que ses collègues. L’école fonctionnait déjà en avril, et les gens commencèrent à rentrer de leur refuge ou exil : de Russie, de Chypre, d’Europe et même d’Ukraine. Pendant son récit, les larmes aux yeux, elle nous avait ému par son histoire poignante, qui fut remplacée bientôt par celle de Sartana dans le giron russe. « Si vous saviez comme nous vivons mieux désormais ! Nous pouvons travailler, nous n’avons pas de pression, ni d’inquiétude pour l’avenir, nous sommes chez nous et nous pouvons envisager l’avenir. Nous avons de nouveau plus de 1 000 enfants dans l’école, et nous pouvons enseigner librement la langue russe, notre histoire et notre culture !! Cela n’a pas de prix, personne ne peut imaginer ce que nous avons vécu pendant ces 8 années de non vie… ».

Ainsi se terminait le long témoignage de Ludmila, qui peu après, avec son mari, nous firent visiter les immenses caves de cette fameuse école de Sartana. Elle concluait : « nous avons été trompés, nous aurions été parfaitement en sécurité à Sartana et à l’abri dans les solides murs de notre école. Personne ne serait mort… nous avons été utilisés comme bouclier humain, mais je n’aurais pas pu le croire. Pourtant c’est ce qui est arrivé. En Russie, nous avons le Président Poutine, et malgré tout ce qui est dit en Occident, je peux vous dire que c’est notre président, et qu’il a fait beaucoup pour nous et notre peuple. Nous sommes libres ! Et sans lui, je ne sais pas honnêtement ce que nous serions devenus. Que l’Occident l’entende ou pas, c’est ainsi ! », terminait-elle.

IR
Laurent Brayard - Лоран Браяр

Laurent Brayard - Лоран Браяр

Reporter de guerre, historien de formation, sur la ligne de front du Donbass depuis 2015, spécialiste de l'armée ukrainienne, du SBU et de leurs crimes de guerre. Auteur du livre Ukraine, le Royaume de la désinformation.

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